Jacques Burel, témoin de la vie paysanne en Bretagne

Jacques Burel (1922-2000) Peintre, professeur de dessin

Jacques Burel est un émule de Mathurin Méheut. Breton originaire de Landivisiau. Enseigne comme professeur de dessin, sa passion.

On peut classer ce peintre peut-être plus terrien (*) que Méheut chez les japonisants français, symbolistes, coloristes, modernes. Les bretons sont rares à avoir accéder à la notoriété de l'ère moderne, la plupart des peintres qui ont honoré la Bretagne n'étaient pas bretons. A ce niveau créatif là s'entend ! On peut ajouter celui-ci dedans !

Excelle dans l'art du croquis, comme Méheut, la peinture à l'huile n'est pas son fort. Sa technique est donc l'aquarelle, la gouache, le crayon. le fusain, le pastel.
Vraiment de tout premier plan dans sa catégorie. Sa notoriété n'est manifestement pas à la mesure de son talent ; peut-être que c'est la première chose que j'ai envie de dire ici. Ce qui m'a notamment désarçonné, c'est sa faculté de continuer à peindre comme on peignait après le grande guerre. Il est arrivé un peu sur le tard, que le temps a décroché donc et s'est révélé non pas avec 25 ans de retard, mais avec cette force créatrice qu'avait perdue tous les tenants de la peinture moderne qui est non seulement morte avec ses auteurs, mais ceux-ci avaient au cours de la vie perdu leur veine créatrice. Ils se sont sentis obliger de tenter autre chose pour évoluer et le résultat la plupart du temps est que leur fécondité s'est tarie !.. On ne va pas se raconter des histoires ! Cela dit, Jacques Burel a eu la chance de voir encore chez les bretons pendant tout le 20 e siècle, une Bretagne encore enclavée qui a pu préserver ses moeurs. Il n'était pas rare encore de voir des chars à boeufs au coeur du Morbihan. Ca me fait penser toute proportion gardée à Marie-Galante par rapport au "continent" la Guadeloupe où il subsiste encore des pratiques du passé, très franchement pour mon plus grand plaisir !..

Ses thèmes de prédilection sont le portrait, les scènes rurales de la vie paysanne (*), les costumes bretons, le cheval de trait, les attelages, les processions .. Son intérêt de peindre sur le vif est manifeste ; vu la technique et l'exécution, le résultat en est étonnant de par sa fraicheur et sa richesse chromatique de premier plan. Il est dommage que sa facture ne ramène pas avec physiquement les odeurs des champs l'été, mais on les subodore fortement.

Son oeuvre est aussi un témoignage de tous les gestes quotidiens des paysans bretons, qui sont autant de chroniques de leur vie humble, de tous ces métiers manuels, situés avant-guerre, après-guerre qui ont petit à petit disparu. Que la Bretagne est belle à Landivisiau, à Ouessant .. comme nous le prouve la production de cet artiste qui gagne à être connu. Son sillon est assurément le sien, même si j'ai dit au départ qu'il s'inscrivait dans la mouvance Méheut ; je l'ai précisé d'ailleurs pour le cerner d'emblée. Quoi de mieux pour illustrer son talent et son authenticité que cette couverture du beau livre que j'ai sous les yeux qui représente le ramassage du foin au champ avec ses multiples acteurs, fourche en mains . de la dureté paisible remonte de ce travail des champs, un peu de nostalgie aussi, les femmes comme les hommes s'activaient et cela dit jamais avec une expression d'ennui. La fête, les chants, n'étaient jamais bien loin après ces durs labeurs au champ. On a vraiment là une image certes passée, mais positive, colorée de la main d'un artiste doué à n'en pas douter, comme si on y était !

Aujourd'hui je vois plus dans ces pages de représentation picturale le talent de l'artiste, son art de la composition, le trait, la ligne, la couleur, le cerne semblant puiser son encre dans le noir breton des costumes .. enfin il me semble ! peut-être que demain je verrai plus à leur lecture des souvenirs de cette Bretagne ô combien attachante à force d'en être éloigné ; et après demain le talent de Jacques Burel s'imposera de nouveau à moi ou peut-être les deux. Mais j'ai tout de même l'impression qu'invariablement ce grand peintre breton représente à mes yeux un évocateur de ses racines, ici par le pinceau, le crayon, mais ce pût être la plume ou le archer du violoniste .. Je me demande parfois si cela ne sort pas comme un cri munchien, signe d'angoisse, d'inquiétude profonde de voir s'ensevelir tout ce qu'il a vu dans une échelle de francisation, de mondialisation .. c'est en tout cas ce qu'il fait naître en moi !..

Jacques Burel de Landivisiau, retenez ce nom !..

Beau livre très bien conçu de Françoise Foucher, journaliste dans des magasines spécialisés attachés à la Bretagne et à son patrimoine.

Une bonne partie de l'oeuvre de Jacques Burel a été léguée au musée de Quimper.

Qu'aurais-je à opposer à cet artiste où dans nos conventions, l'exercice de la critique est si facile ? rien ! J'ai juste pour habitude de dire je n'aime pas quand je n'aime pas, mais là j'aime. Je n'ai même pas le coeur à analyser ce que je n'aime pas en général, un rejet se fait assez vite sentir ! Il a transcendé sa discipline avec beaucoup d'humilité !


(*) Même quand Jacques Burel séjournait à Ouessant, c'est encore la terre, le travail de la terre qui l'inspirait !
(*) Peut-être un pléonasme.