L’inconvénient majeur des mensonges est de s’interposer, voire parfois de nous détourner de nos efforts naturels pour appréhender la réalité des choses. Ils sont conçus pour nous empêcher de rester en contact avec le déroulement de la vie réelle. En nous mentant, notre interlocuteur essaie de nous faire croire que les faits diffèrent de ce qu’ils sont vraiment. Il cherche à nous imposer sa volonté. Il veut nous faire croire que son invention est un reflet fidèle du monde réel.
Une personne qui croit à un mensonge devient par là même prisonnière de son « propre monde », inaccessible aux autres, et dans lequel le menteur lui-même ne réside pas. La victime d’un mensonge, dans la mesure où elle est privée de vérité, quitte le monde des faits tangibles pour s’enfermer dans un royaume illusoire où les autres ne peuvent pénétrer.
Les civilisations n’ont jamais connu et ne connaîtront jamais la prospérité sans disposer d’une masse d’informations factuelles fiables. Elles ne peuvent pas non plus rester en bonne santé si elles sont contaminées par le virus redoutable des croyances erronées. Pour établir et perpétuer une culture avancée, nous devons éviter de nous laisser affaiblir par l’erreur ou par l’ignorance. Nous devons aussi connaître un grand nombre de vérités – et bien sûr apprendre à en faire un usage productif.
Nous vivons à une époque où beaucoup d’individus assez cultivés estiment que la vérité ne mérite aucun respect particulier. Chacun sait, bien entendu, que cette attitude cavalière est plus ou moins endémique chez les journalistes et les politiciens, deux catégories humaines dont les membres se complaisent dans la production de baratin, de mensonges et de toutes les formes d’escroquerie et d’imposture à leur disposition.
La rationalité est notre principale caractéristique, celle qui nous distingue de toutes les autres créatures. En outre, cédant à une puissante inclination, nous nous sommes convaincus que cette rationalité nous donnait le droit de nous considérer comme supérieurs aux autres espèces. En tout cas, elle nous inspire un orgueil aussi obstiné qu’ostentatoire.