René Frégni a une longue expérience de la prison en tant qu'animateur d'ateliers d'écriture. de puis des années, il ouvre la porte des mots et des phrases à de jeunes détenus, la plupart du temps issus des quartiers pauvres de Marseille, ceux dont les médias nous rebattent le yeux et les oreilles à longueur de documentaires. Comment peut-on être jeune à Marseille ? Enfant des cités lui-même, il comprend, essaie de rassurer, d'ouvrir des horizons, de faire oublier les barreaux, ceux des Baumettes comme ceux des cités.
Jusqu'au jour où il est appelé au secours par Kader, évadé de sa prison où il purgeait une longue peine. Ce n'est pas la première fois, Kader c'est l'évadé permanent. Un caïd, oui, qui vole, attaque, trafique, mais qui n'a pas tué. Que peut-il bien se passer dans la tête de René pour que, cédant à l'empathie, il aide au-delà de toutes limites le jeune délinquant ?
Bien sûr, René porte un regard sévère sur la prison, véritable école du crime, lit de la désespérance et de la violence qui ne peut qu'en découler. IL regarde avec empathie ces jeunes des cités auxquels la société n'a guère prêté attention, avant de les jeter dans des geôles. Aucun besoin selon lui des rencontres de prison pour devenir un terroriste, la cité s'en est déjà chargée.
On a le droit de ne pas être d'accord avec lui, de le trouver trop bienveillant. Mais on peut aussi se demander si des gouvernements qui annihilent des années d'efforts des travailleurs sociaux et de la police de proximité, ont bien soupesé les conséquences de leurs décisions.
Quant à lui, il pousse le bouchon un peu loin quand, comme séduit par Kader, il devient son complice dans la cavale, jusqu'à l'irréparable. L'inimaginable.
Il va tout laisser derrière lui, la tendre Isabelle qui partage sa vie, les délicats ou puissants paysages de Provence, l'enchantement des marches en montagne. Avec la précision d'un botaniste, l'esthétique d'un paysagiste, il nous fait découvrir dans ses pas une région que manifestement il adore.
Une ode à la nature, une critique non dissimulée du système judiciaire pour les jeunes, un regard corrosif sur le système carcéral, mais aussi et surtout un vibrant hommage à l'art d'écrire, fût-ce modestement, dans un cahier bleu d'écolier comme celui qu'il remplit chaque jour.
Écrire pour dire l'indicible, écrire pour vibrer et se souvenir, écrire pour soigner ses blessures, écrire pour célébrer le beau et rendre hommage à l'homme. Écrire, tout simplement.
Tout semble vrai, tout l'est. Ou presque.