La frontière entre le noir et le blanc est difficile à définir, surtout en littérature. Les auteurs la franchissent pourtant allègrement comme l'illustre avec talent
René Frégni qui vient de recevoir le Prix des lecteurs Gallimard 2017 pour son roman
Les vivants au prix des morts publié dans « la blanche ». Une nouvelle consécration pour cet auteur de polars et romans noirs dont le talent n'est plus à démontrer.
René, le narrateur, est écrivain et coule des jours heureux à Manosque dans l'arrière pays provençal, auprès d'Isabelle, l'institutrice dont il est éperdument amoureux et loin du tumulte marseillais dans lequel il a grandi. Rien, a priori, ne semble à même de venir perturber cette douce retraite, jusqu'au jour ou Kader, taulard en cavale ayant fréquenté l'atelier d'écriture animé par René à la prison des Baumettes, entre en relation avec René. Kader, « un simple braqueur, un solitaire, un homme prêt à tout », mais aussi, surtout, pour René, « un morceau de soleil tombé dans les ténèbres de la prison. Un morceau d'enfance »…
La relation qui se noue entre les deux hommes est complexe, solide et franche. Issu lui-même des quartiers Nord de la cité phocéenne, René éprouve une véritable tendresse pour cet homme qui lui demande de l'aider dans sa fuite et franchit le pas sans hésiter. Petit à petit cette rencontre conduira René sur des chemins que personne ne souhaite explorer, jusqu'au drame : « Brusquement, il y avait un mort dans ma cuisine, dans cette cuisine où j'avais pris des milliers de repas avec ma fille, fait avec elle chaque soir, sous la lampe, des jeux, des devoirs, des découpages. Un homme était étendu sur le carrelage où elle avait joué. J'étais l'un des deux assassins ».
Les vivants au prix des morts est un magnifique roman noir contemporain. Au fil des pages, le style enlevé de
René Fregni nous emmène à la rencontre de personnages du milieu marseillais dont il dresse un portrait cru. Il nous permet aussi, dans la douceur provençale, d'apprécier la profondeur de la relation qui se noue entre René et Kader, une relation à hauteur d'hommes, de deux enfants de Marseille qui n'auront pas eu la chance de faire les mêmes rencontres, mais qui les lie profondément.
La frontière entre le noir et le blanc est difficile à définir, en littérature comme dans la vie. La poésie des mots de
René Frégni nous permet pourtant de la franchir avec douceur pour explorer ces zones grises qui font partie de notre quotidien...