Un après-midi de mai 2020, à l'heure de l'appel à la prière, le chant des partisans italiens Bella Ciao a retenti dans plusieurs mosquées d'Izmir, en Turquie. La diffusion de cet hymne antifasciste est une attaque directe contre le régime d'Erdogan. Naturellement, cela a provoqué un scandale dans le pays.
Pierre Fréha s'est inspiré de cet événement pour ce dernier roman.
Danilo Brankovic, le personnage principal, est un Français d'origine serbe installé depuis une bonne décennie à Istanbul. Il réside dans le quartier Fatih, peuplé de gens majoritairement conservateurs qui n'ont donc rien contre Erdogan. En 2020, à la veille de la pandémie du covid, il a un accrochage avec un conseiller d'une agence de voyage qui essayait de l'arnaquer. de fil en aiguille, il va faire un rejet de la Turquie entière. Rejet de l'Erdoganistan actuel (le nom du dictateur n'est jamais mentionné une seule fois dans le livre, mais on comprend parfaitement les références), du récit de la Turquie kémaliste faussement laïque où les citoyens turcs non sunnites sont des citoyens de seconde zone et où, en tout état de cause, le génocide arménien de 1915 n'a jamais existé et où les migrants (auxquels il s'identifie) sont rejetés autant que chez nous sinon plus. Rejet également des citoyens turcs qui sont bien passifs et complaisants face à ce régime, des Français expatriés qui s'intègrent dans la société en étant les béni oui oui du régime (une Bretonne qui publie des articles positifs sur la Turquie pour un blog en prend notamment plein la tête !)... Et il va finir par se détourner de tous ses amis et avoir quelques problèmes avec les autorités turques.
En fait le problème de ce livre, même s'il est bien écrit, c'est qu'on ne voit pas trop où l'auteur veut en venir. A lire le quatrième de couverture, on peut croire qu'on va avoir affaire à un roman d'espionnage ou un thriller avec un Français résidant en Turquie en prise avec les services secrets erdoganistes. En fait pas du tout : c'est juste un Français expatrié qui râle contre son pays d'accueil et ses habitants après en avoir été déçu, tout en reconnaissant qu'il s'y est beaucoup plu pendant une dizaine d'années. Et ce livre est surtout une diatribe voire un réquisitoire contre les défauts de la Turquie.
Alors c'est justifié. Ce pays est loin d'être parfait et est en proie à de graves problèmes politiques depuis très longtemps. Et les arguments sont étayés. Je m'intéresse un peu au sujet et je déteste Erdogan donc je ne vais certainement pas reprocher à
Pierre Fréha son analyse.
Cependant, "
Bella ciao Istanbul" est à la base un roman, et non un essai. Dans un roman, la critique sociale ou politique doit s'insérer dans l'histoire, voire même en servir de cadre, mais pas faire passer l'histoire et les personnages au second plan. Or, ici, c'est le cas. de plus, les critiques sont un peu décousues et souvent répétitives.
Dommage, car le sujet de base est très bon.