Depuis le massacre de sa tribu par les hommes de Saladin, c'est à la forteresse d'Alamut que le jeune homme aux yeux bleus qu'on appelle désormais le Kabyle est devenu un assassin accompli sous la direction de Sinan le Vieux de la Montagne. Mais il n'a pas oublié les conseils de son père, et au contraire de ses camarades fanatisés il n'est pas dupe : les fabuleux pouvoirs de leur leader ne viennent pas d'Allah, et ses 40 champions sont beaucoup trop forts, beaucoup trop agiles, beaucoup trop rapide et beaucoup trop résistants pour être humains... Mais quand il reçoit l'ordre de mener une attaque suicide lors de l'entrevue entre le roi chrétien Baudouin et le sultan musulman Saladin à Jérusalem, il n'a pas d'autres choix que d'obéir… Mais pour le Kabyle la mort n'est pas la fin, elle n'est que le commencement !
ATTENTION SPOILERS DE LA MORT QUI TUE !!!
Repassé par l'enfer intérieur de la Lampe, monde cauchemardesque à la Clive Barker peuplé d'horribles créature écorchées et mutilées, le Kabyle découvre qu'il y a changement de programme pour la réalisation du deuxième voeu : il devait tuer Saladin / Aladin pour le compte de celui qui l'a transformé en djinn, mais sa cible s'est emparé de l'artefact et lui ordonne d'assassiner son précédent commanditaire, persuadé qu'il s'agit de Shéhérazade car après tout Esther a été façonnée à son image… Et ben il va être bien surpris, et nous aussi ! ^^
Le Kabyle, Esther la femme golem et Hassan le vieux chasseur de djinn se rendent au coeur du désert à Iram, la légendaire cité des Ad's devenue le repaire des monstrueux oiseaux rokhs : les décors sont magnifiques, entre les architectures fantastiques de "Planescape" et de "Ravnica", sur fond de dédales vertigineux à la "Prince of Persia"… Au fil des bastons super-héroïques, le Kabyle se découvre des dons de psychomancie qui lui permettent de voir le passé et de dupliquer les pouvoirs de ses pairs ! Et c'est à travers les yeux de Sinbad qu'il découvre comment le fléau de la Lampe a été de nouveau libéré sur le monde, et avant cela comment ses gardiens choisis par Allah lui-même ont essayé de tricher avec la Lampe : en voulant devenir des dieux, ils ont transformé une petite colibri en mère de tous les monstres qui après une longue guerre les a tous anéantis, transformant la merveilleuse Cité d'Iram en enfer sur terre où il ne reste plus que des êtres monstrueux tous asservis les uns aux autres (on appelle cela IRL « le Système » ! MDM). Il découvre également le moyen d'échapper à la Lampe (réaliser 3 voeux et trouver quelqu'un pour le remplacer), et en retrouvant parmi les oubliés du faux paradis hashinshin les membres de sa famille il découvre aussi le revers de ses nouveaux talents magiques : plus il puise dans la mémoire et les pouvoirs des autres, plus il perd sa propre mémoire…
Le Kabyle n'a découvert qu'une partie d'une éternelle malédiction… avant de l'oublier car c'est amnésique qu'il retourne dans l'enfer de la Lampe en attendant que ses maître ne l'en sortent pour réaliser le troisième et dernier voeu… Son seul dernier espoir résidé désormais dans l'être aux yeux bleus qui hante la Lampe : est-il son meilleur allié ou son pire ennemi ???
Pas décevant, pas vite lu, pas vite oublié : le français
Mathieu Gabella et l'Italien
Paolo Martinello mélangent l'univers des comics super-héroïques et l'univers des mille et une nuits pour nous offrir un cycle Dark Fantasy dense et intense, touffu et complexe, et finalement on passe d'un détournement grimdark de l'Aladin de Disney à un conte philosophique aux accents humanistes. Car derrière les games of thrones des souverains des croisades, on découvre des légendes qui prennent vie avec des héros qui ont troqué leur humanité pour l'immoralité, des archidémons entraînés dans une course au pouvoir absolu, et l'éternelle lutte du bien et du Mal que se livrent par pions interposés Allah et Iblis… La lampe merveilleuse est ici démoniaque, contenant l'enfer lui-même en son sein, et se montre aussi traîtresse que l'Anneau Unique du "SdA" de
JRR Tolkien ou les Béhérits du "
Berserk" de
Kentaro Miura… Tous ses artefacts maudits objets de fascination et de luttes effrénées ne sont rien de moins que des allégories de la malédiction du pouvoir qui corrompt et du pouvoir absolu qui corrompt absolument ! Et pour ne pas devenir exactement comme ceux qu'il combat, le Kabyle devra sauver son âme en faisant les bons choix : la liberté absolue est-ce être le maître de tout le monde (être un crevard suprématiste), ou est-ce faire en sorte que personne ne soit le maître de qui que ce soit (être un être humain cultivant l'égalité et la fraternité) ?
Au début j'ai été déstabilisé par l'association entre un récit grave et noir avec des graphismes très colorés, voire presque légers, mais les dessins s'affinent de planches en planches et finalement je les ai trouvés très appropriés vu qu'on nous montre à parts égales les démons et les merveilles propres au genre fantasy… Et quand les auteurs se sont mis à arpenter graphiquement les univers de "Magic The Gathering", je ne vous dis pas comment j'ai surkiffé ! ^^
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