Mercredi 12 Mai
Il faut reconnaître que mes progrès sont de l’ordre de l’infinitésimal. Hier soir, affamé sans pâtes, sans œufs, sans pain avec pour seul atout un frigo de polonais, je me suis résolu à prendre dans le placard, le paquet de riz à sushis japonais abandonné par la bien-aimée. Toucher l’objet oublié, c’est créer du mouvement. Le faire cuire, le consommer, le digérer et le déféquer ne sont rien d’autre que des formes d’expression de ce mouvement perpétuel qui préfigure la vie. J’ai mangé une partie d’elle ! J’ai pensé à François Hollande qui disait : « Le changement c’est maintenant » et j’avais voté pour lui !
Partir de Flanby, de ce flan déliquescent caramélisé comme postulat de base au prélude d’un changement existentiel vital est une approche ultra contemporaine de la psychologie humaine. Je pourrais m’inscrire dans l’idée que la languette de facilitation d’ouverture du pot est une avancée majeure pour les inconditionnels du dessert et m’accepter dans cet état de fait, je ne suis pas mou, je suis la languette ! Le psy que j’aurais pu être sait qu’il faut valoriser toute avancée, aussi minime soit-elle !
Après cette assiette de riz nourrissante, je me suis saisi de mon téléphone comme je le fais pathétiquement, jour après jour depuis qu’elle est partie et j’ai effacé un à un les messages sms triés par date de mes différents interlocuteurs, dans le seul but de garder apparent le prénom de la bien aimée sur l’écran de réception... Chaque progrès suffit à sa peine et révèle le chemin qu’il reste à parcourir.
A 16h07, j’irai à la gare Thiers la languette de Flanby collée à mon espoir, attendre de la voir descendre du wagon qu’elle n’a pas pris. Je ferre le chemin d’un train non annoncé sur les rails de ma vie abandonnée. Seul devant la gare désaffectée, le voyageur reste à quai.