Troisieme enquete de Carlos Lombardi. Ou plutot troisieme aventure, car chacune le met en danger personnellement.
Nous sommes en novembre 1942, comme le titre l'indique, et Lombardi est revenu a Madrid, sa petite patrie, son bercail, car il le dit lui-meme, il n'est qu'un villageois de Madrid. Et ce Madrid d'epoque est tres bien rendu, de nombreux quartiers encore en ruines, et d'autres, du centre surtout, qui commencent a etre retapes; un peu partout des petites gargotes ou on peut boire une chicoree le matin et manger quelque chose de bourratif et pas cher a midi, des patatas viudas ou des lentejas viudas (patates ou lentilles en sauce mais sans viande); mais pour les profiteurs du regime quelques clubs gandins s'installent et de vieux restaurants comme le Lhardy reouvrent leurs portes.
Mais concentrons-nous sur la trame. Lombardi est occupe a chercher un disparu quand la BIC, la Brigada de Investigacion Criminal, le charge d'enqueter officieusement (encore une fois? mais ne le laisseront-ils jamais tranquille? ) deux suicides dont l'armee a discretement subtilise les corps et empeche toute intervention de la police. Que veut cacher l'armee? Et est-ce que ce sont vraiment des suicides? Et est-ce qu'ils sont lies? Et comment?
On retrouve la marque de fabrique de Galvan dans cette serie. Ici ce ne seront pas deux enquetes differentes mais une seule qui finira par eclairer des affaires completement differentes. Des assassinats deguises en suicides, c'etait a prevoir. du marche noir, de la prostitution, rien que de tres courant dans cette Espagne affamee de fin 1942. Novembre 1942 pour etre plus precis. Novembre 1942? Mais c'est l'Operation Torch, le debarquement allie en Algerie et au Maroc! Galvan en profite pour y introduire un scenario d'espionnage ou s'agittent et manoeuvrent diplomates et espions de tous bords. Et gateau sur la cerise (vous voyez comme ca se complique? Je m'embrouille a la lecture!), on a droit a une machination politique destinee a faire tomber Franco et le remplacer par Munoz Grandes, le general commandant la Division Azul des volontaires espagnols qui avaient combattu en Russie avec les nazis. En plus des sempiternelles luttes entre phalangistes, royalistes, et armee.
Tout cela ne finit pas en happy end meme si Lombardi arrive a jeter de la lumiere sur toutes ces intrigues. Lombardi, heros un peu quichottesque, ne recherche que la verite et pas forcement la justice. La justice, en cette Espagne de 1942, n'est qu'un mot du dictionnaire.
Comme pour les precedents opus de la serie, j'ai beaucoup aime. Bizarrement, je peux presque comprendre qu'on ne se presse pas pour la traduire, malgre l'interet des intrigues. Il y a enormement de details, d'allusions, qui n'interessent peut-etre que les espagnols ou les ferus d'histoire: le melange de personnages historiques, pas tous de premier ordre, beaucoup completement oublies, avec d'autres, fictifs ou a demi fictifs; le rappel constant de ce qu'etait en ces annees, non seulement la politique, mais aussi la vie de la culture, populaire ou pedante, que ce soient des ecrivains illustres ou des footballeurs fameux; le signalement de faits divers marquants qui avaient frappe l'opinion de l'epoque. Tout cela donne beacoup d'epaisseur a l'ouvrage et m'a personnellement subjugue. Mais il y a des chances que cela alourdisse la lecture a des lecteurs autres qu'espagnols. Est-ce pour cela que les traductions en francais se font attendre? Va savoir!
Ces pessimistes réflexions ne m'empecheront pas de noter ce livre a sa valeur: 5 etoiles, parce que, pour moi, c'est un must.
Commenter  J’apprécie         636