Autiste ? Débile ? Atteint de la maladie d'Alzheimer ? On ne sait pas trop, mais hors norme, il l'est sûrement ! Avec lui, les rôles sont inversés et c'est aux enfants de veiller sur leur père. le narrateur, l'un des fils, raconte comment, alors qu'il n'avait pas sept ans, il lui arrivait d'oublier souvent son père sur un banc du jardin municipal. Il nous décrit les nombreuses phobies de cet homme : changer sans cesse les ampoules de la maison, les visser et les dévisser, du matin au soir, pour faire reculer la nuit : « Il menait une guérilla épuisante contre les incursions du noir dans la maison. » Il s'astreignait à un régime alimentaire très particulier « à moitié liquide et ne nécessitant aucune mastication » et s'était inventé une nouvelle langue presque uniquement composée de voyelles pour ne pas nuire à ses dents…
Les objets du quotidien soumis à ses regards scrutateurs, la télévision, sa grève de la faim, le silence dont il s'entoure, les bouteilles d'eau minérale, les petits cailloux, autant d'éléments pour décrire un peu plus chaque fois sa bizarrerie et sa difficulté d'être. Mais je n'ai pas pu adhérer à ce récit et passer au niveau supérieur. le roman est court, je suis donc allée jusqu'au bout malgré une fréquente envie de le lâcher en cours de lecture.
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Un père qui se perd, dont le fils suit son parcours dans les méandres de ce monde qui est le sien, où chaque action quotidienne devient un rite, il s'enferme, à huis-clos. Une ambiance bizarre, dans laquelle le lecteur peut se perdre à son tour, parfois. Comme une impression d'absence de sentiments, d'amour... Pas d'accroche particulière sur ce court récit...
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Mais il avait une idée beaucoup plus complète de la protection dentaire. Il travaillait à une nouvelle langue qui n'usait pas les dents, une langue presque uniquement composée de voyelles légèrement fermées, de façon à les moduler sans jamais ouvrir grand la bouche et sans produire de vibrations agressives. Puisant des mots dans toutes les langues, avec une préférence pour l'anglais, il en élidait les consonnes jusqu'à produire un continuum de voyelles plus ou moins expressif.
Ainsi travaillait-il sans relâche à cette grande suppression des consonnes, comme à un adoucissement mondial des langues. Il modulait chaque mot plusieurs fois avant d'en mettre au point la version définitive, un phonème idéal qu'il enregistrait sur son petit magnétophone. Il connaissait des moments d'exaltation car bien au-delà de la protection dentaire, il entrevoyait un apaisement universel. Moins de consonnes – occlusives, dentales, palatales – cela signifierait un jour moins de conflits dans le monde. Tout frottement de la langue sur les dents, toute vibration à l'intérieur de la mâchoire se traduit à plus ou moins long terme par des querelles familiales qui dégénèrent en guerres de clans, lesquelles se dégradent en guérillas modernes qui peuvent aller jusqu'au génocide. Sans pousser jusqu'à ce scénario extrême, mon père pensait que la suppression des consonnes favorisait la paix intérieure, même si, reconnaissait-il, l'oreille humaine met des consonnes partout. Par exemple le mot gong, disait-il, est une onomatopée, mais le son du gong ne comporte pas de « g », le son du gong c'est oûooo - aaa - ôôôô. Quel besoin avons-nous de tout figer avec des consonnes ? Mon père prêchait une conversion à la voyelle murmurée, à la langue déconsonantisée.