Ruth, jeune orpheline de 16 ans, est apprentie chez une couturière. Un soir, à un bal où elle est employée à raccommoder les robes maltraitées par la danse, elle est remarquée par le riche, jeune et beau M. Bellingham. Remis en présence de
Ruth quelques jours plus tard, il cherche bientôt toutes les occasions de la voir et de passer du temps avec elle. La naïve
Ruth ne se rend pas compte de l'inconvenance de la situation jusqu'à ce que sa patronne les surprenne ensemble et la renvoie sans autre forme de procès.
Ruth est emmenée à Londres par M. Bellingham qui fait d'elle sa maîtresse. Mais la mère du jeune homme, scandalisée par cette situation, profite d'une maladie qui terrasse M. Bellingham pour le séparer de
Ruth. Abandonnée, déshonorée,
Ruth trouvera heureusement des âmes charitables pour l'aider mais son péché de jeunesse pourrait la rattraper et la faire mettre au ban de la société.
J'ai lu
Ruth très peu de temps après un autre texte d'
Elizabeth Gaskell :
Lisette Leigh. J'ai tout de suite été frappée par les nombreux points communs entre les deux histoires. Il semble que la question des filles-mères, séduites puis abandonnées touchait vivement l'auteure de
Nord et Sud. Surtout, ce qui semble préoccuper le plus
Elizabeth Gaskell, c'est l'attitude des “bonnes gens” à l'égard de ces très jeunes femmes, considérées comme perdues, corrompues et à l'influence potentiellement pernicieuse pour la vertu des autres jeunes filles.
Elizabeth Gaskell se positionne clairement dans le camp de la compassion et pointe la cruauté des gens qui, sous prétexte de vertu, jettent ces pauvres filles et leurs enfants dans la misère et l'abandon avec toute la déchéance que cela entraîne.
Ruth a heureusement plus de chance que la malheureuse
Lisette Leigh. La générosité et la bienveillance de M. Benson, un pasteur, vont lui permettre de reprendre pied et de mener une vie vertueuse et honorable jusqu'à ce que son secret soit découvert. Malheureusement, beaucoup de chrétiens semblent avoir oublié que, si elle condamne le péché, la Bible lui oppose non le rejet mais le pardon et la grâce.
Le contexte dans lequel se déroule cette histoire et le rôle central qu'y joue un pasteur dissident font que ce roman accorde une grande place à des réflexions d'ordre “religieux”, ce qui pourrait froisser certains lecteurs ou, au moins, leur passer un peu au-dessus de la tête. En ce qui me concerne, c'est ce qui m'a le plus intéressée dans ce roman. Son propos devait sembler très révolutionnaire à son époque. Ces préoccupations peuvent paraître complètement démodées à notre époque où l'on envisage d'autoriser la PMA pour toutes. Cependant, le fond de sa réflexion sur l'attitude que l'on peut avoir envers ceux qui ont “fauté” une fois, parfois malgré eux, et sur les conséquences que notre intransigeance peut avoir reste toujours d'actualité.
Si l'intrigue s'avère un peu molle, pas très prenante et captivante, en revanche, la galerie de personnages que nous présente
Elizabeth Gaskell est vraiment intéressante par sa richesse, ses nuances... Elle sait très bien décortiquer l'égoïsme de M. Bellingham, l'intransigeance de M. Bradshaw, le tempérament épidermique de Gemima, la fausse dureté de Miss Benson, etc.
Elizabeth Gaskell fait preuve d'une acuité digne de
Jane Austen, l'acidité en moins. L'inconvénient, c'est qu'au milieu de tous ces personnages si divers,
Ruth a un peu de mal à ressortir vraiment. Finalement, ce roman éponyme ne s'intéresse pas tant au personnage féminin principal qu'à l'attitude de tous ceux qui gravitent autour d'elle.
En résumé : le fond “philosophique” de l'histoire m'a bien plu mais l'intrigue elle-même manque un peu de souffle, ce qui donne un roman intéressant mais pas inoubliable.
Challenge solidaire 2021