Élève de Rembrandt, Pieter de Hooch transpose en harmonies claires, dans la paix des intérieurs ou le grand éclat calme des ciels de province, la science et la poésie de son maître. Il fut et il demeure un peintre direct. Le temps n'a pas ajouté à ses œuvres un prestige de hasard. Elles restent évidentes, lucides et pénétrantes comme au premier jour. Mais jamais à coup sûr la vie quotidienne des choses n'a été exprimée avec plus de simple intensité. Ses peintures peuvent être les souvenirs de celui qui les regarde, elles évoquent en nous des poèmes familiers d'enfance et de jeunesse, remuent toute cette mémoire imaginative où se dépose, durant des années, l'insaisissable des jours. Avec la bonhomie de sa manière et la tranquillité de son art, Pieter de Hooch est un poète.
Sur la terre romaine, d'où l'effort des archéologues et des humanistes fait sortir chaque jour les antiques fragments d'une beauté mutilée, une école s'installe, qui va résumer en l'amplifiant la recherche des derniers quattrocentistes, affirmer définitivement son amour d'une nature heureuse et forte, libre dans l'air et dans la lumière, sans s'attarder aux pratiques de la contemplation mystique, au naturisme souligné et maniéré d'observateurs sans discipline. La leçon des belles choses d'autrefois porte fruit. La nature est reconquise. En réalité, la peinture de ce temps ne « renaît» point, ne peut pas renaître alors qu'il y a eu déjà tant d'heureuses découvertes: elle se détermine.
En dehors de ses trésors de toute nature et de toute origine, la National-Gallery se caractérise tout d'abord comme musée anglais. C'est là qu'il faut aller étudier le génie de l'école anglaise et surprendre le secret de son originalité. Que ce soit par le fait du hasard ou de la volonté, l'Angleterre a su garder ses tableaux, tout en acquérant les oeuvres des artistes du continent. Aucun musée d'Europe ne peut ainsi donner à connaître Hogarth, Reynolds, Gainsborough, Constable, Turner, celui-ci, non seulement par ses peintures, mais par ses admirables notes de toutes sortes, aquarelles, pastels, croquis.
GEORGES MORLAND (1760-1804), paysagiste et animalier, bien que son art ne soit pas exempt de mélanges, connaît, lui aussi, le double secret de la poésie et de la vérité. Comme Robert Burns, auquel il fait parfois penser par l'insouciant désordre de sa vie, c'est un « errant» de l'art. Exploité par son père, qui l'enferme dans un grenier, le contraint au travail et vend ses dessins, à peine libre il devient la proie des marchands. Londonien, il s'exile, part pour la province, ce refuge des artistes anglais, où il peut faire des portraits, des scènes de moeurs, qui se vendent mal, mais qui se vendent.
Ne chercherait en vain à la National Gallery de Londres les origines de l'école anglaise, par la bonne raison que l'école anglaise n:a pas d'origines, au sens propre du mot. Elle naît très tard, inopinément, à la suite d'importations étrangères, elle donne tout de suite et à la fois sa fleur et son fruit. A la fin du Moyen Age, alors que l'humanité du continent connaît déjà depuis plusieurs siècles la vie délicieuse de l'art, c'est, en Angleterre, l'absence complète d'une école nationale. Aucune illustration naïve et véridique de la vie et des moeurs de ce peuple. Aucun commentaire dessiné ou peint, même dans les majuscules des manuscrits, des contes de Geofrey Chaucer.
"L'enfermé" de Gustave Geffroy.