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sur 345 notes
Nature, liberté, défi à l'ordre établi, voici trois les trois fondements de la vie de Raboliot, homme lièvre, braconnier passionné, au coeur de la Sologne chère à l'auteur qui constitue une figure de premier plan de ce roman éblouissant de finesse et de dureté. Raboliot louvoie dans la pénombre ou la lumière pour accomplir son art et échapper aux gendarmes, par nature si ballots selon Brassens. Raboliot est bien plus fin mais il a le goût du risque qui le grise. Tout est merveilleux dans l'écriture de Maurice Genevoix et ce braconnier d'il y a près de cent ans est assurément le plus attachant d'entre eux.
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Devant une telle écriture, je suis restée scotchée. Je ne m'y attendais pas. Elle m'est tombée dessus comme un paquet de neige glissant d'un arbre. Non seulement Maurice Genevoix utilise du patois, bouscule les genres, mais il s'amuse aussi avec la langue et invente le terme qui lui manque : « une fourrure peladeuse », « des tanches dégouttelantes », « les doigts entrefermés ». Pas une page de tournée sans ouvrir le dictionnaire.

Habité, physique, nourri d'humus et de brumes matinales, c'est un roman incarné, solide. Les personnages ont du coffre, de la consistance, des bras, des jambes, des trognes. Raboliot est un animal des bois, instinctif, les moustaches frémissantes, jouissant de la liberté qu'offrent les taillis, écoutant les bois respirer comme ils respirent quand les hommes n'y sont pas. Les descriptions sont superbes, évocatrices, pointant les détails qui mettent tout de suite le paysage en place, rappelant ce que nos sens ont perçu dans des circonstances similaires. le brouillard, les mottes de terre spongieuses, l'élasticité des ronces habitent notre perception du monde et débordent sur l'imagination. Ce roman respire toute la force d'âme de l'auteur. Dignité et intégrité y sont défendus avec noblesse.

Un véritable éblouissement.
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Raboliot
Maurice Genevoix (1890-1980)
Prix Goncourt 1925
Académie Française
« Les hommes, si raisonnables qu'ils se croient être, se plaisent aux faiblesses qu'ils s'accordent. »
On l'appelle Raboliot parce qu'il ressemble à un lapin de rabouillère (nid de garennes). Son prénom est Pierre et son nom Fouques. Mais il les a oubliés. Il est marié à Sandrine, une fille douce et sentimentale, il a trois enfants. Il habite une ferme aux limites du village.
Braconnier passionné, hardi et sûr de lui et de son adresse, rien ne peut l'empêcher d'obéir à ce besoin de chasse nocturne qui le saisit chaque soir. de pineraies parcourues par la houlée de la brise en jonchères humides et embrumées, il court la campagne solognote nuitamment pour son seul plaisir. L'oreille aux aguets au cri rouillé d'une chevêche en chasse, il goûte la grande paix vigilante des nuits du bocage et des rives du Beuvron.
Accompagné de sa fidèle Aïcha qui lui obéit au doigt et à l'oeil et aime musser sa tête au creux de ses bras lors d'une pause, il est comme tous ces hommes que pousse un instinct vers la chasse, lui fils d'une terre giboyeuse où craillent le soir les faisans qui se branchent pour la nuit et s'appellent les perdrix dans les chaumes tandis que les lapins sortent par bandes des bois à l'assaut des récoltes dès la pique du jour et que se fait entendre un écureuil grignotant une faîne.
S'il tend la nuit des collets dans les pineraies, les genêtières et les boulassières après avoir repéré le meilleur baliveau et choisi la touffe ou la passée dans les breumailles pour dissimuler son piège, c'est surtout pour le plaisir et le sentiment de liberté, même si cela en outre améliore l'ordinaire pour nourrir sa femme et sa nichée de drôles.
Dans un style somptueux, Maurice Genevoix nous emmène à travers la Sologne pour un moment de pur plaisir bucolique dans un premier temps, et on s'imagine bien nuitamment débusquer Raboliot au détour d'une plaisse tandis qu'il inspecte ses collets à la lueur du soleil des loups :
« La lune haute laissait ruisseler aux pentes du ciel d'amples ondes de clarté huileuse. Les champs moissonnés, les labours ondulaient avec une souplesse retenue, et qui semblait aux yeux une sorte de toucher velouteux… Raboliot était content pourvu qu'il pût offrir son visage à l'air vif, qu'il marchât en silence avec Aïcha près de lui, qu'il exerçât ensemble la finesse de ses sens aux aguets, son instinct de chasse et de ruse…La joie naissait, jaillissait d'elle-même, il était sûr que de cette nuit, de tout ce qu'il ferait cette nuit, ne pourrait naître qu'une joie toujours plus riche et plus grisante…Chasser dans la nuit avec pour compagnon le halètement chaud d'Aïcha, sa forme ardente et sombre et ses bonds meurtriers…Une soûlerie capiteuse, un vertige de bonheur lui enflait la poitrine… »
Jusqu'au jour où une dénonciation lui met les gendarmes aux trousses, et notamment un certain Bourrel, gendarme vertueux, cruel et sans concession qui va se servir de Trochut l'aubergiste pour confondre Raboliot qui va fuir et se cacher d'abord chez son beau-père taxidermiste et ménétrier, un homme gentil et serviable, puis un peu partout où il peut échapper à Bourrel, ne manquant pas à l'occasion de le narguer en se montrant dans le village à la nuit tombante.
Entre temps, on fait connaissance du comte de Remilleret, de Tancogne son fermier général et de Volat dit Malcourtois, un braco de première, ombrageux et jaloux, au passé sulfureux, qui tient aussi le rôle de garde des terres du comte. Quand Volat découvre qu'un autre braco est passé sur les terres du comte, il est fou de rage et de révolte : il sera sans pitié avec qui le brave ! Il a compris que Raboliot est passé par là. Fiévreux de rancune il va frapper et va utiliser la petite Delphine, fille de Flora sa femme, pour pister Raboliot qui a, c'est certain, colleté sur les terres du comte. Mais rien ne va se passer comme il l'escomptait du moins dans un premier temps. La petite Delphine, habile et sauvageonne va zigzaguer entre les lignes s'alliant au gré du temps avec Raboliot ou avec ses poursuivants.
Traqué sans relâche, Raboliot avoue à la dérobée son désarroi à Sandrine qui lui conseille de se confier à son père qui l'avait déjà hébergé, lequel conseille à Raboliot de se rendre aux gendarmes. La famille est sans ressource, la maie est vide, le fourneau est froid et les drôles vont rentrer de l'école affamés : se rendre est la meilleure solution.
Une ultime équipée braconnière avec ses amis Sarcelotte et Berlaisier se termine mal : ils ont été trahis et les deux amis sont emprisonnés. Raboliot parvient à fuir au fond des bois, chasser pour se nourrir et fusiller les capucins qui boultinent parmi les éteules ou les judelles qui rament dans les jonchères. C'était son seul plaisir. Maintenant c'est sa survie. Les mois passent, il vit dans les bois comme un loup solitaire, avec comme seul et bref plaisir, lorsque la nuit engrisaille la lande et enténèbre les halliers, après avoir couru dans les près parmi les flouves et les phléoles tremblantes, quelques échappées chez Flora au charme de qui il succombe.
Il erre se répétant le nom de Sandrine et celui de ses enfants Edmond, Léonard, Sylvie dans une sorte de délire… et il les rejoint. La maison est là dans l'ombre et son destin l'attend…
Ce magnifique roman que j'avais lu à l'âge de quinze ans , connut dès sa publication un immense succès populaire. Ceux qui connaissent la Sologne y retrouveront distillés au fil des pages son charme et son secret. Ils découvriront le personnage de Raboliot, braconnier hors la loi partagé entre son amour de la liberté et de la forêt, et ses amours humaines, inconciliables parfois hélas.


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Raboliot avait fourni quelques extraits dans mon livre de lecture à l'école, j'ai essayé de le lire encore enfant: profond ennui! Longtemps plus tard, nouvel essai et révélation: le braconnage est un art, plus une rébellion qu'une nécessité, et le drame s'annonce. La Sologne est un personnage à elle seule, et le style de Genevoix est un régal. A sortir de l'oubli!
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Un superbe roman "du terroir", récompensé par le prix Goncourt en 1925. Un braconnier solognot se perd dans les plaisir du braconnage pour le frisson de se sentir vivant et pour l'impression - vitale - de se rencontrer pleinement en tant qu'homme. Il en paiera le prix...
Lu en version poche, sachez que vous lisez une version "épurée" où l'auteur a enlevé de nombreux passages qu'il trouvait trop précieux ou des listes d'espèces de poissons et d'oiseaux locaux qu'il trouvait trop longue.
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L'entrée au Panthéon deMaurice Genevoix, ce grand amoureux de la lange française m'à donné l'envie de relire «  Raboliot » ce roman qui fut prix Goncourt en 1925.
L'histoire de Raboliot s'appuie sur un descriptif détaillé d'une région : la Sologne.
C'est un amoureux de la nature qui nous parle, un premier écologiste, on pourrait dire !....
Quand il nous présente le contexte de l'histoire, M.Genevoix nous parle de l'automne, des arbres, des feuilles « il y avait dans l'air des tournoiements de feuilles lasses, détachées on ne savait de quels bouleaux, qui venaient se poser une à une dans le lit de la Sauvagere, s'éteindre au toucher de la boue » c'est toujours d'une grande délicatesse, d'un grande poésie. On découvre ainsi l'essentiel de la flore d'automne de cette région. Et que dire de la faune : Raboliot est un braconnier qui donc chasse la nuit ; à nous d'imaginer tous ces lapins, lièvres et faisants qu'il rencontre. Et puis il y a le beau-père de Raboliot qui est Taxidermiste, alors chez lui on découvre toute la faune qui peuple la région. Il faut dire que dans les années 1920, le petit gibier ne manquait pas . Les oiseaux étaient encore nombreux dans les talus et dans les haies aujourd'hui disparus. Ils avaient aussi de quoi se nourrir, les insectes étaient encore présents.
C'est aussi une époque où la campagne vivait : « ....elle resplendissait toute sous la lumière vespérale. Très loin .....quelques hommes se courbaient sur un champ, près d'une charrette attelée d'un cheval rouan.... » il y avait des hommes et des bêtes dans les champs. Il ne faut pas être nostalgique de cette période où les travaux paysans étaient très durs, mais quand même la technique ne fait pas tout !.....
Bien sur dans la campagne de cette période, tout Solognot est plus ou moins braconnier. Raboliot est sans doute le meilleur , le plus efficace ce qui crée bien entendu des jalousies. Il faut dire que chez lui cette chasse est une passion. On sent poindre le drame au fil des pages.
Maurice Genevoix oppose cette nature magnifique et accueillante à la sauvagerie des hommes.
Mais il n'omet pas de trouver chez les plus durs l'humanité qu'ils renferment . Ainsi quand il parle de la Souris, Raboliot se dit «  on l'a trop battue .....il faut plaindre ce bout de monde, trop durci pour son âge, déjà incapable d'aimer
Raboliot lui, a échappé à la Grande Guerre, saura t il échapper à sa passion et au duel qu'elle va entraîner ?

Voilà un roman que l'on ne se lasse pas de relire, un livre qui fait du bien, car même si la nature soumise à l'homme n'y a rien gagné, la Sologne reste une belle région qui mérite le déplacement
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Se plonger dans un roman de Genevoix est une vraie source d'évasion. Il a le don de nous plonger dans la nature et de nous offrir le même espace de liberté que le héros. Raboliot est un braconnier qui goûte son bonheur dans sa connaissance de la nature et sa liberté quand il relève ses pièges accompagné de son chien. Mais il est dénoncé à la gendarmerie, alors que d'autres font bien pire que lui, et se retrouve obligé de se cacher et de voir sa femme, Sandrine, et ses trois enfants, épisodiquement. son cas va s'aggraver et Raboliot refusera de se livrer et d'aller en prison. Pris dans un affrontement personnel avec un des gendarmes, marginal mais attaché à sa liberté avant tout, il finira mal. J'ai aimé les sensations rendues d'une nuit dans la campagne, les autres personnages bien campés, comme Souris, la petite fille qui espionne Raboliot et le trahit, Sandrine la femme aimante mais apeurée... tout un monde d'autrefois mais la revendication de liberté demeure
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L'entrée de Maurice Genevois au Panthéon aura eu le mérite de me stimuler à découvrir son oeuvre et tout particulièrement le livre pour lequel, il a reçu le prix Goncourt en 1925, Raboliot.
Un très beau livre sur la Sologne et les dérives d'un braconnier. La langue y est belle avec son patois solognot, de splendides descriptions de la faune, de la nature et des personnages attachants.
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Dans les bois de la Sologne, dans la première partie du 20ème siècle, le braconnage est un art dont Raboliot est le maître. À travers une nature dépeinte avec talent et richesse, Maurice Genevoix déroule une fresque forestière où les parties de chasse nocturnes tournent à l'affrontement entre le héros et le gendarme, Bourrel. le chasseur devient le chassé, et traqué, dos au mur, c'est un duel qui s'amorce, duel où il ne pourra en rester qu'un.

Immersif, poignant, ce Goncourt 1925 semble avec un recul séculaire une légende, une aventure tirée d'un conte, et au final, un classique à ne pas manquer.
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Tout simplement magnifique, comme l'ensemble de l'oeuvre de cette immense auteur, dont la riche langue devrait encore faire l'objet de dictées en classe. Je ne sais d'ailleurs, si les dictées existent encore à l'école...

En tout cas, il faudrait inciter les élèves à lire outre Raboliot, La Forêt perdue, par exemple.

Des extraits également de Ceux de 14, pour les aider à comprendre un peu le contexte et les horreurs de la Grande guerre.

Pat
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