Des gens qu'on étend dans des lacs
Le vent violent qui souffle parfois sur les plages corses, exige une logistique impeccable. Ainsi, pour caler un parasol, un pavé ne suffit pas toujours (le Libecciu, que voulez-vous…).
Aussi, après les 787 pages de
le rouge du péché , les 826 pages de "
La ronde des mensonges" s'imposent.
Bien que chaque roman d'Elisabeth George est indépendant, lire sa production de manière chronologique présente l'avantage de créer une sorte de complicité avec le lecteur qui voit évoluer les personnages récurrents auxquels il finit par s'attacher.
Autant "
Le rouge du péché" est correct sans plus et souffre d'une intrigue un peu relâchée, autant celui ci est tenu d'un bout à l'autre.
Comme chaque fois avec cette auteure, le décor de l'intrigue permet de faire un peu de tourisme. Après les côtes de Cornouailles, l'action se déroule maintenant, bien plus au nord, dans la région des lacs du Comté de Cumbria (le livre propose d'ailleurs une petite carte pour nous aider à nous situer).
L'histoire principale débute avec la noyade (accidentelle ?) de Ian Cresswell, neveu de Bernard Fairclough, richissime industriel (spécialiste du WC !), anobli récemment.
Pour faire la lumière sur cette mort, l'inspecteur Linley est mandaté pour enquêter dans la plus parfaite discrétion (entre Lords, n'est-ce-pas…).
Mais les autres personnages n'ayant pas tous la réserve et le détachement aristocratiques (on ne dira jamais assez le rôle de la révolution française, de mai 68 et du rock dans la déliquescence des moeurs), la démarche policière ne va pas rester pas longtemps dans l'ombre et les secrets familiaux les mieux enfouis vont être exposés en pleine lumière.
Un excellent roman, entremêlant comme d'habitude, intrigue policière et étude de moeurs, le tout prenant vie sous la plume habile de George qui enlumine son texte d'une multitude de détails et d'histoires parallèles, sans que cela apparaisse pesant. Pour moi, en tous cas.
Je ne sais pas ce qui m'attire chez Elisabeth George alors que je suis plutôt amateur de polars typiquement américains (Fast, Chandler, Hammett,
Lehane, Thompson,
Ellroy, Irish…), et peu versé dans la littérature policière - souvent féminine - britannique (
P.D. James,
Agatha Christie,
Ruth Rendell,
Patricia Wentworth…).
D'après mon psychanalyste, j'éprouverais une attirance coupable pour les transfuges. Il base son diagnostic sur le fait que j'ai lu tous les romans de l'anglais
James Hadley Chase et ceux de l'américaine Elisabeth George, ces deux auteurs ayant la particularité de situer leurs intrigues sur le territoire de l'autre.
Et c'est grave Docteur ?
PS.
A noter :
- un formidable trait d'humour involontaire page 335 où deux dames désespérant de tomber enceintes un jour, discutent : "On cherche toutes les deux à tomber enceintes. Votre mari me l'a dit...Il m'a vue feuilleter le magazine "Conception" précisa -t-elle en espérant lui faire passer plus facilement la pilule."
La pilule...Il fallait oser !
- Linley dont on a bousillé la Bentley, conduit désormais une...Healey Elliott. Ah oui, quand même !