Paru en 2011, «
Eux sur la photo » est le premier roman d'
Hélène Gestern plusieurs fois primé.. Une démarche un peu modianesque dans cette recherche du temps passé et le souhait de restaurer ce qui n'est plus. L'autrice va tirer un fil qui entraînera les personnages et le lecteur dans une quête identitaire et familiale.
Elle s'appelle Hélène Hivert et a 38ans. Sa mère est morte quand elle avait trois ans dans des circonstances obscures. Ce sont sa belle-mère et son père qui l'ont élevée. Une enfance heureuse, mais où tout ce qui concernait sa mère était tu. Pourquoi avoir toujours refusé à Hélène d'en savoir plus sur sa mère ?
Comme il est impossible pour elle d'avancer dans ce vide, elle envoie à plusieurs quotidiens français et suisses une photo en noir et blanc trouvée dans la maison de ses défunts parents qu'elle est occupée à vider, avec comme indices deux noms. Elle recherche désespérément quelqu'un susceptible de reconnaître les trois personnes sur la photo illustrant un article.
Un homme lui écrit avoir reconnu deux personnes, son père maintenant décédé et un ami à lui. L'homme est biologiste et s'appelle Stéphane. Hélène lui précisera que la femme est sa propre mère, morte quand elle avait trois ans.
Stéphane est le fils de Pierre Gütsen, et lui aussi est en questionnement. Il cherche à mieux connaître ce père ombrageux et impénétrable.
Hélène et Stéphane vont alors chercher à reconstituer le passé de leurs parents par le biais d'une correspondance soutenue.
À travers les échanges épistolaires – lettres, courriels, sms- se dessine un jeu de miroirs où les deux personnages s'interrogent. Que cache cette photo ? Qui sont précisément ces trois personnes ? Quel est leur lien ?
Ils vont correspondre assidûment et rechercher les pièces manquantes de leur histoire à l'aide d'autres photographies trouvées durant leur prospection. Hélène se met à culpabiliser, car elle a conscience d'avoir ouvert la boîte de Pandore.
Le récit est structuré en douze chapitres. Chacun s'ouvre sur la description précise et détaillée d'une photo qui aura son importance dans l'avancée de l'histoire.
Si le rôle du premier cliché est essentiel, vu qu'il active toute l'intrigue et invite à l'exploration de la mémoire familiale, les suivants remplissent la fonction d'empreintes, comme la mémoire fait défaut, et permettent de fouiller dans l'angle mort des souvenirs.
Hélène Gestern entremêle merveilleusement les histoires de ces deux adultes dont les souvenirs d'enfance sont restés partiels. Et le lecteur voit alors naître lentement une troisième histoire, celle qui unit progressivement Hélène et Stéphane.
Ce roman épistolaire explore avec une grande maîtrise la mémoire familiale à travers des non-dits, des faux semblants, des secrets troublants. C'est grâce aux photos, à la réalité figée, que les deux personnages vont recouvrer les traces du vécu.
Captivant comme un polar, avec son suspense, ses doutes, ses surprises, ses rebondissements, son émotion. Et c'est magnifiquement écrit.
Hélène Gestern pense en plus à préciser dans ses descriptions des détails techniques qui permettent au lecteur de visualiser nettement la photo.
Talentueux !