Absolument jubilatoire que ce thriller ébouriffant sur un scénario entre Indiana Jones ( et la Dernière croisade ) et Blake & Mortimer ( album La Malédiction des trente deniers ) : en pleine Deuxième guerre mondiale, Nazis et Alliés se livrent à une course poursuite pour récupérer quatre swastikas reliques aux pouvoirs aussi puissants qu'obscurs qui pourraient faire basculer la victoire du côté du camp qui en possédera le plus.
Habituellement, je ne suis pas du tout amatrice de polars ambiance ésotériques, mais là je plussoie car la dose de « surnaturel » reste légère et surtout rendue suffisamment crédible pour faire chavirer un esprit rationnel. Tout le talent des deux auteurs réside en leur capacité à trouver un équilibre parfait entre roman d' aventures – ésotérique – historique.
Le scénario est échevelé, maitrisé au millimètre pour nous embarquer du Tibet à l'Espagne, du château de Montségur en France au château de Wewelsburg d'Himmler, sur les traces personnages fictifs forts ( coup de coeur pour le trafiquant d'art opportuniste et charmeur Tristan, l'ambitieuse et brillante Erika l'archéologue allemande au service des Nazis , la jeune héritière cathare Laure, Mallorley l'agent des services secrets britanniques du SOE entre autre ) qui côtoient des personnages eux bien réels comme
Churchill ou des dignitaires nazis ( Himmler, Goebbels, Hess … ). On se régale de leurs confrontations dans des dialogues souvent savoureux et des situations très romanesques qui s'enchaînent sur un rythme soutenu.
Mais ce qui pimente le plus ce thriller assez magistral, c'est tout son riche contexte historique : en arrière-plan, on suit ainsi les différentes étapes de la Deuxième guerre mondiale jusqu'à l'opération Barbarossa d'invasion de l'URSS par la Wehrmacht, de façon très rigoureuse et sans écart avec la réalité. Surtout, Giacometti et Ravenne éclairent sur les liens très forts entre nazisme et ésotérisme : la bibliographie ( non fantaisiste ) qu'ils proposent à la fin révèle toute l'étendue du sérieux de leur recherche pour étayer une intrigue captivante.
J'ai notamment découvert que les Nazis avaient fondé en 1935 l'Ahnenerbe ( « héritage des ancêtres » ) , sans doute la plus étrange des organisations dépendant de la SS de Himmler. Cet institut de recherches pluridisciplinaires avaient pour but de retrouver toutes traces de la « race » germanique, de son origine aryenne tout en prouvant sa supériorité sur les autres hommes. L'Ahnenerbe a ainsi financé de nombreuses expéditions, certaines servant de points de fixation à l'intrigue, par exemple les fouilles nazies au château de Montségur en Ariège, un des centres de l'hérésie cathare médiévale, source des très nombreuses légendes et autres mystères ésotériques.
On sait depuis longtemps que la croix gammée n'a pas été inventée par les Nazis mais que la swastika existe depuis des millénaires dans de nombreuses civilisations, tout particulièrement en Asie, auréolée d'une signification positive de paix – harmonie – rotation des forces cosmiques : de leur expédition au Tibet en 1938, les Nazis de l'Ahnenerbe ont ainsi emporté une statue de Bouddha ornée d'une swastika, vieille d'un millénaire et façonnée à partir d'un météorite tombée il y a 10.000 ans. Himmler l'a placée dans son musée du château de Wewelsburg, centre de formation idéologique et ésotérique de la SS, encore un lieu placé sur la route des différents protagonistes du livre dans leur quête des reliques.
Quand la fantaisie rejoint l'histoire, quand le véridique incroyable fusionne avec des aventures trépidantes, le lecteur se régale ! J'ai également lu le tome 2,
La Nuit du mal, à la recherche d'une nouvelle swastika, toujours aussi réjouissant mais nettement en dessous de l'opus initial car n'ayant pas son intensité et tombant dans des facilités scénaristiques très clichés.