Il y a aujourd'hui en France trois têtes d'affiche du polar... ce sont à mes yeux les trois meilleurs :
Karine Giebel,
Mattias Köping et
Ghislain Gilberti.
J'ai déjà eu l'occasion, à travers la présentation de leurs oeuvres, de parler des deux messieurs.
C'est donc la première fois que je vais dire quelques mots de leur consoeur.
Mais d'abord je voudrais ouvrir une petite parenthèse sur ce qui, outre le talent, lie ces trois surdoués.
Il y a en effet dans leurs univers ce que j'appellerais "la parenté du désespoir", "l'appel du noir et de l'abîme".
Chez
Giebel, Köping et Gilberti, le monde est livré au mal, l'amour n'y trouve une place que dans la mort.
Pour survivre dans cet enfer qu'est la vie, il y a la violence, l'alcool, la drogue... la musique et surtout les livres.
Vérifiez... ce sont des constantes.
Parenthèse refermée.
-
Toutes blessent, la dernière tue- aborde le thème de la traite humaine à travers une forme d'esclavage sournoise : l'esclavage domestique. Celui de ces gamines achetées dans des pays pauvres pour une bouchée de pain, que l'on déracine pour les séquestrer et les contraindre aux travaux forcés, avec comme contrepartie le mépris, l'humiliation, les coups... l'ignorance (analphabétisme) et la peur (je devrais dire les peurs).
Tama est cette petite esclave d'aujourd'hui, achetée au Maroc à huit ans pour quelques euros... qui va franchir "la porte maudite", sans savoir qu'elle vous conduit en Enfer.
Cet Enfer, l'auteure nous le raconte avec une surenchère dans la violence, le sadisme, l'horreur, que j'ai trouvé insupportable. Mais le talent narratif de
Giebel et sa plume vous poussent à vouloir connaître le dénouement... oubliant ce qu'il y avait écrit au-dessus de la porte de l'Enfer.
A ce réquisitoire "impitoyable" contre l'esclavage domestique, viennent se greffer une grande et belle histoire d'amour, et une intrigue spécifiquement polar. le tout magistralement pensé, construit, articulé, écrit.
Le danger, lorsque l'on côtoie en permanence l'extrême, c'est de basculer dans la vacuité du non crédible.
Au lecteur de se faire son idée.
La mienne, bien qu'ayant aimé ce roman de oufs, ce pavé de 800 pages, qui se lit avec une fluidité remarquable... c'est que Tama, exutoire de la violence sous toutes ses formes, aurait dû, victime d'un des plus grands jeux de massacre littéraire auquel il m'ait été donné d'assister, mourir d'une overdose de coups de poing, de coups de pied, de multiples sévices et tortures (brûlures, fractures, traumas crâniens), dénutrition, et j'en passe... Tama n'aurait pas pu survivre au-delà de la 100ème page...
Le talent de
Giebel, c'est de nous obliger à penser que... peut-être.
En conclusion, c'est violentissimement noir, à peine croyable, mais il y a du souffle, du talent... c'est brillant et addictif.