Cartes postales - extraits
Je ne suis pas où vous pensez. Pays perdu, pays ruiné. Le soleil, ici, perce et tue. Comme chez vous la neige. Plages inutiles. Sable. Mes paysages sont vos yeux, votre dernier regard à l’orée de l’érablière. Je ne voyage pas, je m’absente.
Quel monument! De pierre dure, de main d’homme et de taille vive. Les veines de marbre coulent au plus clair de la nuit. Le granit avance, sans faille, jusqu’au bord de la mer. Comment dormir ici quand la pierre veille?
La plage recommandée n’est plus saine depuis plusieurs années déjà. Il faut se tourner vers l’intérieur des terres où le vert a encore forme de feuilles. J’ai découvert un étang vierge; mais il n’y a pas de quoi jubiler : il tiendrait dans votre main.
Peine perdue que cet éloignement. Et pourtant, on succombe à l’attrait. Sortir. Comme si l’on vivait mieux ailleurs. Voir autre chose qui nous est toujours familier et nous reflète... Courir. Courir avec son ombre toujours devant qui trébuche sur la moindre brindille et finit par fondre au soleil.
Enfin quelque chose de neuf et d’inattendu! Une maison pour papillons, sans toit, sans murs, sans portes ni fenêtres. On aurait dit un sanctuaire. Les touristes faisaient la queue avec leurs appareils photographiques. Les papillons étaient blancs sur fond d’ouate. Il était midi.
On m’a parlé d’un château qui serait un lieu privilégié, quoique d’architecture banale. Ceux qui le visitent en ressortent bouleversés et n’oublient jamais le guide. Je n’irai pas. Je ne veux pas passer le reste de ma vie avec un guide; je préfère ma mémoire défaillante et veux tâtonner à ma guise.
Un repas sans histoire, au restaurant. Les Convives que vous connaissez bien. La table tournait et je n’étais pas à ma place; je n’étais pas dans mon assiette non plus. Je n’avais d’appétit que pour ma maison de papier. Je ne me souviendrai que du vin qui avait la couleur de votre robe.
J’ai beaucoup aimé ce quartier à l’ombre de la montagne. Humidité des pauvres. Plaisirs sombres. Ruelles remplies de cris fauves. Jeux défaits. Lune blême. Une vie sans quartier.
(p. 185-188)
Roses et ronces, Roland Giguère, lecture du poème
Dans le cadre du Mai de la Poésie 1998, Gaétan Dostie avait organisé une rencontre hommage à Roland Giguère. À cette occasion plusieurs ami-e-s et connaissances étaient venu-e-s témoigner de la grande importance de ce poète dans notre affirmation identitaire.
À cette occasion Roland Giguère avait fait la lecture de quelques-unes de ses oeuvres.
C'est ainsi qu'il avait lu Roses et Ronces, une oeuvre phare.