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4,07

sur 517 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'avoue découvrir tardivement Jean Giono, du moins ses livres, qui peuplent pourtant ma bibliothèque, m'attendent, trépignent d'impatience pour que je vienne enfin à eux. C'est chose faite enfin pour l'un d'entre eux, Le chant du monde.
Le confinement dans lequel nous sommes enfermés depuis quelques jours m'incitaient à aller vers des lectures solaires, le soleil de Provence dont j'avais le plus besoin aujourd'hui, j'ai senti que les lectures de Jean Giono s'y prêtaient. Pourtant ce roman est bien plus que cela, ou bien autre chose, quelque chose de solaire mais de noir aussi... Un soleil camusien, celui qui brûle tout en déployant des ombres derrière les personnages qui évoluent...
Le thème est relativement simple mais il met en scène des énergies fraternelles et violentes qui m'ont fait penser à une tragédie antique : c'est la quête d'un enfant disparu dont on part à la recherche, celui qu'on nomme tout au long du roman le « besson », le jumeau dont le frère est mort quelques années plus tôt dans un accident tragique. Nous sommes à l'automne, Matelot, vieux bûcheron, père du « besson », vient solliciter l'aide d'un ami, Antonio le pêcheur, celui qui vit sur l'île des geais, une île au milieu d'un fleuve, pour retrouver son fils. Durant l'été, le besson avait descendu le fleuve pour transporter du bois en aval sous la forme d'un radeau. C'était son commerce. Il n'est pas revenu depuis...
Le deux hommes décident de remonter de chaque côté du fleuve à la recherche du fils disparu pendant l'été et découvre l'intrigue de l'histoire en parvenant dans le pays de Rebeillard : l'enlèvement par le besson de Gina, la fille de Maudru, maître du lieu et des troupeaux de taureaux. Le besson tue le neveu à qui Gina était promise. Cet enlèvement déclenche bien plus qu'une traque, un drame, une tragédie à l'échelle du pays : dès lors le besson est poursuivi par les chiens et les hommes de Maudru, les bouviers. Cette histoire ne vous rappelle-t-elle rien ?
Oui, nous sommes dans une histoire qui rappellerait la guerre de Troie, en terre provençale. Le roman est structuré en saisons, et si les premières saisons évoquent l'Iliade, peut-être que la dernière saison, ce radeau du retour vers la terre promise, évoque l'Odyssée...
Mais selon moi, ce n'est pas là l'essentiel, ce dont il faut retenir de ce très beau livre. Le chant du monde, c'est le chant de la nature, le chant de la terre, le chant des hommes qui aiment cette terre, qui en vivent.
J'ai aimé les personnages principaux, leur fraternité, leur quête, chacun arrive avec sa propre histoire, son chemin, et voilà que, comme des cours d'eau qui se versent dans un fleuve, cette histoire se nourrit des histoires et des caractères de chacun. Ceux-ci sont bien trempés, mais la tragédie du récit les amènent à entendre la voix de l'autre. C'est beau. Et sans doute, du moins je l'ai ressenti ainsi, les personnages secondaires m'ont paru magnifiques. Ainsi, le Toussaint, cet homme qui soigne les blessures physiques et celles de l'âme, mais aussi Clara cette femme aveugle qui accouche en pleine nature comme un animal et dont Antonio tombera amoureux. Elle voit mieux que les autres...
Ici la nature et les personnages fusionnent dans une harmonie qui fait la force du roman.
L'amitié des hommes est au coeur de ce récit. Mais l'amour se révèle dans cette quête, celle d'Antonio et de Clara, même si elle est peu développée par l'auteur. Elle est pourtant là, comme un chemin souterrain, œuvrant comme des rhizomes qui traversent les veines et le sang.
Ici le chant du monde, c'est la brume qui remonte dans la vallée, c'est l'odeur de l'eau, l'odeur de la forêt, l'odeur de la sève. C'est l'étonnement des renards. C'est la joie simple arrachée au reste du monde qui poursuit son cours.
Ce roman parle du monde, de son renouvellement peut-être attendu, peut-être inattendu, espéré certainement...
Des feux s'allument dans la nuit... Dessinent l’itinéraire des hommes. Nous éclairent...
C'est une histoire où les arbres et les oiseaux parlent de temps et temps et cela n'a rien de ridicule ni de fantastique. Peut-être d'ailleurs que nous en aurions besoin, bien besoin par les temps qui courent...
Parfois un cerf traverse les pages. La pluie d'hiver et les neiges aussi. Plus tard et avant, le soleil. Les saisons...
Un fleuve aussi traverse l'histoire. Et il faudra bien un jour le remonter. Revenir.
Mais ce qui traverse le récit, c'est un souffle qui surgit, ce qui traverse le récit c'est notre âme portée comme sur un radeau, ballotée par les flots, emportée par les mots, la violence, la fraternité, la nature toujours éternelle et sidérante...
Ce qui traverse ce récit, c'est, selon moi, le désir de poursuivre mon chemin de lecture vers d'autres livres de Jean Giono.
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Ceci n'est pas une critique !
D'ailleurs je n'en ai ni la légitimité ni les compétences. Quand bien même, devant un tel livre, les mots sont difficiles à trouver pour donner un avis définitif (et péremptoire, forcément). Je veux juste à travers ce “commentaire” vous faire partager mon émotion.

Oh que c'était beau ! Une fois encore je suis tombé sous le charme… Sans me retenir. Je me suis laissé emporter au fil de l'eau et des saisons comme les hommes et les femmes qui peuplent ce récit.

On ne présente plus Jean Giono. Cet auteur naturaliste, pilier de la littérature provençale, qui en a inspiré tant d'autres depuis, et qui est capable de vous tirer les larmes des yeux à la simple lecture d'une page décrivant l'arrivée du printemps en montagne, entre le givre craquant sur les branches, le soleil étincelant à travers les sapins, les sautillements des oiseaux dans la neige fragile et légère, le chant des ruisseaux courant sous la glace, les petits mammifères qui s'ébrouent dans le matin frais après un long sommeil… Bref, un hymne à la nature, loin des contingences humaines et des turpitudes de nos sociétés. Mais ce n'est pas seulement cela. le Chant du Monde, c'est aussi une histoire d'hommes et de femmes, plus durs les uns que les autres avec leurs parts d'ombre et de lumière, leurs envies, leurs jalousies et leurs crimes, leurs amours et leurs douleurs, leurs espoirs et leurs déceptions, leur vie et leur mort. C'est aussi un voyage initiatique d'un homme seul vers un groupe, d'un père vers son fils, d'une femme vers son homme.
Il est tellement ardu de ne pas se prendre au jeu du lyrisme lorsqu'on s'exprime sur un livre pareil. On voudrait dire, faire lire et montrer, aux autres, à vous, faire partager la jouissance qu'on a eu à boire d'un long trait ce texte écrit avec autant de talent à enchaîner les mots.
Faites-moi juste plaisir, lisez les quelques extraits que j'ai voulu partager avec vous.
Pour ceux parmi vous qui connaissent Giono, ce sera une joie de le retrouver ; pour les autres ce sera certainement un plaisir tout neuf de le découvrir et sans doute de plonger plus avant dans cette littérature.

Un chef d'oeuvre.
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Antonio est un jeune homme plein de vigueur qui vit près du fleuve. Il accepte d'aider Matelot, un bûcheron, à retrouver un de ses fils disparus. En descendant le fleuve, les deux hommes fouillent les berges et la forêt. Ils rencontrent Clara, une jeune aveugle en train d'accoucher. Antonio est immédiatement attiré par cette femme, mais il ne peut pas rester près d'elle. « Il pensait qu'il allait prendre Clara dans ses bras et qu'il allait se coucher avec elle sur la terre. » (p. 282) Il doit aider Matelot à défendre son fils qui s'est mis à dos Maudru, un prospère propriétaire et éleveur de bétail. Hélas, le fils de Matelot est du genre indépendant et farouche, pas vraiment disposé à se laisser aider. « Ton besson, il m'a toujours fait l'effet d'une bête lointaine. » (p. 121)

Le chant du monde est une histoire d'hommes et de femmes, une histoire de désir et d'attraction, pleine de pulsions et de dynamisme. Dans ce livre où tout fuse, la vie est partout, en toutes choses, prête à éclater et à se répandre. « Ils font l'amour. La terre leur a déjà bourré la tête avec des odeurs et maintenant elle frappe avec de gros marteaux de joie sur la cuirasse de leur crâne. » (p. 159) Jean Giono a écrit un roman charnel et tellurique. Sa force d'évocation est telle que, de l'automne au printemps en passant par un sombre hiver, son récit est puissant et chante quelque chose d'immuable, à l'image du fleuve et de la vie.

J'ai lu ce roman quand j'étais jeune adolescente, pendant ma période régionaliste, entre un Bernard Clavel et un Claude Seignolle. J'en avais gardé un très bon souvenir, même s'il me semblait que je n'avais pas tout compris. C'est donc avec plaisir que je l'ai relu, découvrant une poésie brute et retrouvant la plume fine que j'avais tant aimée dans Un roi sans divertissement, du même auteur.
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Giono nous livre ici un véritable poème en plongeant littéralement le lecteur dans le monde végétal ; un univers vivant et pénétrant fait de couleurs et d'odeurs, de bruits et de matières. La nature se révèle toute puissante face aux humains qui doivent l'apprivoiser pour mieux s'en approcher. le fleuve, sûrement La Durance, que Giono personnifie est la colonne vertébrale de ce territoire âpre qu'Antonio le pêcheur sillonne depuis des années : « Le fleuve roulait à coups d'épaules à travers la forêt... ». Il parle aussi des montagnes, difficilement accessibles et dominatrices. Puis il y a les saisons et les rôles jouées par chacune ; elles imposent un rythme, une cadence. Les éléments aussi, essentiels à ce roman : l'eau, l'air, le feu et la terre évidemment.
L'histoire est celle de ce pêcheur, Antonio, ami de Matelot, le bûcheron, qui accompagnera ce dernier dont le fils , le besson, a disparu alors qu'il naviguait sur le fleuve avec une cargaison de bois. Les deux hommes partent ainsi à la recherche du besson en plein hiver, combattant le froid, l'imprévisible fleuve, la forêt dense et ses occupants. le voyage va être long et périlleux. La bande à Maudru, le chef des bouviers – personnage dur et torturé -, rôde. Gina Maudru, sa fille, aurait une part non négligeable dans la disparition du besson. Plusieurs histoires s'imbriquent les unes dans les autres au fur et à mesure que le temps passe, dans l'attente du printemps.
Sur leur chemin, Antonio et Matelot vont rencontrer Clara, jeune femme aveugle. Seule et le ventre rond, elle est sur le point d'accoucher. Les deux hommes prendront soin d'elle jusqu'à la délivrance et reprendront leur quête. Cette femme ne quittera désormais plus les pensées d'Antonio qui voit en elle la part qui lui manquait depuis toujours. La rencontre avec Clara est un véritable choc émotionnel. Même absente, elle réussit à emplir sa tête et son corps d'un bonheur nouveau, éclairant son existence.
Des phrases d'une beauté inouïe dans lesquelles les images poétiques ne cessent de défiler sous nos yeux avec force et grandeur. L'évocation de l'hiver avec sa rudesse, le labeur des hommes qui luttent contre le froid et leur impuissance souvent, la nature endormie – le grand sommeil - et pourtant si présente, le silence, est incroyable de justesse. Quand le printemps arrive, les hommes semblent s'éveiller également ayant alors des envies de vengeances, de révoltes, à l'image de la nature avec la fonte des glaces, le réveil des bêtes, la repousse des arbres et des plantes. Les sentiments sont exaltés et les hommes se déchaînent.
Après l'orage, les hommes épuisés s'assagissent, la lumière revient, la douceur aussi. Ils peuvent enfin laisser aller leurs émotions au fil du fleuve puisque c'est là que tout commence et tout fini. Un roman magnifique.

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Antonio, dit « bouche d'or » et Matelot partent à la recherche du « besson » le fils de Matelot, disparu au delà des gorges du fleuve en pays Rebaillard. Là règnent Maudru, la vielle Gina, et les siens, là le « besson » a fait des siennes, et pas qu'un peu : il a convolé avec la jeune Gina, la nièce de Maudru. Voilà un chant à la nature, où les hommes vivent leurs passions à fond, où les personnages puissants abondent, et parmi eux, la belle Clara, aveugle, mais qui sent et ressent tout.
Un livre qui résume tout Giono.
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Ma seule et unique lecture à ce jour de Jean Giono était "Le hussard sur le toit" il y a plusieurs années de cela.
La beauté du texte m'avait tellement émue que je n'avais pas pu ouvrir depuis lors un autre livre de cet auteur.
Ce sont des choses qui arrivent, parfois.
Et puis, je suis tombée sur ce résumé et poussée par la curiosité j'ai eu envie de lire un autre roman de Jean Giono.

J'avais oublié à quel point la lecture de cet auteur peut être viscérale.
Dans "Le chant du monde", je n'ai pas été que transportée par l'histoire mais j'ai vécu avec les personnages, je les ai suivis en pays Rebeillard et j'ai vécu leur épopée.
Antonio est l'homme du fleuve, celui qu'on appelle "Bouche d'or", qui charme par sa voix et vole des nuits aux jeunes femmes; tandis que son ami Matelot est un homme des bois qui vient le trouver, inquiet parce que son fils, le Besson, l'homme aux cheveux rouges, est parti chercher du bois en pays Rebeillard et n'est toujours pas revenu.
C'est le seul fils qu'il leur reste, à Matelot et sa femme Junie.
Antonio n'hésite pas un instant à accompagner son vieil ami en pays Rebeillard, et durant leur périple, leur route croisera celle de Clara, une jeune accouchée aveugle qui touchera au plus haut point Antonio, transformant cet homme en un amoureux qui ne se sait pas, prêt à tout pour la femme qu'il a choisi : "Il aurait voulu être désigné seul par la vie pour conduire Clara à travers tout ce qui a une forme et une couleur.".
Quant à Matelot, il lui faudra apprendre à comprendre ce fils qu'il a pourtant engendré et dont il ne sait ce qu'il est devenu et ce qu'il a bien pu faire en pays Rebeillard : "On ne fait pas des enfants rien qu'avec du lait caillé, vieux père. Et on ne les fait pas comme on veut. On les fait comme on est et ce qu'on est on ne sait pas. On a tant de choses dans son sang.".

"Le chant du monde" est un roman vivant, véritable hymne à la Nature, un personnage à part entière : "Ça sentait la mousse et la bête.Ça sentait aussi la boue; cette odeur âpre, un peu effrayante qui est l'odeur des silex mâchés par l'eau. de temps en temps il y avait aussi une odeur de montagne qui venait par le vent devant. Antonio releva sa manche de chemise et il renifla tout le long de son bras. Il avait besoin de cette odeur de peau d'homme.".
C'est au rythme de trois saisons que les personnages vont évoluer : tout d'abord l'automne, période à laquelle ils entament leur périple vers le pays Rebeillard, l'hiver qu'ils y passent et enfin le printemps qui éclot et les ramène à leur point de départ.
Les personnages ne sont pas les seuls à évoluer durant ces trois saisons, la Nature elle aussi s'adapte, jusqu'à devenir hostile sous la neige pour renaître au dégel et redevenir une alliée, mais toujours omniprésente, à la fois dans l'esprit des personnages : Antonio n'attend que de pouvoir se baigner nu dans sa rivière comme il le fait d'ordinaire, et dans le récit de l'auteur.
Quant au chant du monde qui donne son titre au roman, il est lui aussi extrêmement présent dans toutes les descriptions : "Les bois se décharnaient. de grands chênes vernis d'eau émergeaient de l'averse avec leurs énormes mains noires crispées dans la pluie. le souffle feutré des forêts de mélèzes, le chant grave des sapinières dont le moindre vent émouvait les sombres corridors, le hoquet des sources nouvelles qui crevaient au milieu des pâtures, les ruisseaux qui léchaient les herbes à gros lapements de langue, le grincement des arbres malades déjà nus et qui se fendaient lentement, le sourd bourdon du fleuve qui s'engraissait en bas dans la vallée, tout parlait de désert et de solitude.".
Le style de Jean Giono est magnifique mais pas forcément saisissable d'entrée de lecture, il faut tout simplement apprendre à se détacher d'une écriture moderne pour se laisser porter par la magie de la plume de Jean Giono, dévidant les mots dans une langue ancienne qui n'existe plus mais qu'il fait renaître et qui n'apparaît à aucun moment démodée.
Quant à l'histoire, elle est très touchante sur le plan humain, il n'y a presque que Jean Giono qui sache écrire de si beaux coups de foudre, celui de Clara et d'Antonio n'étant pas sans rappeler celui de Pauline avec Angelo dans "Le hussard sur le toit", et très viscérale dans sa façon d'être.
C'est le midi, le pays où il faut laver l'honneur souillé et où la vengeance est de mise, c'est violent mais à la fois très fraternel et l'amour est au centre de l'histoire, toujours.

A la lecture de ce livre, je me suis souvent dit : "C'est beau comme du Giono.".
Normal, puisque c'est de Jean Giono.
"Le chant du monde" est une oeuvre forte qui transporte le lecteur dans une histoire qui prend au coeur et aux tripes, un récit vivant véritable hymne à la nature, à découvrir ou à re-découvrir de toute urgence.
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Un bûcheron vient trouver Antonio, qui connaît si bien la rivière, afin qu'il l'aide à retrouver son fils, l'un de ses jumeaux (bessons) qui n'est pas revenu alors qu'il devait convoyer des grumes sur le fleuve. Ils décident de remonter chacun d'un côté de l'eau, à la recherche de traces ou de témoignages qui permettraient de retrouver le jeune homme. C'est un voyage lent et long, mais riche en rencontres, dont certaines vont faire progresser leur quête. le jeune homme disparu est malheureusement tombé amoureux de la mauvaise personne, celle dont le père tyrannique avait prévu un autre avenir.

Dès les premières phrases, il faut se laisser porter par la prose comme par le courant du fleuve où nage Antonio. L'auteur pose ses galets qui roulent et entraînent. Cela demande parfois de se concentrer, en particulier sur les dialogues à la langue imagée, pleins de bons sens et de poésie à la fois. Les personnages sont des figures passionnantes, des femmes fortes, des hommes, plus que les femmes, gouvernés par leurs sentiments : Antonio et son rapport à l'eau, Matelot, le père déterminé, Clara la jeune aveugle qui comprend tant de choses sans voir, Maudru, le patron despote, Toussaint le guérisseur…
Et aussi le personnage de Gina, qui dès son apparition, m'a évoqué la Serena de Ron Rash, ce qui n'est pas étonnant puisque Ron Rash est un admirateur de Jean Giono qui déclare que son roman préféré est le chant du monde, avec son message écologique, et le fait qu'il fasse du paysage le principal personnage.
Comme l'auteur américain, j'ai admiré la manière de raconter, de mettre au centre de cette histoire de vengeance, la nature et les personnages, intimement et inexorablement liés. J'avais lu auparavant une adaptation en roman graphique de ce roman, par Jacques Ferrandez, très réussie et rendant parfaitement l'aspect visuel du roman. Il rejoint mes romans préférés de l'auteur, Angelo, le hussard sur le toit et L'iris de Suse.
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Giono, le chantre de la Provence et de la nature. Il se surpasse dans ce livre, hymne à la nature éternelle, d'une poésie que seuls les maîtres peuvent exprimer avec autant de naturel. Et puis des personnages, nombreux, complexes, chacun décrit avec précision, l'amour également, évoqué avec pudeur, un enchaînement de phrases pleines de poésie que le lecteur parcourt avec émerveillement à chaque page tournée.
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Lire Giono, c'est comme se retrouver dans une bulle de poésie, dans un moment hors du temps.
Lire le chant du Monde, c'est donc un moment à part. Et ça fait du bien.

Un vieux bûcheron nommé Matelot, et Antonio, son voisin et pêcheur, partent tous deux à la recherche du fils disparu de Matelot, le Besson. Ils remontent la rivière, et apprennent ce qu'il s'est passé. On est là témoin d'une nouvelle guerre de Troie : enlèvement d'une jeune femme, vengeance, mort, mais aussi amour et fraternité.

La Nature est, tout le long du roman, un personnage à part entière. Elle y est personnifiée, décrite comme un être dont on doit prendre soin :
« le ciel resta boueux et vivant. Au-dessus de la terre immobile, du fleuve blessé de froid et qui n'avait plus que la force de gémir doucement contre le sable de ses golfes, le ciel travaillé d'un halètement terrible soulevait et abaissait sa poitrine de nuages »
« le fleuve roulait à coups d'épaules à travers la forêt ».
« D'un côté l'eau profonde, souple comme du poil de chat ; de l'autre côté les hennissements du gué »

L'humain et l'animal font partie intégrante de cette nature, et tout cela forme une seule et même entité.

C'est beau, c'est solaire, c'est lyrique. C'est effectivement le chant du monde, avec les voix du monde de la nature, des humains, et des animaux qui se mêlent toutes les unes aux autres.
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Paru en 1934, « le Chant du monde » se différencie un peu des romans qui l'ont précédé : « Jusque-là, tous les romans de Giono, et presque toutes ses nouvelles, se passaient en Provence, c'est-à-dire dans un pays sec… Ce qu'il a cherché dès lors, il me l'a dit : « Un paysage plus liquide, plus humide, qui me changeait ». Cet élan initial vers l'eau déterminera l'essentiel du livre » (Pierre Citron). Et de fait, le roman s'ouvre et se referme sur le fleuve, et « le fleuve est l'axe du livre, la vallée du fleuve est son cadre » (id).
L'histoire rappelle la guerre de Troie : le Besson (ainsi nommé parce qu'il a perdu un frère jumeau mort dans un accident) a enlevé Gina, la fille de Maudru, le maître du haut-pays. Tous deux ont disparu. Matelot le père du Besson, aidé par Antonio le pêcheur, partent à leur recherche, tout comme Maudru, ses gens et ses chiens. La guerre est déclarée. le Besson tue le neveu de Maudru, promis de Gina. En représailles les gens de Maudru tuent Matelot. le Besson et Antonio, ivres de vengeance, incendient le domaine de Maudru, puis, le calme revenu, redescendent le fleuve…
On connait la culture classique de Giono, les références antiques ne manquent pas dans ce roman atypique : à la fois réaliste (les personnages sont durs, violents, simples et frustes) et allégorique (le symbole du fleuve qui charrie la vie et la mort, la communauté des liens quasi charnelle entre les personnages et la nature avec laquelle ils font corps, le mouvement « panique » qui souligne l'universalité des hommes et des choses unis dans une approche concrète, où tous les sens sont mis à contribution).
C'est aussi un beau roman d'aventures tragiques, où les rôles sont bien répartis : le Besson par qui tout est arrivé, qui devient violent pour se défendre contre le neveu de Maudru, puis pour venger Matelot ; Matelot, vieux sage, « homme des bois », il a le même rapport avec la forêt que celui qu'Antonio le pêcheur a avec le fleuve ; Antonio, justement qui est l'image de la camaraderie, avec Matelot d'abord, pour chercher le Besson, puis avec le Besson pour venger Matelot. Ces trois-là sont les grands personnages du récit. Les autres ne sont pourtant pas que des silhouettes : Maudru, propriétaire dominateur autoritaire et inquiétant, est le méchant de l'histoire ; Gina, est à la fois symbole de vie, de joie et de sensualité ; Clara, la jeune accouchée aveugle apporte une note antique supplémentaire (allusion à Oedipe, Tirésias) pleine de mystère et de secrets non dévoilés ; enfin Toussaint, le guérisseur bossu qui « sait » les choses…
La langue de Giono, une fois de plus, fait merveille dans ce récit âpre et fruste comme ses personnages : à la fois familière et recherchée, elle démontre à chaque instant ce don du « mot juste » qui est la marque des vrais écrivains. Elle épouse de façon très expressive le propos de l'auteur : communiquer les sensations (vue, ouïe, odorat, goût, toucher) avec une telle acuité que le lecteur, plongé dans le fleuve, en ressent la fraîcheur, qu'il entend les bruits de la forêt et respire les odeurs de l'incendie. Giono est un auteur « sensuel » au sens premier du mot, qui partage ce qu'il ressent physiquement autant que moralement.
S'embarquer avec Giono est toujours un bonheur, « le chant du monde » (ce titre est tout à fait approprié) ne manque pas à la règle.
En 1965, Marcel Camus a tiré un beau film de ce beau roman : « le Chant du monde », avec Charles Vanel (Matelot), Hardy Krüger (Antonio), André Lawrence (Le Besson), Marilu Tolo (Gina) et la jeune Catherine Deneuve (Clara).

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