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sur 515 notes
J'avoue découvrir tardivement Jean Giono, du moins ses livres, qui peuplent pourtant ma bibliothèque, m'attendent, trépignent d'impatience pour que je vienne enfin à eux. C'est chose faite enfin pour l'un d'entre eux, Le chant du monde.
Le confinement dans lequel nous sommes enfermés depuis quelques jours m'incitaient à aller vers des lectures solaires, le soleil de Provence dont j'avais le plus besoin aujourd'hui, j'ai senti que les lectures de Jean Giono s'y prêtaient. Pourtant ce roman est bien plus que cela, ou bien autre chose, quelque chose de solaire mais de noir aussi... Un soleil camusien, celui qui brûle tout en déployant des ombres derrière les personnages qui évoluent...
Le thème est relativement simple mais il met en scène des énergies fraternelles et violentes qui m'ont fait penser à une tragédie antique : c'est la quête d'un enfant disparu dont on part à la recherche, celui qu'on nomme tout au long du roman le « besson », le jumeau dont le frère est mort quelques années plus tôt dans un accident tragique. Nous sommes à l'automne, Matelot, vieux bûcheron, père du « besson », vient solliciter l'aide d'un ami, Antonio le pêcheur, celui qui vit sur l'île des geais, une île au milieu d'un fleuve, pour retrouver son fils. Durant l'été, le besson avait descendu le fleuve pour transporter du bois en aval sous la forme d'un radeau. C'était son commerce. Il n'est pas revenu depuis...
Le deux hommes décident de remonter de chaque côté du fleuve à la recherche du fils disparu pendant l'été et découvre l'intrigue de l'histoire en parvenant dans le pays de Rebeillard : l'enlèvement par le besson de Gina, la fille de Maudru, maître du lieu et des troupeaux de taureaux. Le besson tue le neveu à qui Gina était promise. Cet enlèvement déclenche bien plus qu'une traque, un drame, une tragédie à l'échelle du pays : dès lors le besson est poursuivi par les chiens et les hommes de Maudru, les bouviers. Cette histoire ne vous rappelle-t-elle rien ?
Oui, nous sommes dans une histoire qui rappellerait la guerre de Troie, en terre provençale. Le roman est structuré en saisons, et si les premières saisons évoquent l'Iliade, peut-être que la dernière saison, ce radeau du retour vers la terre promise, évoque l'Odyssée...
Mais selon moi, ce n'est pas là l'essentiel, ce dont il faut retenir de ce très beau livre. Le chant du monde, c'est le chant de la nature, le chant de la terre, le chant des hommes qui aiment cette terre, qui en vivent.
J'ai aimé les personnages principaux, leur fraternité, leur quête, chacun arrive avec sa propre histoire, son chemin, et voilà que, comme des cours d'eau qui se versent dans un fleuve, cette histoire se nourrit des histoires et des caractères de chacun. Ceux-ci sont bien trempés, mais la tragédie du récit les amènent à entendre la voix de l'autre. C'est beau. Et sans doute, du moins je l'ai ressenti ainsi, les personnages secondaires m'ont paru magnifiques. Ainsi, le Toussaint, cet homme qui soigne les blessures physiques et celles de l'âme, mais aussi Clara cette femme aveugle qui accouche en pleine nature comme un animal et dont Antonio tombera amoureux. Elle voit mieux que les autres...
Ici la nature et les personnages fusionnent dans une harmonie qui fait la force du roman.
L'amitié des hommes est au coeur de ce récit. Mais l'amour se révèle dans cette quête, celle d'Antonio et de Clara, même si elle est peu développée par l'auteur. Elle est pourtant là, comme un chemin souterrain, œuvrant comme des rhizomes qui traversent les veines et le sang.
Ici le chant du monde, c'est la brume qui remonte dans la vallée, c'est l'odeur de l'eau, l'odeur de la forêt, l'odeur de la sève. C'est l'étonnement des renards. C'est la joie simple arrachée au reste du monde qui poursuit son cours.
Ce roman parle du monde, de son renouvellement peut-être attendu, peut-être inattendu, espéré certainement...
Des feux s'allument dans la nuit... Dessinent l’itinéraire des hommes. Nous éclairent...
C'est une histoire où les arbres et les oiseaux parlent de temps et temps et cela n'a rien de ridicule ni de fantastique. Peut-être d'ailleurs que nous en aurions besoin, bien besoin par les temps qui courent...
Parfois un cerf traverse les pages. La pluie d'hiver et les neiges aussi. Plus tard et avant, le soleil. Les saisons...
Un fleuve aussi traverse l'histoire. Et il faudra bien un jour le remonter. Revenir.
Mais ce qui traverse le récit, c'est un souffle qui surgit, ce qui traverse le récit c'est notre âme portée comme sur un radeau, ballotée par les flots, emportée par les mots, la violence, la fraternité, la nature toujours éternelle et sidérante...
Ce qui traverse ce récit, c'est, selon moi, le désir de poursuivre mon chemin de lecture vers d'autres livres de Jean Giono.
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Ceci n'est pas une critique !
D'ailleurs je n'en ai ni la légitimité ni les compétences. Quand bien même, devant un tel livre, les mots sont difficiles à trouver pour donner un avis définitif (et péremptoire, forcément). Je veux juste à travers ce “commentaire” vous faire partager mon émotion.

Oh que c'était beau ! Une fois encore je suis tombé sous le charme… Sans me retenir. Je me suis laissé emporter au fil de l'eau et des saisons comme les hommes et les femmes qui peuplent ce récit.

On ne présente plus Jean Giono. Cet auteur naturaliste, pilier de la littérature provençale, qui en a inspiré tant d'autres depuis, et qui est capable de vous tirer les larmes des yeux à la simple lecture d'une page décrivant l'arrivée du printemps en montagne, entre le givre craquant sur les branches, le soleil étincelant à travers les sapins, les sautillements des oiseaux dans la neige fragile et légère, le chant des ruisseaux courant sous la glace, les petits mammifères qui s'ébrouent dans le matin frais après un long sommeil… Bref, un hymne à la nature, loin des contingences humaines et des turpitudes de nos sociétés. Mais ce n'est pas seulement cela. le Chant du Monde, c'est aussi une histoire d'hommes et de femmes, plus durs les uns que les autres avec leurs parts d'ombre et de lumière, leurs envies, leurs jalousies et leurs crimes, leurs amours et leurs douleurs, leurs espoirs et leurs déceptions, leur vie et leur mort. C'est aussi un voyage initiatique d'un homme seul vers un groupe, d'un père vers son fils, d'une femme vers son homme.
Il est tellement ardu de ne pas se prendre au jeu du lyrisme lorsqu'on s'exprime sur un livre pareil. On voudrait dire, faire lire et montrer, aux autres, à vous, faire partager la jouissance qu'on a eu à boire d'un long trait ce texte écrit avec autant de talent à enchaîner les mots.
Faites-moi juste plaisir, lisez les quelques extraits que j'ai voulu partager avec vous.
Pour ceux parmi vous qui connaissent Giono, ce sera une joie de le retrouver ; pour les autres ce sera certainement un plaisir tout neuf de le découvrir et sans doute de plonger plus avant dans cette littérature.

Un chef d'oeuvre.
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Après le pays des collines arides, Giono nous fait découvrir la "haute vallée noire", pays des montagnes noires peuplées "d'arbres noirs", et traversé par un fleuve dont "l'eau [voyant] la forêt large étendue là devant, abaisse son dos souple et entre dans les arbres".
Tel un dogme, la nature nourrit encore et toujours l'écriture de Giono dans ce roman : dotée d'un corps et d'une âme, elle s'accapare un rôle prépondérant sans toutefois décider du destin des hommes. Car pour une fois, c'est un roman d'hommes.

Deux amis, Tonio l'homme du fleuve et Matelot l'homme de la forêt, partent à la recherche du fils disparu du second, appelé le Besson, jamais revenu du pays des montagnes noires.
En remontant le fleuve jusqu'à ce pays sombre, ils feront des rencontres qui bouleverseront leur destinée.
Dans ce pays mystérieux malgré tous les repères géographiques cités par l'auteur, on plonge dans une épopée mais une épopée paysanne, où les personnages taillés à la faux luttent sans cesse pour tout et pour rien dans la rigueur de l'hiver. Les pieds dans l'eau mais aussi les mains dans le sang, ils causent peu mais basculent dans la violence sans aménité aucune. Et pour quelle raison ?
Par amour : c'est l'amour filial de Matelot le bûcheron qui mène cette expédition laquelle va révéler à Tonio le pêcheur, trop longtemps immergé dans l'eau verte du fleuve, l'amour d'une femme. L'amour illumine le récit mais de manière contenue, à l'image de ces gens aux pieds bien campés dans la terre.

Sans conteste, Giono utilise les mêmes ressorts que pour ses oeuvres précédentes mais avec une tonalité différente.
La nature fleurit joliment dans la langue de Giono, empruntant diverses formes vivantes. Elle témoigne d'un émerveillement permanent de la part de l'auteur, allant même jusqu'à façonner le corps et l'esprit de ses personnages, ils sentent plus qu'ils ne savent : "Antonio toucha le chêne. Il écouta dans sa main les tremblements de l'arbre. […] ‘'Ça va?'' demanda Antonio. L'arbre ne s'arrêtait pas de trembler. ‘'Non, dit Antonio, ça n'a pas l'air d'aller.''
Toutefois, l'auteur n'expose pas une nature enthousiaste aux couleurs chatoyantes : point d'été avec sa chaleur écrasante, mais les pluies incessantes de l'automne et le souffle glacial de l'hiver. Et ce d'autant plus que l'auteur a choisi de conduire nos deux compagnons armés de leur solide amitié en direction de la ville, dominée par un effet de clair-obscur à travers des ruelles sombres et étroites.
On prend alors conscience que Giono use de cette palette de couleurs pour marquer la progression du récit. La trame obéit au rythme des saisons : avec le froid mordant de l'hiver le fleuve se trouve prisonnier des glaces, c'est le temps de l'inquiétude, de l'impuissance, de l'attente des hommes jusqu'à la survenue du printemps lequel sort de terre avec le réveil des orgueils et des instincts de vengeance des hommes. le printemps découvre une terre "sanguine ", des "torrents musclés" et insuffle une formidable énergie non seulement aux hommes, mais également à l'intrigue quelques peu ensevelie sous la neige. Lorsque le printemps s'annonce, tout s'accélère, bercé dans une atmosphère d'abord féroce puis lyrique et sensuelle. Giono démontre ainsi sa parfaite maîtrise du rythme, rendant la lecture captivante.
Comme toujours, l'homme et la nature sont unis par des liens profonds chez Giono. Mais cette fois, ils chantent à l'unisson : "le monde commençait à chanter doucement sous les arbres", la nature accompagne de son chant les personnages au gré de leur périple. Pas de lutte entre l'homme et la nature.
Et c'est probablement en raison de cette harmonie que la nature exerce moins d'emprise sur le récit que dans les romans précédents. Avec une certaine pudeur qui sied à la vie paysanne, l'auteur pose alors un regard tour à tour compatissant et admiratif sur ses héros, guidés par leurs sentiments et l'abnégation ou la désillusion qui en découlent. Tous ne reviendront pas de ce voyage avec ce qu'ils recherchaient.
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Le fils du bûcheron Matelot a disparu depuis plusieurs mois. Matelot convainc son ami Antonio de partir à la recherche de son corps pour le ramener et l'enterrer. Ils remontent le fleuve en guettant les troncs d'arbre que le besson était chargé de convoyer et qui seraient passés par là.
L'intrigue, qui se rapproche de celle de la guerre de Troie, est forte, mais elle s'évanouit sous les descriptions et les personnages. J'ai eu assez peu envie de savoir ce qui allait leur arriver.
Lire le chant du monde, c'est plonger dans un style flamboyant à l'extrême, dans une nature fantasmée et dans des dialogues parfois mystérieux. Alors que Regain est un des livres que j'emporterais sur une île déserte (il me faudrait peut-être une immense caisse, pour emporter tous mes livres préférés), j'ai trouvé cette lecture difficile. Un chef-d'oeuvre, je veux bien en convenir, mais difficile.

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Antonio est un jeune homme plein de vigueur qui vit près du fleuve. Il accepte d'aider Matelot, un bûcheron, à retrouver un de ses fils disparus. En descendant le fleuve, les deux hommes fouillent les berges et la forêt. Ils rencontrent Clara, une jeune aveugle en train d'accoucher. Antonio est immédiatement attiré par cette femme, mais il ne peut pas rester près d'elle. « Il pensait qu'il allait prendre Clara dans ses bras et qu'il allait se coucher avec elle sur la terre. » (p. 282) Il doit aider Matelot à défendre son fils qui s'est mis à dos Maudru, un prospère propriétaire et éleveur de bétail. Hélas, le fils de Matelot est du genre indépendant et farouche, pas vraiment disposé à se laisser aider. « Ton besson, il m'a toujours fait l'effet d'une bête lointaine. » (p. 121)

Le chant du monde est une histoire d'hommes et de femmes, une histoire de désir et d'attraction, pleine de pulsions et de dynamisme. Dans ce livre où tout fuse, la vie est partout, en toutes choses, prête à éclater et à se répandre. « Ils font l'amour. La terre leur a déjà bourré la tête avec des odeurs et maintenant elle frappe avec de gros marteaux de joie sur la cuirasse de leur crâne. » (p. 159) Jean Giono a écrit un roman charnel et tellurique. Sa force d'évocation est telle que, de l'automne au printemps en passant par un sombre hiver, son récit est puissant et chante quelque chose d'immuable, à l'image du fleuve et de la vie.

J'ai lu ce roman quand j'étais jeune adolescente, pendant ma période régionaliste, entre un Bernard Clavel et un Claude Seignolle. J'en avais gardé un très bon souvenir, même s'il me semblait que je n'avais pas tout compris. C'est donc avec plaisir que je l'ai relu, découvrant une poésie brute et retrouvant la plume fine que j'avais tant aimée dans Un roi sans divertissement, du même auteur.
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Giono nous livre ici un véritable poème en plongeant littéralement le lecteur dans le monde végétal ; un univers vivant et pénétrant fait de couleurs et d'odeurs, de bruits et de matières. La nature se révèle toute puissante face aux humains qui doivent l'apprivoiser pour mieux s'en approcher. le fleuve, sûrement La Durance, que Giono personnifie est la colonne vertébrale de ce territoire âpre qu'Antonio le pêcheur sillonne depuis des années : « Le fleuve roulait à coups d'épaules à travers la forêt... ». Il parle aussi des montagnes, difficilement accessibles et dominatrices. Puis il y a les saisons et les rôles jouées par chacune ; elles imposent un rythme, une cadence. Les éléments aussi, essentiels à ce roman : l'eau, l'air, le feu et la terre évidemment.
L'histoire est celle de ce pêcheur, Antonio, ami de Matelot, le bûcheron, qui accompagnera ce dernier dont le fils , le besson, a disparu alors qu'il naviguait sur le fleuve avec une cargaison de bois. Les deux hommes partent ainsi à la recherche du besson en plein hiver, combattant le froid, l'imprévisible fleuve, la forêt dense et ses occupants. le voyage va être long et périlleux. La bande à Maudru, le chef des bouviers – personnage dur et torturé -, rôde. Gina Maudru, sa fille, aurait une part non négligeable dans la disparition du besson. Plusieurs histoires s'imbriquent les unes dans les autres au fur et à mesure que le temps passe, dans l'attente du printemps.
Sur leur chemin, Antonio et Matelot vont rencontrer Clara, jeune femme aveugle. Seule et le ventre rond, elle est sur le point d'accoucher. Les deux hommes prendront soin d'elle jusqu'à la délivrance et reprendront leur quête. Cette femme ne quittera désormais plus les pensées d'Antonio qui voit en elle la part qui lui manquait depuis toujours. La rencontre avec Clara est un véritable choc émotionnel. Même absente, elle réussit à emplir sa tête et son corps d'un bonheur nouveau, éclairant son existence.
Des phrases d'une beauté inouïe dans lesquelles les images poétiques ne cessent de défiler sous nos yeux avec force et grandeur. L'évocation de l'hiver avec sa rudesse, le labeur des hommes qui luttent contre le froid et leur impuissance souvent, la nature endormie – le grand sommeil - et pourtant si présente, le silence, est incroyable de justesse. Quand le printemps arrive, les hommes semblent s'éveiller également ayant alors des envies de vengeances, de révoltes, à l'image de la nature avec la fonte des glaces, le réveil des bêtes, la repousse des arbres et des plantes. Les sentiments sont exaltés et les hommes se déchaînent.
Après l'orage, les hommes épuisés s'assagissent, la lumière revient, la douceur aussi. Ils peuvent enfin laisser aller leurs émotions au fil du fleuve puisque c'est là que tout commence et tout fini. Un roman magnifique.

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Le chant du monde, le chant de la nature, une ôde au végétal où l'homme se trouve imprégner, immerger dans sa quête humaine...... Ici et je crois que c'est le cas dans tous les romans de cet auteur, la nature tient le premier plan. C'est finalement elle qui donne le rythme et le ton au récit.

Deux hommes partent pour retrouver le fils de l'un d'entre eux, ils ont en commun le fleuve sur lequel ils naviguent ou pêchent. Les deux hommes, taiseux, l'un âgé, Matelot, l'autre plus jeune, Antonio, vigoureux et à sa manière beau-parleur d'où son surnom de "Bouche d'Or", vont se lancer dans un voyage à la recherche de Danis, le besson (jumeau), seul fils survivant de Matelot, qui a disparu alors qu'il devait convoyer du bois sur le fleuve lors du dernier été.

C'est une sorte de voyage révélateur et initiatique des deux hommes que nous conte Jean Giono, mais aussi et surtout un chant d'amour de la nature et des saisons. de l'automne au printemps, l'auteur s'en fait le chantre à travers les paysages traversés par les deux hommes mais aussi d'une épopée où les rencontres vont se succéder et bouleverser leurs vies.

Il y aura les rencontres positives :  Clara, jeune femme aveugle découverte en forêt en train d'accoucher et qui va bouleverser Antonio, il y aura Toussaint le nain difforme aux pouvoirs de guérison, allié et protecteur et puis il y aura ceux qui représentent le mal, la violence : Maudru et ses bouviers, éleveurs de taureaux (double représentation de la force) représentant la puissance, la force, Maudru qui ne peut supporter que le besson enlève Gina, sa fille alors qu'elle était promise à un autre homme de sa famille.

C'est avec une écriture d'une grande richesse et lyrique, avec mille détails qui plantent le décor, installant une bande de sonore, olfactive et parfois sensuelle du monde environnant, où l'homme apparaît finalement comme bien humble durant les trois saisons que durera le voyage.

"C'était le grand désordre de printemps. Les forêts de sapins faisaient des nuages à pleins arbres. Les clairières fumaient comme des tas de cendres. La vapeur montait à travers les palmes des feuillages ; elle émergeait de la forêt comme la fumée d'un feu de campement. Elle se balançait et, au-dessous de la forêt, mille fumées pareilles se balançaient comme mille feux de campement, comme si tous les nomades du monde campaient dans les bois. C'était seulement le printemps qui sortait de la terre. (p259)"

Les caractères de chacun des personnages se révèlent peu à peu car dans cet environnement rural on ne s'épanche pas, c'est plus par les actes que les hommes apparaissent et en particulier Clara se fera l'initiatrice de ce que les autres ne voient pas ou plus et qu'elle a découvert avec ses autres sens.

"Je me demande, dit Clara, ce que ça peut être ce que vous dites : voir ! puisque, chaque fois, ça vous trompe.(p270)"

C'est également une histoire  de vengeance, de combat, de justice, des plus faibles contre les puissants, de rivalité amoureuse qui finira dans le sang et la destruction. Comment ne pas y retrouver la trame de nombreux récits où chacun défend son droit, sa possession et où le personnage de Toussaint le guérisseur apporte bonté, sagesse.

C'est une écriture très imagée, vous partagez avec les personnages les sentiers, les bords du fleuve, vous gravissez les montagnes, vous subissez les assauts de la nature, de ses habitants, vous humez les odeurs de la terre, des plantes, vous découvrez avec eux la beauté et la richesse du monde à qui sait la regarder, l'écouter, la sentir. 

A lire quand on a besoin de se déconnecter du quotidien, de la ville, pour retrouver des sensations champêtres, pour réapprendre à regarder, à écouter le chant du monde .....
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Livre d'une très grande poésie. Texte magnifique et émouvant.
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Pour une troisième incursion dans l'oeuvre de Giono, c'est une première déception - tout de même relative - : moi qui avais adoré le caractère déconstruit et polyphonique de la narration des précédents romans lus, je me suis trouvée bien troublée par le caractère très canonique de l'intrigue, qui rend finalement, à mon sens, le récit beaucoup plus terne. Je n'ai, en effet, pas spécialement été réceptive à l'histoire du Matelot, homme de la forêt, qui part à la recherche du besson, son fils, avec l'aide d'Antonio, dit Bouche d'Or, homme du fleuve, tous deux à l'abri de la civilisation et de ses vicissitudes, comme ils s'en rendront compte bien assez tôt.

Mais heureusement que les descriptions, toujours aussi sensibles et lyriques, de la nature, avec au centre le fleuve, restent prégnantes, nous proposant un chant du monde tout en contraste, parfois délicat, parfois rugueux, parfois ténu, parfois puissant, dans tous les cas en parfaite adéquation avec l'évolution de la nature au fil des saisons.
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Il y a encore des romans de Giono de la première époque que je n'avais pas lu, et parmi eux « Le chant du monde ». Etrange, j'étais passé de « La trilogie de Pan » au « Hussard sur le toit » avec juste  l'homme qui plantait des arbres  pour baliser  les grands chemins et accéder aux  vraies richesses .

Il me manquait un épisode clé, la chanson de la nature dans toute sa splendeur, à l'image du chorus des oiseaux dès l'aube lorsqu' apparaît le jour.

« Le chant du monde'' est en effet le chant que produit le monde mais aussi le chant que le monde fait naître sous la plume de l'écrivain. Son univers tient à une langue et à un style tout à fait personnels.
Je ne vais pas en faire un résumé, mais donner mon ressenti.

Ainsi, cette histoire   est à la fois un roman d'aventures et un roman intensément poétique. Giono est à la fois poète lyrique et romancier épique. Les éléments de la nature sont ses vrais personnages. C'est lorsqu'il parle d'eux que son talent manifeste la puissance la plus heureuse.

Le monde où vit l'imagination de Giono est grandiose et imprécis, situé hors de l'atteinte des humains. Il imagine, dans des pays rêvés, des communautés humaines tout à fait décrochées de notre société.

Les longues descriptions, qui alternent avec les dialogues brefs et incisifs des personnages, ont pour fonction de montrer que si l'être humain sait écouter, voir, entendre, toucher la nature dans laquelle il évolue, il ne peut que vivre en harmonie avec lui-même et atteindre une sérénité bienheureuse, qu'il appartient à l'écrivain de rendre perceptible et de faire partager en trouvant les mots justes.

Giono se montre un fin observateur de la nature et des êtres :

«Un épervier passa. Il baissait son vol comme pour essayer de passer sous la pluie. Il rasait l'herbe et il remontait en criant.»

«Sans se presser, un cerf passa devant eux, à la lisière de la pluie. Il portait son branchage bas. Il soufflait deux jets de vapeur. Il s'en alla lentement vers les bois, à travers les prés, en cherchant des sabots dans l'herbe spongieuse. Il tourna la tête. Il regarda les hommes. Il avait d'énormes sourcils roux chargés d'eau.»

«Des sangliers qui te prennent sous le vent et qui arrivent comme chez eux. Alors ils se lavent l'entre des cuisses avec la terre, ils avalent de longs vers noirs en levant le museau.»

Il propose aussi de saisissants effets impressionnistes.

«Le jour bleu coulait de la fenêtre et déjà il faisait flotter dans la lumière un escabeau de bois, la table faite de troncs d'arbres, le bas du lit. le haut du lit était encore dans l'ombre. le visage de sucre de l'accouchée se confondait avec l'oreiller blême et le drap.»

«Le battement des foulons recommençait à lancer dans les cavités de la ville le tremblement des taureaux abattus.»

«De l'autre côté du vallon la ville venait vers lui en grandissant à toute vitesse.»

Chez Giono, symphoniste de la nature qui provoque en lui un véritable enivrement, l'émerveillement face à la vie est constant. La nature est sans cesse observée et scrutée, saisie de la façon la plus complète.

Cette vie unique est une présence constante, sans cesse renouvelée.
Aussi est-elle rendue surtout par des mots qui évoquent le fleuve et, en particulier, par le verbe «couler».

«Une vie épaisse coulait doucement sur les vallons et les collines de la terre.» «Le sang coula dans ses yeux»
«La brume qui venait du pays Rebeillard commença à couler dans les gorges. «Le brouillard coulait le long de ses joues avec un petit bruit de farine qui glisse.»
«Le jour bleu coulait de la fenêtre»
«Le charroi des taureaux recommença à couler sur la lande et dans les collines.»
«Des lueurs coulaient de toutes les lisières»
«Au fond, coulait le lait de la vierge»
«L'ombre coulait entre les bosquets et les coteaux
«Une petite eau de lune coulait dans les frisures de son toit»
«Le mugissement coulait dans la vallée noire»

Mieux encore, sont établies de véritables correspondances à la Baudelaire.

«Un parfum aigu partait en éclairs de quelque coin des feuillages. Ça avait l'air d'une odeur de fleur et ça scintillait comme une étoile semble s'éteindre puis lance un long rayon»
«Le son devenait rouge et remplissait sa tête d'un grondement sanglant à goût de soufre.»
«Des copeaux de brume sautaient en grésillant dans les arbres.»

Ces envolées lyriques n'empêchent pas un certain flou.
Le fleuve n'est pas nommé, mais on sait que celui de Giono ne peut être que la Durance, au bord de laquelle il est né et a toujours vécu, à Manosque.
Alors, cher Jean, vous qui n'êtes pas un Bleu, vous auriez dû savoir que la Durance est une rivière, puisqu'elle se jette dans le Rhône.
Et dans ce « fleuve », il y a « anguille sous roche », car y décrire un congre est bien incongru, c'est un poisson de mer.
Bien qu'elle ne soit pas le reflet de la réalité, une oeuvre de fiction peut ainsi entraîner de la friction, et même de l'affliction.
Comme avec cette faute de style qui conduit à une allitération :
"Le besson s'enfonça ses doigts dans sa bouche et se mit à siffler".

Vers la fin de l'histoire, Giono affiche une fois de plus son mépris de la ville, foyer de pestilence physique et morale opposé à la montagne. Ses habitants sont faibles et ridicules par rapport aux paysans.
Connivence entre les animaux et les êtres humains, dont la communion entretient une constante émotion sensuelle, l'allégresse d'être dans le monde. Encore faut-il que ces êtres humains soient habitués à vivre en étant étroitement unis et soumis à la nature, qu'ils soient des paysans, et, encore mieux, parce que plus proches des étoiles : des montagnards, qui connaissent le poids du ciel.

Giono a dénigré son roman, mais un auteur est rarement bon critique de son oeuvre. Aujourd'hui, « Le chant du monde » est considéré comme l'un de ses livres les plus importants. Une sorte de regain de santé qui apparaît au sommet de la colline.

Après avoir lu ce chef d'oeuvre, j'ai rejoint le grand troupeau des admirateurs de l'écrivain provençal.

« Que ma joie demeure ! »

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