Depuis la lecture de « Au revoir là-haut » je m'intéresse de très près aux monuments aux morts…
En cette vieille du 11 novembre, ce livre trouvé inopinément et emprunté à la bibliothèque municipale est donc tout à fait opportun.
Le département de Vaucluse compte 151 communes, dans chacune d'elle est érigé un monument aux morts, sauf à Auribeau où il y eu 16 hommes mobilisés tous, revinrent vivants de la guerre comme à Sivergues, la plus petite commune, avec 50 habitants.
Au total, pour ce département 7948 hommes sont morts à la guerre. Pourquoi ? Pour la patrie affirment les radicaux, pour Dieu renchérit la droite. Pour les coffres-forts clament les communistes.
Le dissentiment éclate aussi à propos de l'emplacement : la place publique, pour les uns, le cimetière pour les autres.
Un monument c'est de l'argent qu'il faut trouver, collecter, et surtout bien utiliser !
L'esthétique est aussi de la partie. Que choisir : un obélisque nu, orné, à chapiteau ? Une pierre dressée ? Un cénotaphe ? Un mausolée ? Une composition monumentale avec combien de personnage ? Plus humblement une plaque ?
En tout cas des entreprises locales, des sculpteurs vont prospérer, s'enrichir grâce à ces travaux.
Les monuments vauclusiens présentent un caractère régional, en raison de considérations économiques : les impératifs financiers obligent les comités à les ériger à moindre coût
La majorité des monuments a été taillé dans la pierre du pays, essentiellement celle du Luberon. Les artistes qui ont réalisé ces monuments sont originaires du Vaucluse ou du Midi , certains de renom international. Seuls six artistes parisiens ont signé une oeuvre dans le département.
Les trois coauteurs de cet ouvrage ont sillonné le département pour établir un inventaire très complet des monuments aux morts de 14/18. Ils ont remué les archives , interrogé les habitants, le résultat de leurs investigations est remarquable et passionnant .
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Il faut faire une place particulière au casque, symbole d’invulnérabilité, de puissance et d’invisibilité. Les premiers combattants portaient le képi (Monument de Monteux). En 1915, à l’initiative de l’Intendant Général Adrian, il fut remplacé par le casque en tôle d’acier, modèle issu de la bourguignotte du XV ème siècle. Protégeant les hautes fonctions de l’homme, il symbolise celui qui le porte, sur le monument. L’Allemand vaincu n’est-il pas présent par son casque à pointe (Loriol) ? Cet accessoire, essentiel, couvre la tête du soldat dans toutes ses représentations : médaillon (Saint Saturnin d’Apt), buste (Aurel), statue (Grambois).
Au moment de la mort, le soldat devenu vulnérable, le perd (Cadenet, Montfavet), ou bien il est déposé à ses côtés (Mazan, Morières)
Une fois que le combattant a gagné le Panthéon, il ne reste sur terre que son casque, symbole de son existence militaire, protection inutile. (…)
Il signalera l’emplacement du corps, par sa présence sur la croix de bois (Ste Cécile les Vignes) ou bien il sera ramassé, pieusement, par une jeune-fille (Pertuis) .
Ce qui est défendu aux hommes ordinaires, peut -être est-ce permis aux héros ? L’étreinte de la femme-mère est donnée au Soldat, non à un homme quelconque en civil ; même s’il a perdu son casque, il conserve l’essentiel de ses attributs militaires, l’arme et l’uniforme. On peut, alors représenter la scène, qui peut paraître choquante, sous forme de statue ou de symbole. Ce qui a un triple avantage :
- D’abord celui d’offrir aux héros, en image, ce dont ils ont été privés sur terre, de combler leur désir, ce désir, refoulé dans l’inconscient de tout humain. Mis au rang de divinités, ils sont au-delà du péché et de ses conséquences.
- -Ensuite ce don, à la hauteur du sacrifice qu’ils ont consenti en perdant leur vie, ce cadeau suprême que les vivants se refusent à eux-mêmes ; peut-être empêchera-t-il les victimes d’exercer des représailles sur ceux qui peuvent bien se sentir coupables de les avoir laissé tuer.
- Enfin, pour le passant qui nie ou refoule ce désir condamnable , la représentation sublimée de l’interdit peut l’aider à se débarrasser inconsciemment du poids de cette culpabilité et à assumer sa problématique personnelle de façon détournée.
Des images liées aux héros de la culture gréco-latine, mais aussi à celles qui viennent d’un fond germain ou celte, figurent sur nos monuments de 14-18 :
- La branche de chêne, symbole de force morale et physique, de divinisation
- La branche d’olivier, signe de paix, de récompense, en définitive du Paradis des élus
- La branche de laurier, symbole de l’immortalité acquise par la victoire
- -Les armes du soldat représentant les vertus intérieures du héros.