La mission théâtrale de Wilhelm Meister

« Le temps est sorti de ses gonds ! Malheur à moi qui suis né pour le rétablir ! »
C’est dans ces mots, me semble-t-il, que se trouve la clef de toute la conduite d’Hamlet, et ce que Shakespeare a voulu montrer est pour moi évident : une grande action est imposée à une âme qui n’est pas à la mesure de cette action.
Et je trouve que ceci est magnifiquement développé dans la pièce. On a planté un chêne dans un vase précieux qui n’aurait dû accueillir que des fleurs délicates ; les racines se développent et le vase se brise.
Un être beau, pur, noble, éminemment royal, dépourvu de cette force physique qui fait le héros, succombe sous le poids d’un fardeau qu’il ne peut ni porter, ni rejeter. Tout devoir lui est sacré, celui-ci est trop lourd. On exige de lui l’impossible, non pas l’impossible en soi mais l’impossible pour lui ! Voyez comme il se tord, se tourne, s’inquiète, avance et recule, toujours invité à se rappeler, se rappelant toujours, il finit presque par oublier son but sans pourtant jamais trouver la joie.

Celui qui est né avec un talent et pour un talent, trouve en lui sa plus belle existence ! Rien sur terre ne va sans difficultés, seul l’élan intérieur, le désir, l’amour nous aident à surmonter les obstacles, à nous frayer un chemin et à nous arracher au cercle étroit où d’autres se rongent d’angoisse et de misère