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EAN : 9782760527034
360 pages
Presses de l'université du Québec (20/05/2011)
2/5   1 notes
Résumé :
Dans la littérature européenne, la marche est perçue comme un préalable à la frontière linéaire, une étape historique du processus de construction nationale-territoriale qui aboutit in fine à l'émergence de l'Etat-nation. Les territoires concernés sont affectés d'un statut et de fonctions propres à leur position géographique, tout à côté d'un voisin perçu au minimum comme hostile. Généralisée par l'empire carolingien, la marche fut largement utilisée par la couronne... >Voir plus
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La marche est une zone, la frontière une ligne. La marche est un dispositif impérial, un espace périphérique, souvent gouverné par l'autorité militaire, visant à se protéger d'un voisin dangereux ; la frontière est un dispositif national qui enclot un territoire intégré à un espace homogène. Longtemps les Himalayas constituèrent des marches : marches de l'Empire britannique des Indes au Sud, marche de l'Empire chinois des Qing au Nord. La géopolitique de cette espace est l'histoire depuis 200 ans de sa transformation de marche en frontière.

De part et d'autre de l'Himalaya deux pays existaient, le Népal et le Tibet, dont les limites ont été imposées par des puissances impériales extérieures à la région : la Chine et la Grande-Bretagne. A l'apogée de l'Empire des Qing, le Tibet est passé sous la protection de la Chine. A la même époque les Gurkhas unifient le « Grand Népal » qui s'étend du Cachemire au Bhoutan. Mais son expansion est stoppée par les Britanniques qui, par le traité de Segauli de 1815, l'ampute de la moitié de sa superficie et le fixe dans des frontières qui sont aujourd'hui encore les siennes. Au XIXème siècle, le Népal des Rana devient un « protectorat sans le nom » tandis que les Britanniques procèdent à une « montée vers les sommets » qui les amène au Cachemire, dans l'Himachal Pradesh, au Sikkim et en Assam. le Bhoutan est vassalisé par le traité de Sinchula de 1865. Profitant du déclin de l'empire des Qing et inquiets du « Grand jeu » mené par la Russie en Haute-Asie, les Anglais envisagent même de faire du Tibet un Etat-tampon. La conférence de Simla en 1914 distingue, sur le modèle mongol, un Tibet extérieur sous influence anglaise et un Tibet intérieur constitué des provinces orientales rattachées à la Chine depuis le XVIIIème siècle. A l'Ouest, les Anglais vainquent les Sikhs mais reconnaissent par le traité d'Amritsar de 1846 l'indépendance du Cachemire.

Ce processus d'expansion impériale conduit à définir des zones d'influence ; mais il peine à délimiter avec précision une frontière. Un exemple emblématique est la ligne Mac Mahon dans l'Assam. Aussi quand l'Inde accède à l'indépendance en 1947, elle hérite du colonisateur britannique une frontière mal délimitée et mal administrée. La situation est d'autant plus dangereuse que la Chine communiste envahit le Tibet en 1950 et que les deux géants sont désormais face-à-face dans l'Himalaya. Un Traité d'amitié est certes conclu entre les deux pays en 1954 ; mais, s'il vaut reconnaissance de la souveraineté chinoise au Tibet, il ne dit mot de la frontière. Ayant déjà fort à faire au Cachemire, l'Inde ne veut pas soulever ce contentieux ; la Chine, elle, ne veut pas reconnaître les frontières résultant des « traités inégaux ». le conflit est inéluctable. Il éclate en 1962 et tourne à l'avantage de la Chine qui annexe les 33.000 km² de l'Aksai Chin au nord du Cachemire.

La difficulté à fixer une « bonne frontière » autour des Himalayas tient à une géographie compliquée. En bon disciple de Michel Foucher qui dirigea sa thèse à Lyon 2, Emmanuel Gonon invalide la notion de « frontière naturelle ». Dans l'Himalaya, la ligne de plus hautes crêtes ne coïncide pas avec celle de partage des eaux. le Grand Himalaya est ébréché par des rivières venant du Nord qui l'entaillent de gorges profondes. Ces rivières descendent d'une ligne de partage des eaux, située aujourd'hui à l'intérieur du territoire chinois, qui n'est même pas la ligne maîtresse asiatique (séparant les eaux qui s'écoulent vers l'Océan Pacifique de celles qui s'écoulent vers l'Océan Indien) mais qui sépare deux bassins versants, celui du Gange au Sud et celui du Brahmapoutre au Nord, qui se rejoignent dans le delta du Bengale. Quant à la frontière culturelle, elle se situe plus au Sud, en territoire népalais, à la limite du pergélisol, et sépare les Indos-népalais hindouistes des Tibétains (bhotias) bouddhistes. Pour résumer, la « bonne frontière » est quelque part au Sud ou au Nord de l'actuelle frontière sino-népalaise !

Le contentieux frontalier sino-indien n'est toujours pas apaisé. La thèse d'Emmanuel Gonon aide à en comprendre le cadre géographique et les racines historiques. Toutefois, la relation entre les deux géants asiatiques ne se résume pas à une question de frontières. Deux stratégies de croissance, deux modèles politiques, deux visions du monde opposent ces Etats milliardaires. Au-delà de quelques arpents de terre gelée, l'enjeu de cette rivalité pourrait un jour influencer la planète toute entière.
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