Si 'Koh Lanta' est un programme familial de première partie de soirée, d'autres téléréalités, diffusées à l'heure de sortie des cours, préparent tout spécialement les adolescents aux assignations à leur genre. Sur TF6, en mars 2010, une filiale de TF1 et M6 aujourd'hui disparue, 'Ultimate Girl' met en compétition "neuf jeunes femmes belles, intelligentes et sportives". L'émission étant filmée "aux Seychelles, son ciel immaculé, ses plages de sable blanc, son eau turquoise", les concurrents disputent en bikini toutes les épreuves physiques, type parcours du combattant. L'épreuve de culture générale est pour sa part constituée de "questions du programme de CM2", les "reines de beauté au mental d'acier" ayant été choisies pour leurs capacités pulmonaires plutôt que scolaires.
"Coralie, 23 ans, est danseuse professionnelle. Magali, 28 ans, est modèle. Cécile, 26 ans, est pom-pom girl. Caroline, 21 ans, a raflé tous les prix de Miss Bikini. Ce n'est pas une blague, mais un métier."
"Miss Bikini, c'est pas comme les concours de miss habituels, soutient Caroline.
- Ah bon, c'est mieux ? questionne Magali.
- Ouais, on est un peu plus pouffes entre parenthèses" détaille Caroline. "Elle se prend pour une princesse, mais elle a rien d'une princesse, confie Magali face caméra. Déjà, elle met 10 minutes à se maquiller, c'est à dire moins de temps que moi. Elle rote, elle pète, elle a des attitudes de mec. C'est quoi c'te gonzesse ?"
(p. 56-57)
Les gens s'habituent aux faits divers... à force d'en voir dans les JT.
Leur part a augmenté de 73% en dix ans, m'apprend le même jour 'InaStat', le "baromètre thématique des journaux télévisés" édité par l'INA (Institut National de l'Audiovisuel), titré 'Les faits divers dans les JT : toujours plus'. L'étude note la très nette prépondérance des 'violences contre les personnes', plus de 50% des sujets et près de trois sujets par jour, contre 1.2% pour les 'fraudes et escroqueries' ; et la forte appétence pour les 'enfants et adolescents victimes'. (...) "Les faits divers, ce sont aussi des faits qui font diversion", écrivait Pierre Bourdieu en 1996 dans son livre 'Sur la télévision'. Les faits divers ont pour effet de faire le vide politique, de dépolitiser, de réduire la vie du monde à l'anecdote que l'on dramatise pour en 'tirer des leçons' ou pour les transformer en 'problèmes de société'. (...)
(p. 23)
Pourquoi Areva, 'numéro un mondial du nucléaire', se paie-t-il une campagne publicitaire [TV] à 20 millions d'euros ? Je veux bien acquérir un réacteur mais je ne saurais où le mettre, mon balcon est trop petit. Je suis prêt à acheter de l'uranium naturel, du 'yellow cake', un produit issu du commerce équitable avec le Niger, mais mon supermarché bio n'en propose pas. (...) Bref, Areva fait de la publicité alors que l'entreprise n'a rien à vendre au téléspectateur lambda. Sauf l'acceptation politique et morale du nucléaire, reconnaît Jacques-Emmanuel Saulnier, "porte-parole" du groupe, quand je l'interroge pour les besoins d'une enquête.
_____
• chapitre 'Achetez aujourd'hui'
- paragraphe 'La pub lave plus vert et libère la femme'
(p. 83-84)
« On commence donc par de l'émotion », décrète Laurent Delahousse en ouverture de son '20 heures'. Je n'en attends pas moins du présentateur de France 2, dont la coupe de cheveux importe plus que les compétences journalistiques, si j'en juge par le nombre de magazines affichant son portrait et détaillant son 'style'. « Laurent s'est beaucoup cherché avant de trouver le bon style, la bonne longueur et la bonne couleur de cheveux. » En 2012, le beau gosse du service public est proclamé 'Homme de la Journée de la Femme' par Télé-Loisirs. Pour célébrer le 8 mars et défendre le droit des femmes à disposer de leur téléviseur, le journal publie un sondage non mixte réalisé auprès de lectrices.