Il s'agit d'une histoire complète parue initialement sous la forme d'une minisérie en 3 épisodes en 2010 aux États-Unis. Elle est éditée en 2 tomes : celui-ci +
Time Bomb (Tome 2).
À Berlin, en 2012, l'affaissement d'une voie de métro met à jour un fondis impressionnant. Une équipe d'agents spéciaux descend par l'ouverture et découvre des bâtiments formant une ville souterraine imposante. Au milieu de voitures et d'une architecture qui semblent dater des années 1950, ils découvrent un silo à missile. En forçant la serrure d'un laboratoire, ils déclenchent par inadvertance le lancement de ce missile portant comme seul signe distinctif la lettre oméga. L'explosion du missile au dessus de Berlin va déclencher une catastrophe sans précédent, menaçant la survie de l'humanité. L'organisation mondiale NWO (New World Organisation) prend le parti de rapatrier 4 de ses meilleurs agents. Ken est à Venise en galante compagnie, et ils s'apprêtent à passer au lit. Son téléphone juste avant qu'il ne passe à l'action et il part immédiatement (après avoir pris le temps d'exécuter froidement un agent double). Peggy vient d'arrêter de faire du snorkeling dans les Caraïbes pour aller signer ses papiers de divorce de Christian Grainger. Jack McCrea est en train de compter fleurette avec une secrétaire dans le bâtiment de NWO. Les pontes de la NWO vont proposer à ces 4 agents (Ken, Peggy, Christian et Jack) une mission de la dernière chance pour sauver la race humaine : tenter un voyage dans le passé grâce à une installation expérimentale qui ne leur permet pas de choisir la date avec précision. Ils aboutissent dans la périphérie de Berlin en 1945.
Justin Gray et
Jimmy Palmiotti travaillent régulièrement ensemble comme scénariste que ce soit pour des séries de superhéros qui sortent de l'ordinaire (Uncle Sam and the Freedom Fighters ou
Daughters of the Dragon), ou pour des westerns (la série des Jonah Hex, à comencer par le colt de la vengeance), ou encore pour des histoires en 1 tome comme The Last Resort ou Random Acts of Violence. Ils proposent ici une histoire d'aventure, mêlée à de l'espionnage, de l'anticipation et un peu de seconde guerre mondiale avec des nazis. le résultat est très impressionnant comme série B adulte. le rythme est soutenu du début jusqu'à la fin, les rebondissements tiennent à la fois des classiques des films d'action, des séries Z inventives (oui,
Adolph Hitler apparaît, mais il a un rôle qui sort des sentiers battus, sans pour autant devenir trop gros à avaler). À chaque fois, Gray et Palmiotti prennent soin d'introduire une variation, un point de vue différent pour éviter l'enfilade de stéréotypes. Bien sûr cette histoire de bombe à retardement qui renvoie les protagonistes dans le passé fleure bon la science-fiction bon marché des années 1950, mais les scénaristes racontent ces péripéties avec un sérieux et un premier degré qui forcent le respect et qui transforment ce qui n'aurait pu être qu'un affreux nanar, en une aventure haletante.
Il faut dire aussi qu'ils bénéficient de la mise en images tout aussi premier degré et sérieuse de
Paul Gulacy. le lecteur dénote toujours chez lui l'influence marquante de
Jim Steranko pour les postures des personnages et l'utilisation des aplats de noir. Gulacy a le souci du détail et du photoréalisme. Ce choix graphique renforce l'impression de plausibilité des évènements, l'absence d'ironie, et l'entière implication des 4 agents spéciaux chargés de cette mission délirante dans le passé. Afin de parfaire la minutie des dessins, l'encrage du Gulacy est renforcé par Charles Yoakum qui l'aide dans cette tâche. Dès la première page, le visage de l'agent Werner Platz impressionne par son intensité et par son costume impeccable. La case suivante montrant la progression d'un petit groupe mené par Platz dans un tunnel de métro plonge le lecteur dans la noirceur du lieu, tout en faisant ressortir les briques de la maçonnerie. La scène de signature du divorce se déroule dans le hall monumental d'un hôtel de luxe. Gulacy sait évoquer l'ambiance d'un James Bond quand celui-ci déambule dans un lieu réservé à l'élite des nantis. Tout du long, le lecteur a l'impression d'assister au visionnage d'un film d'action à gros budget. À un moment une épidémie fulgurante transforme les civils en cadavres, Gulacy est maître des effets spéciaux de maquillage pour montrer les pustules déversant leurs humeurs. Un agent a revêtu une combinaison de protection contre la contamination biologique et Gulacy offre une case où l'on voit la tête de ce monsieur sous la combinaison avec une expression d'horreur aussi naturelle qu'effroyable. Les illustrations sont aussi efficaces pour les scènes de dialogue que pour les scènes d'action. Gulacy pioche à la fois dans des postures iconiques, dans des détails technologiques de précision, et dans des mises en page qui coulent toutes seules. le soin apporté aux décors, aux vêtements et aux accessoires assure une immersion d'une grande intensité. La texture des vêtements indique tout de suite s'il s'agit du cuir des longs manteaux noirs des SS, ou de la toile grossière des uniformes des simples soldats. La mise en couleurs de Rain Beredo cultive les tonalités limitées pour les scènes sans effets spéciaux, elle déploie des couleurs plus vives maîtrisées dès qu'il y a une explosion ou des coups de feu.
Gray, Palmiotti et Gulacy ont créé une histoire d'aventure et d'anticipation exemplaire. Elle se lit d'une traite, sans baisse de régime, mais sans saccade, avec des rebondissements savoureux, et des images détaillées et précises qui permettent d'ancrer le récit dans un réalisme qui le rend crédible.