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Annabel Blusseau (Autre)
EAN : 9791037511669
Les arènes BD (18/04/2024)
4.08/5   6 notes
Résumé :
Lors de la grande chasse aux sorcières qui a touché l'Europe au XVe siècle, la dénonciation de la sorcellerie et l'essor de l'imprimerie sont étroitement liés, à des fins de propagande. L'un des ouvrages imprimés permettant de répandre la terreur est alors le Malleus Maleficarum.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« - Nous oublier et nous trahir de cette manière ! Lui ! Je n'arrive pas à y croire…
- Etienne est parti il y a bien longtemps. Il a tracé son chemin et il appartient à un autre monde. Il fait ce qu'il pense devoir faire… Pour le bien de son monde…
- Un monde responsable de la mort horrible de toutes ces femmes ? Ces femmes dont je fais partie. Comment est-il devenu ce monstre capable des pires horreurs ? Comment ? Il faut que je sache… Je sais que vous correspondez tous les eux. Laissez-moi lui écrire, lui faire entendre que le diable n'est pas là où il croit qu'il se trouve. Il comprendra qu'il fait fausse route et il retrouvera le chemin de ce coeur qu'ils lui ont fait oublier. Etienne ne peut pas être d'accord avec les atrocités qui sont commises sous son patronage. Je le sais… »
Virginie Greiner et Annabel, L'Imprimerie du Diable (Les Arènes BD , avril 2024), pp.61-62
Oui, il faut saluer ce fantastique roman graphique (bon, on ne se disputera pas sur la définition du genre… Ici, il y a bien un vrai long et bon « roman », une narration qui, même sans illustrations, captiverait le lecteur). le dessin d'Annabel est réaliste, toujours précis, rendant avec une vraie puissance d'évocation les décors urbains comme les paysages sylvestres, les gestes des personnages et l'expression des sentiments qui les habitent. Une belle robe iconographique pour une formidable intrigue, troussée avec soin par la talentueuse Virginie Greiner, une histoire qui noue, dans une tragédie implacable, une chasse aux sorcières et l'aventure d'un amour contrarié.
A Vernoux (rien ne situe précisément ce lieu dans le texte, même si une partie de l'action se déroule à Genève, d'où l'idée apparue dans certaines critiques que l'on serait à proximité de la Suisse… Mais aussi bien, pour flatter le chauvinisme ardéchois, on pourrait penser, et les images de campagne et de forêt l'autorisent, qu'il pourrait s'agir de Vernoux-en-Vivarais…), un petit village, au début de l'année 1470, les habitants survivent tant bien que mal, comme la plupart des populations rurales dans l'Europe de l'époque, affrontant famines et maladies, subissant les violences imposées par la soldatesque ou les pouvoirs ecclésiastiques. Initiée à cet art par sa grand-mère, la jeune Reine Percheval, encore adolescente, aide ses voisins à se soigner, à mettre leurs enfants au monde ou à protéger leurs cultures, grâce à sa connaissance des plantes ou des ressources animales, tout un savoir sauvage et magique qui lui permet d'accomplir des miracles. Et personne ne songe à mettre en cause les bienfaits qu'elle accomplit quotidiennement, à commencer par un curé tolérant et qui lui-même semble un fervent adepte de cette médecine naturelle. Personne, sauf le père d'Etienne, un jeune homme à qui le curé a appris à lire et vénérer les choses de l'esprit, un grand adolescent qui est aussi amoureux de la belle Reine, laquelle partage ses sentiments. Ce père, un pauvre bougre jaloux de la complicité qui s'est instaurée entre le curé, la jeune femme et son fils, maltraite ce dernier, au point de l'amener à fuir la maison familiale et le village, non sans qu'il ait promis à Reine de revenir…
Sur son chemin, Etienne croise un homme, propagandiste de l'Eglise arpentant les campagnes pour y distribuer des libelles contre ceux, et surtout celles, que l'on accuse de sorcellerie. Ce compagnon lui propose de l'accompagner dans son retour à Genève, « la grande cité où chacun se consacre à faire naître le monde de demain », un monde où, malheureusement, l'Eglise renforcerait, pour le bénéfice des puissants, son emprise spirituelle sur la société. Il fait découvrir à Etienne, ébloui, tant il aime depuis longtemps tout ce qui touche aux livres et à la connaissance, le principal atelier d'imprimerie de la ville. C'est là qu'Etienne apprendra le métier d'imprimeur, jusqu'à éditer lui-même des ouvrages, dont le Malleus Maleficarum, un traité de démonologie permettant de reconnaître tous les signes dénonçant les pratiques de sorcellerie. Oubliant son ancienne complicité avec Reine, dont il partageait tout le savoir sur les vertus des plantes, il devient le pire des propagandistes de l'Eglise. Désormais considéré comme un expert, il est bientôt envoyé dans les campagnes pour assister les juges dans les procès de sorcellerie. Un jour, on apprend que trois soldats prétendent avoir été victime d'une de ces femmes servantes du Diable dans le village de Vernoux, et Etienne, sans trop savoir à quoi s'attendre, s'empresse de proposer ses services…
Au-delà de son scénario captivant, ce roman graphique dresse un tableau formidable de cette époque et de ses fantasmes angoissants, montrant comment le peuple était manipulé par la peur. Comme le titre l'indique, le lecteur comprend vite que le Diable est certainement beaucoup plus du côté des imprimeurs que de ces femmes que l'on accuse de sorcellerie. D'ailleurs, les pages des libelles ou des traités de démonologie qui apparaissent dans les mains des propagandistes catholiques ou des juges évoquent, avec leurs dessins naïfs de bûchers et de femmes juchées sur des balais, de sympathiques planches de bandes dessinées… On a là comme une mise en abyme, en négatif, du pouvoir de « ces petits dessins qui valent un long discours », comme si ces enluminures prédisaient aussi les puissances du neuvième art, d'une BD qui se veut pourtant souvent, comme celle que l'on a entre les mains, porteuse d'un message d'émancipation ! Un roman qui rappellera à ceux qui les ont lus Anna Thalberg, le passionnant roman d'Eduardo Sangarcia (La Peuplade, 2023), évoquant une superbe figure de femme libre accusée de pratiques malignes, ou le Sorcières de Mona Chollet (La Découverte, 2018) essai mettant en perspective cet imaginaire de la sorcière à travers l'Histoire, encore actif aujourd'hui comme un épouvantail que l'on agite face aux femmes manifestant farouchement leur désir de liberté. Et puis, peut-être qu'au bout du compte, l'amour, comme le meilleur langage de compréhension de l'autre, pourrait bien triompher de tristes ressentiments et de mauvaises haines… Mais on vous laisse découvrir vous-mêmes la fin de cette histoire pleine de bruit et de fureur !
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Etienne et Reine sont nés dans le même village. A l'adolescence, ils tombent amoureux : lui le jeune érudit et elle la petite fille de la rebouteuse. Ne pouvant faire d'études, Etienne s'enfuit pour Genève et promet à Reine de revenir. La jeune fille poursuit son éducation d'herboriste, de connaissances des potions auprès de sa grand mère et prend sa place quand celle ci meurt. le curé du village qui a permis à Etienne d'acquérir ses connaissances, la protège, persuadée que la science des simples ne vient pas du diable.
Mais à Genève, certains intellectuels souhaitent laisser le peuple dans l'ignorance, en l'éduquant le moins possible et en luttant contre tout ceux qui pouraient s'élever contre cette volonté. Entre autres les femmes qui par leurs connaissances présumées non scientifiques leur échappent. Leur but? Conserver le peuple corvéable à merci. POur cela il suffit de faire reparaitre la peur du diable. Et pour combattre les sorcières, il faut s'inspirer d'un livre terrible "le malefis maleficarum" ou le marteau des sorcières.
Etienne qui lors de son arrivée dans la grande ville a été employé dans une imprimerie et est devenu le garant de ces ouvrages qui permettent de cibler ceux qui pourraient résister à l'autorité. Après ces années en ville, le jeune homme a oublié le village et ne souhaite pas y retourner. Mais suite à la plainte d'un habitant revanchard, son propre père, persuadé qu'Etienne est parti à cause de Reine, il va devoir s'y déplacer pour décider s'il y a un nid de sorcière...La confrontation avec Reine sera terrible, mais suffira t'elle à ébranler ses nouvelles convictions?
Une intrigue féministe qui a repris la fameuse chasse aux sorcières menée en XVeme siècle, en y intégrant une nouvelle cause ; le fait que l'imprimerie, outil sensé apporté l'éducation à tous, ai permis aussi de disséminer des idées réactionnaires, celles crées de toutes pièces comme la peur du diable , pour pouvoir maintenir la docilité du peuple par la peur, celle du diable. Avec comme contrepartie celle des sorcières, trop indépendantes à leur gout. Une histoire forte avec un personnage ambigüe comme Etienne, convaincu par les idées qu'il essaime alors qu'il a connu des femmes comme Reine et sa grand mère.
Des personnages bien campés, un suspens bien repris, à lire.
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