Un livre documentaire très bien construit et étayé remettant en question l'existence du féminin et du masculin. Au-delà des différences physiques et physiologiques le masculin et le féminin n'est qu'une construction sociale et éducationnelle.
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Dans les relations avec autrui, on peut être successivement dominante et dominée, harpie un jour et muse le lendemain, mégère le matin et esclave le soir. Le féminin et le masculin brouillés envahissent le paysage. Ils en deviennent introuvables. C'est sans doute parce qu'ils n'existent pas. Le féminin n'existe... pas du tout. p. 147
Si, dans la bagarre des stéréotypes, le féminin devient insaisissable, c'est tout simplement qu'il n'existe pas. Féminin et masculin ne sont que pures constructions évoluant dans l'espace et le temps au gré des modes, des fantasmes et des peurs. Cette mue libératrice est validée par les connaissances contemporaines en neurobiologie et en neuropsychologie ainsi que par les travaux en sciences humaines et sociales qui démontrent la construction sociale de nos identités sexuées. p. 153
Il est de dire et de montrer qu'un homme et une femme, ce n'est pas pareil, mais doivent pouvoir faire pareil. p. 205
Mais, tout à coup, les stéréotypes se mettent à bouger dans une sorte de bacchanale endiablée. "Les femmes sont douces", dit l'un d'eux ; "Les femmes sont agressives", dit un autre ; "Ce sont des hystériques", braille un troisième. "Elles sont tendres et soumises", hurle un quatrième. "Ce sont toutes des putains!" bave un cinquième ; "N'insultez pas la madone", pontifie un sixième. Ils sont bientôt des milliers à se lance au visages des affirmations contradictoires. Et Rose glisse, glisse et s'enlise dans ces sables mouvants. Elle tombe de plus en plus vite quand un choc sourd l'éjecte sans ménagement de la spirale descendante ; le stéréotype de la femme soumise est entré en collision avec celui de la femme autoritaire. Le choc est terrible et Rose se réveille en sursaut.
Noires, ces boîtes, car elles restent dans l'ombre ; elles se terrent dans le non-dit des consciences ; elles n'affichent pas leur couleur directement mais s'immiscent sournoisement dans les esprits, en raison même de leur contenu : ce sont des boîtes à clichés, ou encore à stéréotypes, qui fonctionnent comme des normes implacables ; ce sont des boîtes à normes qui formatent les individus depuis l'enfance jusqu'à la mort sans qu'ils puissent s'y soustraire, et les assignent à des modèles masculins ou féminins irréductiblement calibrés. Elles fonctionnent, en 2014, en France, à plein régime. Elles construisent avec les matériaux les plus solides qui soient la prison des sexes.
Au lieu d'appréhender l'identité des femmes dans une double logique individuelle et collective, on fait comme si on réduisait systématiquement le comportement individuel d'une femme à un comportement collectif, comme si toutes les femmes étaient la femme, dit ainsi le philosophe Matthieu Lahure. Le féminin n'est pas représenté comme le support potentiel d'un sujet mais comme un symbole ou une fonction liée au désir masculin et au signifiant social ; comme s'il n'y avait pas d'existence singulière pour les femmes, réduites au rôle de simples porteuses de fantasmes collectifs!
Tandis que les tensions deviennent énormes, apparaît la figure préférée des femmes, le grand écart, qui les mets dans un état d'épuisement, de culpabilité, d'incompréhension, de gâchis de plaisir, de bien-être et de talent ; ou la figure préférée des hommes, le glissage de la poussière sous le tapis, qui les met dans un jeu d'évitement des ennuis et de politique de l'autruche.
La vie en rose - Brigitte Grésy
Si la lutte contre les inégalités entre les sexes est désormais admise, les stéréotypes, eux, ont la vie dure et fleurissent sous de nouveaux avatars, tout aussi insidieux. Pourquoi l'intuitio...