Charles IX est un roi tristement célèbre. On se souvient surtout de lui pour le massacre de la Saint-Barthelemy de 1572 dont il fut le commanditaire. Une responsabilité non assumée qui le conduira peu à peu à la folie.
Jean Teulé fit de cette épisode historique un de ces romans impertinents dont il a le secret. Son adaptation en bande dessinée sert à nouveau la farce tragique d'un personnage à l'aura théâtrale.
Dès l'ouverture de l'album, on découvre un roi soumis à la pression de sa mère, Catherine de Médicis, et de ses conseillers. Leurs objectif : faire assassiner tous les chefs protestants venus à Paris à l'occasion du mariage d'Henri de Navarre (Henri IV) avec
Marguerite de Valois (la future reine Margot), la soeur de Charles. Une belle traitrise en somme qui commencera par l'assassinat de l'Amiral de Coligny. le roi, du haut de ses 22 ans, peine à affronter sa mère. A force de manipulation et de menace d'abandon, cette dernière finit par faire céder son fils, qui peine à sortir des jupes de sa mère. le massacre commence et son ampleur dépasse de loin ce que le jeune roi avait imaginé.
S'appuyant sur des faits historiques avérés,
Teulé n'hésite pourtant pas à enrober son histoire de différentes rumeurs et choisit de donner vie à la thèse d'un roi manipulé par sa mère et d'un massacre qui a été un peu trop loin mais que la cour se doit de cautionner pour ne pas passer pour des incompétents sans pouvoir. Que les faits soient véridiques ou pas, peu importe. Là n'est pas la question. Ce qui est intéressant ici est la manière dont l'auteur met en scène son personnage.
Celui qu'il renomme avec irrespect
Charly 9 présente une figure à la fois tragique et comique. Ce jeune homme naïf semble en décalage total avec son rôle de roi et l'influence qu'il subit le fait déraper avec une certaine inconséquence. le nombre de morts probables à ce massacre qui, peu à peu, enfle de manière exponentielle dans la bouche des conseillers et s'énonce avec une certaine légèreté pour mieux habituer Charly à l'idée montre ici un ressort comique qui nous suivra tout au long de l'album.
Culpabilisant plus tard sur cet ordre jeté à la figure de tous, Charly oscille entre folie et innocence et devient bientôt le bouffon de la cour ! Au retour de chasses infructueuses, il s'amuse à trucider le poulailler de fermiers impuissants. Telle une autruche, il se cache la tête quand les ennuis se présentent pour mieux les occulter. Il course les cerfs nu à dos de cheval dans les murs du château. Il chevauche sa maîtresse en jouant du cor de chasse. Bientôt des visions sanglantes l'assaillent et le rouge désormais l'accompagne partout. Les autres membres de la cour ne sont pas mieux dépeints. On peut relever notamment la Reine Margot qui déambule comme une gothique au teint pâle avec la tête de son défunt mari dans un bocal en verre. Siège de complots en tout genre, de folies meurtrières au nom de la religion, du pouvoir, la cour royale n'est qu'un ramassis de vipère qui prend la population en otage.
Le ton ridiculement moqueur se trouve ici parfaitement servi par l'adaptation graphique de
Richard Guérineau qui réussit à son tour à mettre en scène le comique dans des faits tout ce qu'il y a de plus tragique. Donnant panache et intensité à la narration, l'auteur s'amuse tout en offrant une peinture réaliste de l'époque. Découpé en courts chapitres, l'album se trouve bien rythmé et présente l'apparence d'une succession de tableaux dont l'issue, bien que connue, réserve son lot de surprises.
Richard Guérineau se plaît d'ailleurs à placer à l'intérieur de cette histoire 2 petits clins d'oeil aux célèbres dessinateurs
Peyo et Morris. Charly fait une incursion dans le monde de Johan et Pirlouit en prenant part à une aventure dessinée à la façon de
Peyo, tandis que, plus loin, nous retrouvons notre roi dans un magnifique tableau fait à son image, reprenant une des couvertures de Lucky Luke !
Drame historique, comédie de moeurs, cette relecture de la vérité historique s'avère horriblement jouissive. A la fois véridique et totalement décalé,
Charly 9 effraie par sa violence tandis que son humour caustique désamorce la crudité des faits.
Une belle réussite, à n'en pas douter !
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