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sur 548 notes
Je tenais avant tour à lire cet ouvrage car j'ai connu une personne très proche qui est décédée, à l'âge de 37 ans, de cet horrible fléau que nous appelons Sida.

Je dois dire qu'Hervé Guibert, quant à lui, décédé à l'âge de 36 ans (une des raisons qui m'a fait acheter ce livre tant la différence d'âge entre cette personne proche et l'auteur était troublante) nous livre ici un témoignage troublant. Pourquoi ai-je lu ce livre me direz-vous s'il s'agit d'un sujet sensible chez moi ? Tout simplement pour tenter de comprendre ? Mais comprendre quoi ? Les douleurs, les souffrances ? Il n'y a rien à comprendre, le lecteur ne peut que rentrer en empathie avec le témoin, rien de plus. Il ne peut pas se mettre à sa place ni même dire qu'il comprend. Il peut simplement écouter -dans le cas présent, lire- et surtout ne pas juger.

Dans cet ouvrage, l'auteur nous raconte la progression de sa maladie, les différents traitements qu'il a suivis et l'espoir d'un miracle qui ne s'set jamais accompli.

Un livre très cru à certains moments lors des descriptions des débats amoureux entre deux hommes, très dur et dont on ne ressort pas indemne. A découvrir !
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« Et c'est vrai que je découvrais quelque chose de suave et d'ébloui dans son atrocité, c'était certes une maladie inexorable, mais elle n'était pas foudroyante, c'était une maladie à paliers, un très long escalier qui menait assurément à la mort mais dont chaque marche représentait un apprentissage sans pareil, c'était une maladie qui donnait le temps de mourir, et qui donnait à la mort le temps de vivre, le temps de découvrir le temps et de découvrir enfin la vie, c'était en quelque sorte une géniale invention moderne que nous avaient transmis ces singes verts d'Afrique. »
Cette maladie est le SIDA dont Hervé Guibert est infecté, mais ça pourrait être aussi un cancer ou une maladie dont le diagnostic est sans appel : la mort.
Tout au long de ces pages, l'auteur raconte cette descente aux enfers de la dégradation corporelle et parfois mentale, d'abord celle de son ami Muzil qui n'est autre que le philosophe Michel Foucault, puis la sienne, car les doutes du début ont laissé place à une certitude, celle qu'il est condamné à la mort à perpétuité.
C'est l'heure pour Hervé Guibert du bilan, l'occasion d'écrire son expérience et de la livrer au monde avec beaucoup de sang-froid, de pudeur et parfois d'amertume « à l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie ».
C'est le moment de se demander qu'avons-nous fait de cette fenêtre de vie qui n'aura duré que quelques dizaines d'années, nanosecondes à l'échelle de l'univers ?
La longueur des phrases, façon Faulkner, des phrases paragraphes, illustre parfaitement la longue et lente agonie de cette pathologie.
« à l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie » est la dénonciation d'une trahison, celle de ces personnes en qui l'on a placé son amitié pendant une vie et qui, le jour où la bonne fortune nous quitte, deviennent gênées, effrayées d'être contaminées par notre malheur et nous tournent le dos. Mais comme pour l'auteur, elles aussi connaîtront la solitude des dernières minutes avant que la lumière ne s'éteigne définitivement.
Et la vie continue…
« à l'ami qui ne m'a pas sauvé » est une oeuvre qui invite à la réflexion sur le temps qui passe, sur l'ultime échéance et sur le sens à donner à tout ça, la vie, la mort, nos actes.
Editions Gallimard, Coll. Blanche, 267 pages.
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Ce récit autobiographique, je l'ai lu il y a plusieurs années. J'ai ressenti une grande empathie pour l'auteur et ai beaucoup apprécié son écriture... mais une fois la dernière page tournée, j'ai été incapable d'écrire une critique, tant j'étais bouleversée...
Je savais que le témoignage de l'auteur s'étendait sur deux autres ouvrages : "Le protocole compassionnel" et "L'homme au chapeau rouge", je les ai achetés... car je voulais lire encore Hervé Guibert, mais quand? Cela m'aura pris des années avant que je découvre "Le protocole compassionnel", et je laisse passer encore du temps avant d'ouvrir le dernier tome, car c'est trop d'émotions à chaque fois. Une pause m'est nécessaire. Mais, je ne puis me passer de ce parler vrai, de cette authenticité, qui écrite d'une autre plume aurait frisé l'impudeur. Mais Hervé Guibert était un écrivain talentueux, avec lui chaque mot était pesé et tombait juste.
Je ne peux écrire que c'est un beau livre, le contenu est dévastateur, mais l'écriture est merveilleuse... Donc je vais poursuivre la lecture des oeuvres de l'auteur, car je sais que je ne puis être déçue. A découvrir... si on en possède la force... car on peut être rebuté par cette maladie terrible, dont on cache encore le nom parfois, le sida, et ne pas apprécier les descriptions des visites aux spécialistes des hôpitaux, mais il y a des passages qui sont touchés par la grâce...
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♫ Tu as dit J'étudiais
En deuxième année Hervé Guibert
J'ai pensé Il faudrait ♪ ♪
♪ Traîner quelque temps chez Gibert... ♫

Bon, moi c'est pas chez Gibert que j'ai dégoté A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie mais chez un bouquiniste spécialisé dans les vieux pots (là où on fait les meilleures... oui 'fin bref) Voilà, on s'en fout mais depuis le temps que je voulais lire ce livre, j'attendais juste l'occasion (uh uh) sur laquelle je n'ai pas hésité à sauter.

Sous couvert d'autofiction, Hervé Guibert nous parle de cet ami (était-ce Bill, celui qui lui avait promis un vaccin made in USA qui n'est jamais arrivé ou était-ce le camarade Muzil a.k.a Michel Foucault qui a eu le mauvais goût de partir dans les premiers quand le sida a commencé à faucher à grande échelle ?) ce presque frère donc qui n'a sauvé ni sa vie, ni sa dignité physique... Ces heures à courir à des rendez-vous médicaux, virtuellement disséqué comme une pauvre grenouille dans un cours de SVT, nu dans le froid des salles d'examen, ausculté, palpé, tripoté, radiographié, coloscopié... acceptant pourtant ce pénible sort alors que l'issue ne faisait pas beaucoup de doute, parce que malgré tout, quelquefois très loin mais toujours nourri, il y avait l'espoir. L'espoir dont ce livre laisse apercevoir, parfois, quelques fulgurances, à tel point que si nous n'étions pas déjà au fait de la triste fin que connue Guibert, on aurait espéré avec lui, fort.

Sans jamais tomber dans le pathos ni tenter de faire pleurer dans les chaumières mais simplement animé par l'envie de raconter, de témoigner, de laisser à la postérité ce que fut la découverte du VIH, des corps malades, disloqués, des amis qui partent et ceux qui, par une veine extraordinaire, passent à travers les mailles ultra-serrées de ce filet dégueulasse, à l'instar de Daniel Defert qui en profitera pour créer AIDES dans l'intention de mobiliser, de prévenir et d'informer les personnes contaminées quand elles-mêmes ne comprenaient même pas ce qui leur tombait dessus, Hervé Guibert relate son quotidien parfois fictif (rarement) parfois insupportable (souvent) aux prises avec ce mal encore inconnu qui le grignote inexorablement mais devant lequel il refuse de s'avouer vaincu.

Un livre à mettre entre les mains de tous les barebackers (et je le dis sans jugement, juste comme ça quoi, pour être sûre qu'on sache bien de quoi on cause et à quoi on se risque), des avancées ont été faites oui, mais le sida, c'est pas un rhume, arrêtons un peu de nous en foutre, repensons à Guibert, à Foucault, à Collard et autres Koltès. Même si le sida ne tue (presque) plus, qui peut avoir envie de partager ne fut-ce que le centième de leur sort ?
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Hervé Guibert est réputé pour être un écrivain féroce et, comme dans la vie peut-être, difficile à aimer.
Très intelligent et très beau, il peut passer pour une sorte d'Ange exterminateur, ou encore le héros de Théorème, celui qui vient révéler à toute une famille ses désirs les plus obscurs, puis s'en va, splendide, intact ,inentamé, laissant derrière lui un chaos total et le manque de lui.
Il est connu pour la sensation qu'il a produite en passant à Apostrophes, où son émotion et sa candeur mêlée d'ironie, son désir d'être lu et reconnu comme auteur et son dandysme auto-protecteur ont sidéré et créé dans le « grand public », dont je fais partie, un courant que j'appellerai d'amour, le mot sympathie me paraissant trop falot pour une telle personne.

Monsieur Hervé Guibert, je ne vous ai pas vu à Apostrophes, mais j'ai lu pratiquement tous vos livres après celui qui fait l'objet de ce billet, et je vous ai aimé immédiatement et presque inconditionnellement. le presque est l'exigence que j'ai toujours, pour un authentique écrivain, qu'il soit à la hauteur de son talent ou de son génie.
Je ne sais pas nommer cet amour de l'écrivain que vous êtes, maintenant pour l'éternité, autrement que comme fraternité, peut-être . Comment ai-je pu me sentir aussi proche, littérairement parlant, de l'homme que vous étiez ? C'est un des mystères de la littérature, justement. Et ceci n'a pas grand chose à voir avec vos choix de vie, votre sexualité et les scénarios ou les fantasmes qui articulaient celle-ci. Cela a peut-être à voir avec un regard sur les êtres et les choses, un ton, une façon de faire avec les déceptions ou les espoirs les plus fous.
Votre élégance mêlée de vulnérabilité, votre capacité à vous émouvoir de l'aide reçue dans les moments les plus terribles de votre maladie (l'épisode du garçon de café antipathique qui de façon inattendue vous aide à vous relever d'une chute et a la délicatesse de faire ensuite comme s'il n'avait rien remarqué) comme votre tendance à broyer du noir et penser que le monde vous hait, la classe avec laquelle vous avez relevé le gant de la mise en ménage avec le sida (Mon valet et moi, pur chef d'oeuvre) pour tout cela je vous tire mon chapeau.
Vous portiez d'ailleurs le vôtre bien mieux que moi.
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« Je me dis que ce livre n'a sa raison d'être que dans cette frange d'incertitude, qui est commune à tous les malades du monde ». «  J'ai eu le le sida durant trois mois ». Trois mois, où le monde s'écroule, où tout s'arrête. Où la mort , elle que l'on aimait inconsciemment, savamment, frôler, s'apprête déjà à tout dévorer. Vous, les êtres aimés, l'irremplaçable, et si sa marche progresse , peut être peu à peu, le monde entier.
Hervé Guibert a tenu le journal d'un condamné,Trois mois pour apprivoiser sans tout accepter. Formuler, observer, regarder, tenter même de comprendre.
Écrire. « c'est une maladie qui donnait le temps de mourir, et qui donnait à la mort le temps de vivre, le temps de découvrir le temps et de découvrir enfin la vie, c'était en quelque sorte une géniale invention moderne qui nous avaient transmis ces singes verts d'Afrique ».
Écrire, , avancer, regarder.
« il me fallait vivre, désormais avec ce sang dénudé et exposé, comme le corps dévêtu qui doit traverser le cauchemar.Mon sang démasqué, partout et en tout lieu, à jamais, à oins d'un miracle slur d'improbables transfusions, on sang nu à toute heure dans les transports publics, dans la rue quand je marche, toujours guetté par une flèche qui me vise à chaque instant. Est ce que ça se voit dans les yeux ? le souci n'est plus tant de conserver un regard humain que d'acquérir un regard trop humain, comme celui des prisonniers de Nuit et Brouillard. » .
Mis à mal, mis à nu, mis à mort. Il s'agit de soi, de soi parmi, du dehors et dedans de soi. de ce qui va mal , fait mal. de tout dire, ne rien voiler. Puisqu'il est nu, à quoi bon se cacher ?
Keepers, Keelers, mensonge, trahison, abandon, vérité, fidélité, présence. Dire la main de Foucault que l'on baise et ses lèvres que l'on rince, dire que les keelers sont parmi nous.
Qu'on ne lui a pas voler sa vie mais qu'un homme s'est chargé de lui voler les heures précieuses d'un tête à tête avec la mort. Dire que de jouer avec l'espoir d'un autre, dans l'espace foudroyant, aveuglant de la vie et de la mort, est un crime.
Écrire, avancer, écrire et décider.
Décider qu'on sera le vainqueur. Celui qui écrira le mot fin restera maître de l'histoire.
On comprend, ou on ne comprend pas. Globule blanc ou globule rouge mais de demi teinte. Guibert dit JE, Guibert écrit JE . Il se place au centre de son oeuvre. Il ne dit pas nous. Il est le noyau. Gravitation des ondes ... « il n'aura pas du.. ». Les ondes font trop de bruit. Dans une oeuvre littéraire où se situe le droit, la morale, la fiction, la retenue ? Qui de l'encre ou du sang se transfuse ? Pas de barrière, pas de limite. Et merde pour ceux qui ne veulent pas être dérangés, secoués, retournés, mélangés.
Il avait le droit de tout écrire. Qui d'autre que lui a parcouru son chemin ? Qui d'autre que lui a tenu le miroir entre ses mains ? Il fallait que cela soit écrit.
« «  il fallait que le malheur nous tombe dessus ». Il le fallait, quelle horreur, pour que mon livre voie le jour » ».
«  Je me laissais mourir et ce n'était pas le moment. »... écrivait il dans le protocole compassionnel.

Le TRT-5 est un collectif inter-associatif travaillant sur les traitements et la recherche thérapeutique qui réunit des membres des associations AIDES (www.aides.org), Arcat (www.arcat-sante.org), Actions Traitements (www.actions-traitements.org), Act Up-Paris (www.actupparis.org), Dessine Moi Un Mouton, Nova Dona, Sol En Si (www.solensi.asso.fr) et Sida Info Service (www.sida-info-service.org).

http://www.aides.org/la-prep-vih-sida

Astrid Shriqui Garain.
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Quelle lecture difficile ! C'est angoissant, déprimant, triste, dur.
Hervé Guibert, atteint du sida, écrit ce livre qu'il considère comme son dernier compagnon de vie, celui à qui on dit tout.
Effectivement, il dit tout. Les premiers symptômes, les diagnostics, les explications sur la maladie, les médicaments. Et aussi les rapports avec les autres, avec les amis. Et même les relations sexuelles, avec tous les détails.
Un livre que j'ai eu envie d'interrompre en permanence sans le pouvoir.
La première partie surtout, faite de phrases longues, interminables, comme pour en dire le plus possible avant qu'il ne soit trop tard.
Ensuite les chapitres sont plus courts, plus aérés, plus clairs, mais tout aussi désespérés.
Surtout quand on sait qu'il s'est suicidé quelques temps après.
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GUIBERT Hervé était photographe, journaliste et écrivain. Ce livre (première partie) fît connaître Hervé GUIBERT et fît scandale. J'ai découvert un nouveau style d'écriture à ce que j'ai l'habitude de lire. Manières directe, abrupte et claire. L'auteur raconte le moment où il a pris connaissance de sa maladie. le Syndrome d'Immunodéficience Acquise.Il passe par plusieurs états physiques et mentaux. Il ne dévoile pas à tous cet état de santé mais à certains amis, oui.

Tout d'abord, Il raconte la pathologie de son ami qu'il appelle dans le livre Muzil et qui n'est autre que Paul Michel FOUCAULT, professeur au Collège de France jusqu'en 1984.
D'ailleurs, sur la bière de Michel FOUCAULT, il y a une gerbe de roses sur laquelle est écrit trois prénoms : Mathieu, Hervé, Daniel. (Mathieu LINDON, Hervé GUIBERT et Daniel DEFERT. dont le dernier a été pendant plusieurs années le compagnon de FOUCAULT). Mathieu et Hervé sont devenus de très proches amis du philosophe.

Hervé G. utilise pas mal de noms d'emprunts, tactique courante dans l'autofiction.
C'est valable pour Muzil et puis aussi de Marine dont on se souvient tous du passage aux 20 heures de Isabelle ADJANI.
Bill est ''l'ami'' qui ne lui a pas sauvé la vie et vous saurez pourquoi en lisant.

GUIBERT est beau, il attire, il a l'air d'un ange/démon.

À sa mort, le 27 décembre 1991, Hervé GUIBERT était salué comme le jeune écrivain libre et flamboyant que son livre «A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie» venait de rendre célèbre. On indiquait aussi qu'Hervé GUIBERT laissait une oeuvre de photographies reconnues et publiées.

Lu en janvier 2019 / Folio : prix 8,40 euros.
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Avec ce journal de bord autobiographique constitué de 100 chapitres très courts comme autant d'uppercuts pour le lecteur, Hervé Guibert témoigne d'un monde qui change, embarqué dans une frénésie d'écriture.
L'urgence d'écrire, encore et encore, avant que la mort ne le prenne. On voit l'espoir de survivre s'évanouir peu à peu à mesure que sa santé se dégrade et c'est ce qui rend ce roman si poignant entre cette rage de s'accrocher encore et la fatalité qui lentement s'empare de lui.
Au-delà du thème, très dur, Hervé Guibert n'écrit pas sur la mort, mais bien sur la vie. C'est ce qui fait toute la force de cette oeuvre qui ne sombre jamais dans le pathos.
Tout simplement bouleversant.
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"A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie" est un bon roman qui passe pour une autobiographie. La confusion est aisée, puisque l'un et l'autre genre ont en commun l'apparence et les procédés narratifs. Beaucoup ont lu, à raison, ce livre comme un témoignage des années du sida, maladie qui emporta l'auteur en peu de temps. On est ému par le sujet, les effets de réel, le ton. Ensuite, certains lecteurs compatissants font dans leur critique de grands étalages de sensibilité, et montrent à tous combien leur âme est belle. Ces réactions sont inévitables, mais il est nécessaire de les dépasser pour décrire le livre avec plus de précision.

"A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie" s'ordonne autour de deux personnages principaux, au rôle majeur dans la vie du narrateur. D'abord, Muzil, intellectuel et philosophe de génie, dont la mort du sida est racontée dans la première partie du volume, Bill ensuite, l'ami américain qui "ne sauve pas la vie" du narrateur, mais se sert du sida comme d'un levier pour manipuler les êtres et exercer son pouvoir. Entre ces deux figures majeures, le narrateur, "Hervélino", atteint du virus, fait la chronique personnelle et médicale des débuts de sa maladie. Il est laissé tragiquement seul par la disparition de ses espérances de guérison, comme le titre le signale dès l'abord.

Sujet grave et angoissant, on en conviendra. Toutefois un livre ne se résume pas à son sujet, pas plus qu'un tableau ou un morceau de musique. On aura la surprise de tomber sur de nombreux passages comiques, comme ceux de la pharmacie du Vatican, du déménagement de l'hôpital Claude Bernard, du temple japonais de la Mousse, des églises de Lisbonne, ou encore de la salle d'attente de l'hôpital Spallanzani de Rome. On trouvera des passages de cruelle satire, et d'autres, les plus fréquents, où l'humour vise le narrateur lui-même. La drôlerie du livre peut éveiller la curiosité du lecteur et le faire sortir de la compassion ostentatoire. S'il y a de l'humour et de la cocasserie, c'est que l'ouvrage est de la littérature, pas du témoignage cru et saignant (d'ailleurs, ça n'existe pas en littérature). Hervé Guibert transmue la vie réelle en récit littéraire, ce qui rend l'angoisse et la mort supportables, car les horreurs réelles qu'elles comportent se changent en mots, phrases et procédés répertoriés dans l'art d'écrire et de conter.

D'autre part, l'auteur même nous prévient contre la sentimentalité et ses étalages. Il ne cesse de se mettre en scène en train d'écrire, de composer ses livres précédents ou ce livre même, par une série d'effets d'abyme qui soulignent le travail qu'il entreprend et que la maladie menace : "... parce que nous sommes des gens qui accomplissons ce qu'on appelle une oeuvre, et que l'oeuvre est un exorcisme de l'impuissance. En même temps la maladie inéluctable est le comble de l'impuissance..." (p. 265) C'est alors que l'on comprend l'importance primordiale de la figure de Muzil au début du volume, lui que la mort a fauché en plein milieu de son oeuvre. Muzil et Guibert sont des créateurs. L'un écrit l'histoire de la sexualité (c'est Muzil / Michel Foucault), l'autre fait passer dans la langue des livres, à la façon de Proust écrivant jusqu'au dernier moment, la substance même de la vie. Il faut terminer en soulignant que le style, dans cet ouvrage, est extrêmement travaillé et procure au lecteur de grandes jouissances. Alors, on se rendra compte qu'Hervé Guibert a réussi le prodige de faire du sida un objet et un thème littéraires.
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