« Je me dis que ce livre n'a sa raison d'être que dans cette frange d'incertitude, qui est commune à tous les malades du monde ». « J'ai eu le le sida durant trois mois ». Trois mois, où le monde s'écroule, où tout s'arrête. Où la mort , elle que l'on aimait inconsciemment, savamment, frôler, s'apprête déjà à tout dévorer. Vous, les êtres aimés, l'irremplaçable, et si sa marche progresse , peut être peu à peu, le monde entier.
Hervé Guibert a tenu le journal d'un condamné,Trois mois pour apprivoiser sans tout accepter. Formuler, observer, regarder, tenter même de comprendre.
Écrire. « c'est une maladie qui donnait le temps de mourir, et qui donnait à la mort le temps de vivre, le temps de découvrir le temps et de découvrir enfin la vie, c'était en quelque sorte une géniale invention moderne qui nous avaient transmis ces singes verts d'Afrique ».
Écrire, , avancer, regarder.
« il me fallait vivre, désormais avec ce sang dénudé et exposé, comme le corps dévêtu qui doit traverser le cauchemar.Mon sang démasqué, partout et en tout lieu, à jamais, à oins d'un miracle slur d'improbables transfusions, on sang nu à toute heure dans les transports publics, dans la rue quand je marche, toujours guetté par une flèche qui me vise à chaque instant. Est ce que ça se voit dans les yeux ? le souci n'est plus tant de conserver un regard humain que d'acquérir un regard trop humain, comme celui des prisonniers de Nuit et Brouillard. » .
Mis à mal, mis à nu, mis à mort. Il s'agit de soi, de soi parmi, du dehors et dedans de soi. de ce qui va mal , fait mal. de tout dire, ne rien voiler. Puisqu'il est nu, à quoi bon se cacher ?
Keepers, Keelers, mensonge, trahison, abandon, vérité, fidélité, présence. Dire la main de Foucault que l'on baise et ses lèvres que l'on rince, dire que les keelers sont parmi nous.
Qu'on ne lui a pas voler sa vie mais qu'un homme s'est chargé de lui voler les heures précieuses d'un tête à tête avec la mort. Dire que de jouer avec l'espoir d'un autre, dans l'espace foudroyant, aveuglant de la vie et de la mort, est un crime.
Écrire, avancer, écrire et décider.
Décider qu'on sera le vainqueur. Celui qui écrira le mot fin restera maître de l'histoire.
On comprend, ou on ne comprend pas. Globule blanc ou globule rouge mais de demi teinte. Guibert dit JE, Guibert écrit JE . Il se place au centre de son oeuvre. Il ne dit pas nous. Il est le noyau. Gravitation des ondes ... « il n'aura pas du.. ». Les ondes font trop de bruit. Dans une oeuvre littéraire où se situe le droit, la morale, la fiction, la retenue ? Qui de l'encre ou du sang se transfuse ? Pas de barrière, pas de limite. Et merde pour ceux qui ne veulent pas être dérangés, secoués, retournés, mélangés.
Il avait le droit de tout écrire. Qui d'autre que lui a parcouru son chemin ? Qui d'autre que lui a tenu le miroir entre ses mains ? Il fallait que cela soit écrit.
« « il fallait que le malheur nous tombe dessus ». Il le fallait, quelle horreur, pour que mon livre voie le jour » ».
« Je me laissais mourir et ce n'était pas le moment. »... écrivait il dans
le protocole compassionnel.
Le TRT-5 est un collectif inter-associatif travaillant sur les traitements et la recherche thérapeutique qui réunit des membres des associations AIDES (www.aides.org), Arcat (www.arcat-sante.org), Actions Traitements (www.actions-traitements.org),
Act Up-Paris (www.actupparis.org), Dessine Moi Un Mouton, Nova Dona, Sol En Si (www.solensi.asso.fr) et
Sida Info Service (www.sida-info-service.org).
http://www.aides.org/la-prep-vih-sida
Astrid Shriqui Garain.