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EAN : 9782343176529
104 pages
Editions L'Harmattan (09/05/2019)
5/5   1 notes
Résumé :
Pompéi, 79 apr. J.-C. Un jour comme tous les autres, Lucius, honorable patricien et philosophe formé à l’école stoïcienne ne parvient plus à affronter une existence qui, jusqu’alors, offrait aux yeux de tout un chacun l’apparence de la prospérité et du bonheur parfait.

Depuis plusieurs mois déjà, en proie à un profond désarroi, il n’arrive plus à calmer le tourment qui affecte son esprit, le submergeant de façon constante par une intense angoisse : ni... >Voir plus
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Vie d'un philosophe romain

par Lucienne Deschamps · 11/11/2019

GUIGUES (G.), Vie d'un philosophe romain. Roman. — Paris : L'Harmattan, 2019. — 103 p. — ISBN : 978-2-343-17652-9.


Lorsqu'un philosophe réfléchit sur la philosophie… Tel pourrait être le sous-titre de ce livre. Car Gilles Guigues est ce qu'il serait permis d'appeler un « philosophe patenté », docteur en philosophie de l'art, auteur de plusieurs essais (sur Socrate, sur Aristote etc.). Mais ses réflexions, il nous en fait part ici au travers d'une fiction. Son personnage, Lucius1, est un riche « patricien et philosophe formé à l'école Stoïcienne » (p. 13) qui a femme et enfants et habite une opulente demeure à Pompéi. Comme tous ceux de sa caste il assure « de hautes fonctions civiques » (ibidem). Cet homme, exemple parfait du notable romain, aurait tout pour être heureux selon les critères de l'époque, s'il n'était rongé depuis de longues années par des tourments intérieurs qui affectent son esprit et le plongent dans l'angoisse.

C'est un pan de son existence qui nous est conté par cet ouvrage, le moment où ce malaise atteint son paroxysme en 79 de notre ère.

Au fil des neuf chapitres (nommés ici « livres ») et de l'épilogue, nous constatons les symptômes de sa maladie, nous le voyons tenter de les soigner, essayer désespérément d'en comprendre les causes, se livrer à une quête effrénée d'informations externes et internes, à l'introspection, puis parvenir à une « prise de conscience salutaire », à découvrir quel est son mal et trouver enfin une solution dans l'étude et l'écriture et plus précisément dans le genre de la « Consolation ». Et non seulement il est sauvé psychiquement, mais il est devenu tellement solide qu'il trouvera le moyen de se sauver physiquement avec toute sa maisonnée lors de l'éruption du Vésuve qui cette année-là détruit Pompéi ! (Je ne dévoile pas comment pour laisser le suspense !)

Il s'agit d'un roman. Non pas d'un roman d'aventure, même si le héros réussit à échapper à la catastrophe ; ni d'un roman sentimental bien que soient soulignées l'affection et la sollicitude de son épouse (dont on n'a pas de portrait physique) ; ni d'un roman historique, ni d'un roman policier, ni d'un roman noir, ni d'un roman de science-fiction ! Non, c'est un roman psychologique sans intrigue, à personnage unique, car tous les autres êtres évoqués ne sont que des silhouettes : aucune description des traits ou du corps de Lucius ; en revanche son esprit, sa psychologie, ses réactions intellectuelles sont peints d'une façon très précise et très détaillée. Et le lecteur est véritablement tenu en haleine dans l'attente de savoir si le héros trouvera son salut !

Ce récit est situé à Pompéi en 79. Sans doute pour utiliser le désastre dû au Vésuve comme péripétie. Peut-être en souvenir de la notoriété des Derniers jours de Pompéi, car ainsi que le remarque C. Aziza2, depuis le succès de cette histoire publiée en 1834 par Bulwer-Lytton, la destruction de la ville due au volcan a été utilisée maintes fois dans des romans et dans des films. Peut-être également parce qu'on sait qu'il y avait des cercles de philosophes dans ces parages, qu'on y a découvert des restes de villas possédant de splendides bibliothèques, (qu'on songe à la Villa des Papyrus à Herculanum !). En ce qui concerne le décor également on ne trouve pas de vraies descriptions. Quelques traits extrêmement succincts pour des esquisses de paysage, juste les particularités significatives. Quelques éléments typiques d'une domus (l'entrée de chez Lucius rappelle dans une certaine mesure celle de la maison de Trimalcion dans le Satiricon) ; quelques termes latins pour faire couleur locale (tablinum, atrium etc.).

Est-ce pour donner une impression d'antiquité que l'auteur se sert d'un français un peu désuet (passés simples, imparfaits du subjonctif, vocabulaire légèrement recherché) ?

Mais pourquoi cette volonté de placer cet épisode dans l'Antiquité ? L'écrivain n'a pas jugé bon d'adjoindre ne serait-ce qu'un avant-propos dans lequel il révélerait ses intentions ; on en est donc réduit aux conjectures ! Est-ce parce que chez un Cicéron par exemple (chez d'autres aussi), on lit des considérations sur les trois genres de vie (actif, contemplatif ou mixte) et que finalement le protagoniste choisira le « loisir studieux » (p. 97) qui n'est pas sans ressembler à le litteratum otium cicéronien ? Les penseurs gréco-romains sont abondamment cités (Démocrite, Socrate, Platon, les Stoïciens, Lucrèce, Cicéron et surtout Sénèque). Lorsque des textes d'eux sont rapportés, ils sont tirés de traductions publiées par des éditeurs reconnus (Les Belles Lettres, Gallimard et sa collection de la Pléiade, etc.). On sent qu'avec ces passages G. Guigues veut donner à son lecteur ce qu'il pense être un ktèma es aei, comme dirait Thucydide, un trésor pour toujours.

Car, oui, c'est toujours d'actualité. Finalement le taedium vitae, ce mal-être que ressent le héros, ses angoisses, sont l'apanage de nombre de nos contemporains. Les traitements évoqués (recherche de souvenirs oubliés plus ou moins volontairement, analyse des rêves) font penser à certaines méthodes psychanalytiques. (Serait-ce une raison supplémentaire, plus ou moins intentionnelle, de la localisation de cette histoire à Pompéi ? On sait que depuis Freud3 cette cité est liée à l'inconscient.) Il n'est pas jusqu'à l'utilisation de l'écriture pour mettre à distance les pensées négatives qui ne soit encore parfois préconisée.

Ce qui est ici présenté comme un conte, par l'expérience qu'il relate (...) démontre que l'Antiquité nous offre encore des ressources non seulement pour nous divertir, mais également pour nous aider à trouver le bien-être intérieur.

Une dernière question : est-ce un pur hasard si le héros s'appelle Lucius, — nom dont la racine est lux « lumière » —, comme celui des Métamorphoses d'Apulée qui lui aussi découvre à la fin (de toute autre manière) la lumière et le salut après maintes péripéties ?

Lucienne Deschamps,

Professeure émérite en Langue et littérature latine – Université Bordeaux Montaigne

1 Dans les tria nomina réglementaires « Lucius Junius Cenalum » qu'il lui donne (p. 13), si le praenomen « Lucius » et le nomen « Junius » ne suscitent pas de remarque, en revanche le cognomen « Cenalum » est bizarre, d'abord parce que les cognomina sont des sobriquets en rapport avec une particularité de la personne ou d'un de ses ancêtres alors que « Cenalum » ne veut rien dire, ensuite parce que ce surnom a une morphologie de neutre, alors qu'on attendrait un masculin.

2 « Roman historique et Antiquité », Revue des Études Anciennes, 121, 2019, p. 125.

3 Voir S. FREUD, der Wahn und die Traüme in W. Jensens « Gradiva », 1907.

Citer cet article comme : Lucienne Deschamps, Vie d'un philosophe romain, in : Actualités des études anciennes, ISSN format électronique : 2492.864X, 11/11/2019, https://reainfo.hypotheses.org/18140.
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