L'homme tempéré, c'est
Elie Guillou lui-même.
Lui qui vit en France de façon plutôt confortable, avec ses certitudes, ses projets, ses envies, et surtout, une indifférence banalisée face à ce qu'il se passe dans le monde, dans certaines parties du monde plutôt.
En 2012, il se rend en Turquie pour y rencontrer des musiciens traditionnels, les dengbejs, mais il y découvre surtout un peuple et une cause: les Kurdes. Et la répression violente qu'ils ne cessent de subir. Il la prend de plein fouet et sa conscience vole en éclats.
Aux côté de deux hommes photoreporters, il voit des lynchages et la mort, participe à des rassemblements, se rend dans des camps, vit la misère, rencontre diverses personnalités, intègre des informations et se demande comment en rendre compte, d'autant qu'en France, il se heurte à une indifférence polie, à sa candeur lorsqu'il veut aider, et même à une certaine forme de méfiance, car son engagement perturbe.
Lui est déchiré.
Comment vivre tranquillement, comment continuer à vivre tranquillement ?
La culpabilité d'avoir sa vie, la chance d'être né là, son impuissance à changer les choses, sa volonté d'agir à son niveau, l'inertie du monde, le rongent.
"Présente toutes les nuances, même celles que tu ne comprends pas." lui conseille-t-on. C'est ce qu'il s'attache à faire.
Récit à la limite du document,
Elie Guillou se livre sans fards, d'une manière aussi simple que sincère. Je suis entrée facilement dans ce livre qui m'a embarquée, émue et révoltée quant aux Kurdes et à leur désir de reconnaissance et légitimité étouffé par la Turquie depuis si longtemps. Et des dengbejs, il en est aussi question, mais là paradoxalement, j'ai été tenue à distance sans que je ne m'explique pourquoi.
Ce livre est humain, intéressant et visuel.
Elie Guillou se pose des questions qui pourraient être les nôtres si nous décidions de sortir de notre confort, il le fait d'une manière aussi évidente, complexe que délicate. Son écriture va à l'essentiel, reste sobre, presqu'orale. Cette proximité est un moyen de nous happer, de nous heurter, de nous emmener, de nous projeter.
Un grand merci à Babelio et à sa Masse Critique pour l'envoi de ce livre.