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EAN : 9782366261110
320 pages
LC Christophe Lucquin éditeur (01/04/2016)
4.5/5   4 notes
Résumé :
La survie n’est qu’une succession d’opportunités à vivre. Se battre, comme il le fait lui, contre les coups de dent et de couteau, contre le canif et le fil de fer ; ou comme elle le fait elle, contre la tristesse et le manque de surprise, contre l’abandon et ses seins qui poussent, est un ennui pesant pour leurs seules épaules.

Il n’y a ni terre ni capitale précise, plutôt un Mondelaid avec des patelins et des grandes villes où les identités se défin... >Voir plus
Que lire après Rien n'est crucialVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dernier né de l'écurie Christope Lucquin Éditeur (CLE), ce Rien n'est crucial de l'Espagnol Pablo Gutiérrez ne détonne pas dans le catalogue de cette petite et belle maison si ce n'est par sa couverture qui, sans oublier le point bleu arbore des coloris vifs et un dessin du plus bel effet. Lorsque j'écris que ce livre ne détonne pas, il ne faut pas entendre qu'il serait pâle et sans saveur, c'est tout le contraire, à l'instar des autres titres édités chez CLE, il est d'une force étonnante lovée au creux d'une écriture exigeante, novatrice, parfois déstabilisante -j'adore ça- et jamais ennuyeuse (même si je me dois d'être honnête et d'avouer un très petit coup de mou en tout début de la seconde moitié, assez vite effacé par une fin inattendue et porteuse d'espoir).

Ce roman à double personnage principal se déroule dans les années 80 ; on sait que Magui et Lécou se rencontreront puisque le premier chapitre les décrit "les doigts emboulonnés dans les doigts, les yeux emboulonnés dans les yeux. Les siens (à lui) sont deux boutons extrêmement foncés ; les siens à elle sont fugaces comme des insectes." (p.8), mais ce qui intéresse l'auteur c'est leur enfance. Lécou naît dans un terrain vague de parents junkies, Magui naît dans une famille apparemment unie. de longues et belles pages ensuite sur l'enfance de l'un chaotique, de l'autre qui le deviendra après l'abandon du père. Il est question de religion, de ces mouvements qui se forment prenant un peu de modernité ici et beaucoup d'archaïsme là, recréant une idée radicale et intégriste du catholicisme, faisant du prosélytisme à fond, mais pratiquant également une autre manière de se développer : "Parce que les couples de néochrétiens sont des baiseurs de première qui se consacrent à créer de nouveaux êtres à baptiser par immersion. Même s'ils ont des courbatures, même si ça les gratte ou même s'ils sont tout secs en bas, le Message les oblige à baiser à mort, comme des lapins sous la protection divine pour grossir les rangs de ses serviteurs : se dupliquer, se centupler, se multiplier est la consigne." (p.28/29)

Très beaux personnages que Lécou et Magui qui subissent toute leur enfance, qui ne se sentent vivre que lorsqu'ils sentent un peu d'amour chez les autres, pas l'amour qui fait que Magui s'offre aux hommes, non de l'amour désintéressé, sans demande de retour. Ces deux jeunes gens trotteront un moment dans ma tête par leur inertie, leur force, leur violence, leurs manques, leur envie de vivre, leurs contradictions, leur folie, ... Ils resteront longtemps à mon esprit aussi parce que l'écriture de Pablo Gutiérrez s'imprime en nous même sans le vouloir ; le début du roman peut paraître un peu bizarre, il l'est, la suite aussi, dans sa construction, dans l'emploi de certains mots, de certaines tournures, dans la manière de nommer les adultes qui entourent Lécou et Magui ; assurément, l'auteur innove et ne peut laisser indifférent. Il ose un reportage façon Envoyé spécial sur 6 pages sur L'expansion néochrétienne, intervient en tant qu'auteur pour résumer son histoire aux enfants, pour diverses d'autres raisons itou. de belles phrases longues, séparées par de plus courtes, de l'ironie, du sarcasme, jamais gratuit, toujours argumenté notamment en ce qui concerne les néochrétiens, mais aussi la sclérose de la société et le sort fait aux pauvres, aux gens différents, la peur qu'ils inspirent, comme si nous craignions un jour d'en arriver dans les mêmes situations.

De nouveau un très beau texte et un très bon livre paru chez CLE qui fut injustement attaqué récemment par une auteure dont je tairais le nom, mais si cela vous intéresse cliquez ici pour plus d'informations. Un bon geste, allez voir le catalogue de la maison d'édition et courez à la librairie d'une part demander qu'elle commande et expose ces romans et d'autre part acheter un ou plusieurs titres, vous ne le regretterez pas et franchement CLE mérite d'être connue pour ses parutions belles et audacieuses.

PS : j'ai l'honneur d'être le lecteur du mois, avec ce roman sur le site Lecteurs.com, allez voir, c'est vachement bien.
Lien : http://lyvres.fr
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Deux enfants des marges espagnoles, à l'assaut improbable et amoureux du monde contemporain.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2016/04/20/note-de-lecture-rien-nest-crucial-pablo-gutierrez/
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Tout cela se passa dans les années quatre-vingt, lorsque les junkies étaient les maîtres du monde et vagabondaient et prenaient possession des terrains vagues sans agences immobilières, ni assistantes sociales pour s’y opposer ou, du moins, elles n’étaient pas assez nombreuses pour veiller à ce que la tripotée de gamins que les mamans junkies disséminaient dans Mondelaid aillent petit à petit en classe moins crasseux, s’asseyent correctement sur leur petite chaise, obéissent sagement à leur maîtresse et se laissent docilement expulser quand ils faisaient du grabuge dans la cour comme, par exemple,
pisser sur le visage d’un plus petit
lui secouer violemment la quéquette
tripoter la zézette d’une fille dans les toilettes,
ce qui était très fréquent dans ces affreuses années quatre-vingt, les enfants, ne laissez pas la toujours-allumée vous convaincre que vous êtes les seuls à vivre dans une époque d’agressivité démesurée, parce que, en réalité, avant on mordait pareil, on frappait pareil, on mettait les mains (les deux) là où il ne fallait pas, et on inventait des punitions cruelles destinées aux traîtres et aux pédés. Ce ne sont pas les films ni les jeux ultra-violents qui vous poussent, tels des zombies, à vous tuer à grands coups de beignes : si nous avions eu vos formidables caméscopes, nous aurions enregistré les mêmes branlées, les mêmes raclées d’anthologie infligées aux tendres qui nous faisaient tellement horreur. Mais le Super 8 Cinemax en plastique merdique, quel dommage, ne servait pas à cela.
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Et ainsi Lécou devint le seul hobbit engendré par des junkies à n’avoir jamais pris une quelconque substance toxique, à l’exception du sorbitol, de l’acidifiant et des gazéifiants habituels de la nourriture en conserve. Ça lui suffisait, ça et la merde délicate qui parcourait ses circuits, pour halluciner et délirer et voir des poupées de couleur sur les murs hyperblancs de son trou.
De toute façon, peut-être que cela n’aurait pas beaucoup servi, peut-être que cela aurait été un gaspillage de dépenser les billets qu’il n’avait pas dans l’un de ces sachets transmigrateurs, car son système nerveux avait dû rester définitivement chétif et appauvri quand la Femme à la Robe Sage se promenait sur ces terrains des années 1980 avec Lécou-fœtal dans son ventre, s’offrant des doubles doses dans un coin crasseux de son abri, Lécou-fœtal absorbant dans les sucs de la poche amniotique le trip de sa téléporteuse, Lécou minuscule astronaute, capsulé et drogué, Lécou qui naquit comme s’il ne voulait pas le faire, accroché comme un lézard aux parois de l’utérus, la maman junkie qui n’eut pas le temps d’arriver à la maternité, les trop jeunes médecins du foyer de charité lui sortirent le bébé à l’aide d’une pince, d’abord les petits pieds violacés, ensuite les petits bras et les petits ongles éraflant ce qu’il y a dedans, et en dernier la petite tête, qui sortit avec un plop comme le bouchon d’une bouteille au milieu de cette masse de placenta et de sang contaminé. Elle se tint creuse et ratatinée comme une cannette de Coca-Cola, lui se mit à pleurer et à trembler à cause de son premier syndrome de sevrage. (
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Une clôture en bois entourait la propriété, repeinte à chaque printemps par le père de Madame Junkie, qui était mort depuis des lustres lui aussi et à qui l’État avait remis cette maisonnée, car à côté allait passer une nouvelle rame pour le Talgo et qu’il serait chargé de veiller à ce que les rustres des plaines cultivées ne dérobent pas les pylônes en acier et ne risquent pas leur peau sous le caténaire, sauf que, au final, la ligne ne fut jamais construite et on lui donna la maisonnée quand même, parce que, bon, les frais étaient engagés et qu’ils mourraient de faim et, au moins, son beau-père s’était battu dans le bon camp lors du Grand Et Cetera, c’est pour cela que l’acte de propriété a toujours a été à son nom à elle, même si c’est lui qui signait les papiers, puisqu’il était le chef de famille, c’est comme ça qu’on appelait celui qui tapait le plus fort à l’époque.
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Chaque chose à sa place : la table bien rangée, le cahier et le stylo, le mugissement du monde en marge de ce rectangle avec son ennuyeuse répétition d’attraction de foire. C’est l’été, la vieille ouvre les fenêtres et la toujours-allumée tonne dans le patio de lumière. Toute l’angoisse de sa petite maison – les longues heures, le téléphone muet, les cheveux sales – s’infiltre et suinte, se calcifie en moi, s’ajoute à la liste des mensonges et des devoirs qui me poursuivent chaque jour et ne me laisseront pas en paix tant que je ne me déciderai pas à les envoyer au diable et à me transformer en ermite et à cultiver des tomates et élever des poules et à me passer de presque tout comme par exemple
de papier hygiénique
de mousse à raser
de syntaxe
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Il n’était ni philosophe, ni métaphysicien, ni poète, mais il comprenait à sa manière, c’est-à-dire sans mettre de mot sur cette pensée à lui, que la résignation chrétienne (ou néochrétienne, ou protochrétienne, c’était pareil) était la bouche d’égout par laquelle s’écoulait le mensonge vagabond qu’avait été sa vie jusqu’ici.
Jusqu’ici.
Il ignorait, le jeune appelé Lécou, ingénu, hébété et un tantinet imbécile comme la majorité des hobbits, que l’Elfe Galadriel viendrait le sauver de cet immondice monotone, ce n’était qu’une question de mois.
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