Une Histoire, celle de deux lignes d'Univers (et de leur cônes de lumière) , qui se croisent. Une ligne est associée à Albert Einstein, l'autre à Erwin Schroedinger. D'autres lignes viennent se superposer, celles de Bohr, d'Heisenberg, de Pauli, … de cette superposition, des échange d'idées, sont nées quelques uns des plus grands concepts scientifiques du 20eme siècle. Voilà une brève métaphore (personnelle), parmi d'autres, de l'histoire de la physique moderne. C'est l'objectif que s'est donné Halpern dans ce livre : expliquer comment Einstein, père de la relativité générale et découvreur de l'effet photo-électrique, et Erwin Schroedinger, père d'une des équations les plus importantes de la mécanique quantique (équation d'onde qui fonde la mécanique quantique) ont révolutionné notre vision du monde, notre compréhension des forces. Halpern nous parle d'un temps où la recherche en physique était peut-être plus qu'aujourd'hui guidée par des considérations philosophiques. Il ne nous parle pas seulement de deux hommes, de deux icônes (Einstein a certainement plus le statut d'icône que son ami Schroedinger) de la science moderne, mais aussi de tous les acteurs sans lesquels les idées et les grands développements initiés par Albert et Erwin, auraient été plus difficiles. Halpern montre avec talent que les théories physiques ne sont pas que deux hommes et quelques idées géniales, mais aussi beaucoup de travail, d'échanges, de débats parfois houleux, de désaccords parfois tranchants, et de temps pour mettre en place les pièces du puzzle. Un livre qui oscille entre vulgarisation de physique fondamentale et bibliographie, qui montre et démontre que derrière les grandes idées et les grands hommes, il y a surtout des «hommes », avec leurs faiblesses, leur envie gloire, leur narcissisme. De cette lecture, il ressort plus que tout, que la société et l'imaginaire collectif, ont construit un mythe du génie, qui a réponse à tout, et dont le comportement est intègre à tout point de vue. Ce mythe, Einstein en est peut-être une des plus proche incarnation. Halpern nous montre comment il aura essayé de s'en défaire, de continuer à être « lui », Albert Einstein, et non un « Dieu » (qui ne joue pas aux dés) qui porte en lui les idéaux de la société.
Le texte d'Halpern est riche, bien documenté. Il ne propose pas que les éléments les plus connus des bibliographies d'Einstein et de Schroedinger (je connaissais de toute manière peu cette dernière), mais de nombreux autres. Il tente, de plus, d'expliquer les concepts, idées physiques, qui ont animés la vie de ces physiciens et la physique du début du 20eme siècle, en termes simples, en analogies souvent claires. Malheureusement, comme beaucoup de livres de vulgarisation, il semble avoir visé un public trop large, ou ne pas avoir correctement choisi son public. Je regrette ce choix (sans doute éditorial) d'avoir banni du texte toute équation. Or, pour certaines analogies, certaines explications, il m'a semblé que celles-ci auraient pu être éclairantes. Même la fameuse équation de Schroedinger, souvent connue des seuls étudiants en physique, n'est pas reprise mais expliquée avec des mots seuls. Sans associer ceux-ci à l'équation elle-même, le texte doit sembler bien abstrait. Quelques encarts, permettant au lecteur d'aller plus loin, appuyant des concepts abstraits sur quelques équations qui ne rebutent pas une partie du public, auraient pu rendre ce livre plus riche, permettre plus facilement deux niveaux de lecture, et peut-être ouvrir le texte à un plus large auditorat. Difficile pour moi de me mettre à la place de quelqu'un qui entend pour la première fois parler de Lagrangien, de fonction d'onde, ou de tenseur. Ces concepts physico-mathematiques, sont sans aucun doute très difficiles à vulgariser, mais j'ai peur que l'explication d'Halpern ne soit pas suffisante pour tout un chacun (je n'aurais pas mieux a proposer ! ). De même, je ne suis pas sûr que toutes les subtilités des débats d'idées qui ont animés la physique du début du 20eme siècle ne soient abordables sans une connaissance un peu avancée en physique et/ou en philosophie des sciences. Il y a peut-être aussi dans ce livre quelques imprécisions, et manquements. Je suis par exemple surpris qu'aucune mention n'est faites des travaux de Marie et Pierre Curie ou de Becquerel, de leur contribution à la physique nucléaire et de leur impact sur l'évolution des idées en mécanique quantique. Les « historiens des sciences » pointeront peut-être aussi quelques imprécisions. J'ai été surpris de lire qu'Eduard Einstein (un des deux fils d'Albert) avait fini ses études de psychiatrie avant d'être interné pour schizophrénie. L'information n'est pas corroborée par d'autres sources.
Pour conclure, un livre intéressant à plus d'un titre, je pense destiné à un public averti mais pas trop spécialiste. Un mélange de bibliographie et de vulgarisation. Un livre qui montre aussi, indirectement, comment la physique et la recherche en sciences, ont évolués en un siècle. Merci Babelio et Dunod de m'avoir permis de lire cet opus au travers d'une opération Masse Critique.
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Je n'ai aucunement la prétention de donner un avis sur le sujet traité dans ce livre, n'en ayant ni les compétences intellectuelles, ni les compétences historiques, ni les compétences techniques. Je peux seulement donner mon avis d'éternelle novice en la matière.
J'ai grandement apprécié le cheminement emprunté par l'auteur pour nous conter l'histoire de la « physique moderne » (je ne sais pas comment elle s'appelle réellement), cette histoire que je connais peu comme énormément de choses qui me passionnent pourtant. Nous sommes d'emblée plongés dans le coeur du sujet. Beaucoup de détails ont pris une teinte nouvelle pour moi, grâce au MOOC (https://www.fun-mooc.fr/courses/ENSTA/73001/session01/about) que je viens de finir de suivre avec grand intérêt. Et j'avoue que cette « teinte » supplémentaire n'en a qu'accentué la saveur.
Ce livre tisse un fil conducteur agréable dans l'histoire des grandes découvertes en physique des siècles passés, surtout du XXe siècle, avec leurs implications dans celles en cours de nos jours. On a l'impression, parfois peut-être un peu voyeuriste, d'entrer dans les maisons d'Einstein et de Schrödinger, de les suivre dans la rue... Ça ne fait que rendre plus humains ces personnages illustres. On croise, avec eux, la route de leurs pairs, contemporains ou non (Heisenberg, Pauli, Bose, Born, Bohr, Newton...).
Mon « ignardise » sur le sujet, fait que je ne connais strictement rien de Paul Halpern en dehors de ce qui est mentionné sur la couverture du livre. A-t-il un lien de parenté avec le Léopold Halpern, dernier assistant de Schrödinger, mentionné en page 261, je ne sais pas. Et en fait, cela n'a aucune importance en soi ; ce n'est qu'un reste de cette sorte de sentiment de voyeurisme qui nous accompagne au fil de ces pages richement documentées.
Un autre détail a priori sans importance m'a marqué dans ce livre : la pression financière et médiatique, mise en avant par l'auteur dès le prologue, trouve ironiquement un écho dans nos sociétés bouffées par les « billets informatifs » tous azimuts et la plupart du temps non vérifiés, ou, au pire, tellement épurés pour donner à tous l'illusion d'en comprendre la teneur, qu'ils en deviennent ridicules. Mais, elle ne gâche en rien la petite histoire qui nous est contée ici. Elle n'est tout au plus, qu'un chemin de réflexion supplémentaire.
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Leur acrimonie était telle que Schrödinger dit une fois au physicien John Moffat, qui visitait Dublin,"ma méthode est bien supérieure à celle d'Albert! Laissez-moi vous expliquer, Moffat, qu'Albert est un vieil imbécile".
Un théoricien ne peut pas savoir à l'avance quelle partie d'un article de recherche s'avèrera la plus féconde. Parfois, même une mention marginale peut réveiller l'imagination et libérer une cascade d'idées fertiles.
Nous ferions bien de lire leurs écrits, ainsi que ceux des scientifiques et des philosophes qui les ont inspirés, afin d'apprécier pleinement où nous en sommes actuellement en physique
Dr. Paul Halpern, A Face of Philadelphia Science at University of the Sciences