Les évènements qui motivèrent cette mission sont si importants et leurs conséquences ont été si sérieuses, que je considère comme mon devoir d'y insister un peu, et de citer, d'après les documents en ma possession, des faits que l'on ne trouverait nulle part ailleurs. J'étais donc chargé de porter devant le Colonial Office certaines plaintes qui n'avaient pu obtenir satisfaction à Ceylan. Elles touchaient au principe même de la neutralité religieuse si clairement et si sagement promise par Sa Majesté la Reine dans toute l'étendue de son empire. Évidemment cet empire ne pourrait être maintenu par aucun autre système que la garantie absolue que les fidèles des diverses religions pratiquées dans son étendue garderaient leur liberté de conscience et la liberté de leurs cultes.
Je me trouvai à Londres aux prises avec une femme savante, intelligente, sure d'elle-même, ambitieuse et excentrique : personnalité unique qui se croyait l'ange d'une époque religieuse nouvelle, réincarnation d'Hermès, de Jeanne d'Arc et d'autres personnages historiques. Je m'étais assuré, en étudiant les opinions de tous les membres de la London Lodge, qu'entre son enseignement et celui des sages Indiens, le verdict tournait contre elle à la presque unanimité. Ce n'était pas qu'on manquât d'apprécier ses grandes qualités comme elles le méritaient, mais c'est qu'on appréciait celles des Maitres encore plus. Peut-être aussi la trouvait-on un peu trop autoritaire au gré des idées anglaises. La première chose à faire était d'aller la voir ; je ne peux pas dire qu'elle me plut beaucoup, quoiqu'il me suffise de peu d'instants pour sonder sa force intellectuelle et l'étendue de sa culture. Ses idées sur les affections humaines avaient quelque chose d'inquiétant.