" L'autorité n'est pas naturelle, elle est culturelle "
Rappelons-nous ces grandes figures qui ont jalonné nos enfances. Ces personnes au charisme hors du commun qui nous marquèrent et nous influencèrent. Ah, ces gens avaient de l'autorité eux !
Mais qu'est-ce qui a changé, où est-elle cette satanée autorité ?
D'aucun a déjà entendu dire : " il faut que les parents aient de l'autorité, que les instituteurs, les professeurs affirment leur autorité. "
Charlotte Herfray nous livre dans cet ouvrage son indignation face à ce constat stérile d'un manque patent d'autorité. Vouloir décréter l'autorité, c'est faire fi du fait que l'autorité ce sont les autres qui nous l'accordent.
Vit on une crise de l'autorité ? Si l'autorité est culturelle, la crise dans la culture se perçoit dans cette recherche du pouvoir, d'un potentiel guide… Mais le pouvoir n'est pas l'autorité, il ne faut pas confondre ces deux notions. L'auteur insiste sur cette dichotomie élémentaire, en se basant sur des éléments historique, d'Abraham à Antigone, en passant pas Moïse.
" Ce que certains humains ont démontré au cours de la deuxième guerre mondiale, c'est que tout peut être permis quand le pouvoir autoritaire l'ordonne. Pourtant l'exigence éthique ne saurait disparaître, ni l'autorité qui en est le véhicule : elle reste la seule garantie de quelque transmission que ce soit. "
Charlotte Herfray, dans la maison de
Freud, comme elle aime à le rappeler, nous montre que la
psychanalyse offre un éclairage particulier à la question de l'autorité. L'humain, être de langage ne peut être institué ès-humanité qu'après transmission, après apprentissage. Et c'est bien dans la parole que se traduit cet acte.
Les différents mythes qui fondent notre civilisation occidentale se sont, de tous temps, diffusés à travers le langage. L'autorité se veut alors cette transmission des lois, de notre culture.
Alors on appelle à restaurer l'autorité, mais le monde marchand destitue la parole au profit de l'image, au profit de la jouissance. La marchandisation à tout va accroît un peu plus le déficit de symbolique, de parole à l'adresse de nos descendants. Et le fossé se creuse…
Chacun ses méthodes, ses astuces pour faire avec cette réalité. La mode des projets devait en être une, un moyen de redonner une place à celui que l'on nomme désormais " usager ". mais dans l'usager, c'est le sujet et son désir qui se perdent. Et quels sont les mots qui vont nous guider dans ce monde qui s'obscurcit ?
Faisons attention aux réponses évidentes, aux mouvements qui se targueraient de combler toutes ces zones de doute, d'inconnue. La rencontre avec le sujet est une aventure où les réponses se construisent petit à petit. Cette route s'obscurcit, le paysage s'assombrit, certes…
" D'où viendront les mots qui ouvriront les portes d l'espoir, d'un monde habitable et humain ? "
" Nous n'avons plus la prétention de changer le monde. Mais nous savons que ceux qui résistent à ce qui est inhumain dans notre civilisation demeurent les témoins de la vie de l'esprit. Même s'ils ne sont qu'une minorité, ils comptent. "
Les figures d'autorité est un ouvrage élaboré à partir de trente ans de travaux de l'auteur. Aucun résumé ne saurait rendre justice à ce livre d'une densité et d'une qualité rares. La richesse de cet ouvrage est manifeste, documenté et précis, ce livre parle, il nous parle. Il fait écho à la clinique du quotidien, il est questionnement et réponse à un vécu de praticien de la relation.
Charlotte Herfray nous offre là un plaidoyer humaniste, magnifique, un classique.