Le Froid
Nulle flûte, et même qui sanglote, n’éveille
L’écho dans le jardin, le bois ou le verger ;
Et l’hiver, dur au Satyre comme au berger,
A séché la prairie et défeuillé la treille.
Le froid, noir meurtrier de l’aurore vermeille,
Le froid qui vente et crie est venu saccager
Les fleurs, les blondes fleurs à l’arome léger
Dont Korè la joyeuse emplissait sa corbeille.
Par les chemins personne, et, seul au carrefour,
Un Hermès pluvieux, qui pleure nuit et jour,
Semble grelotter dans le marbre de sa gaine.
Et, soupir où meurent les chansons et les voix,
Un long gémissement s’alanguit et se traîne
Du jardin au verger et du verger au bois.
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C'est la douceur candide de l'automne,
C'est le déclin tranquille de Tannée.
Le ruisseau dit sa chanson monotone,
La fleur languit là-bas, déjà fanée.
C'est la mort pâle et timide des choses ;
Le ciel s'embrume et la lumière est floue
Que murmure le soir aux bois moroses?
Par les rameaux la brise douce joue.
Voici tomber les pleurs vagues de l'ombre ;
La voix des nuits bienveillantes s'est tue.
La nuit est longue et la vallée est sombre.
Entends gémir la forêt abattue.
Les roses du matin ont parlé d'espérance.
Le ruisseau fraternel murmure doucement
Un hymne ; et l'hymne est pur, et l'hymne est si charmant !
L'heure sourit : c'est une heure de délivrance.
Ai-je connu déjà l'automnale souffrance?
Je ne sais plus. Le jour est beau, le jour clément,
Le soleil amical emplit le ciel, semant
De perles l'air et sa pieuse transparence.
La barque d'or léger glissera sur les flots,
Le fleuve lumineux n'aura plus de sanglots ;
Le fleuve va frémir au lent baiser des rames.
Entends là-bas la voix joyeuse des garçons
A qui répond le chant ailé des jeunes femmes,
Entends nos âmes qui sont pleines de frissons.