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EAN : 9782372330343
160 pages
Antigone14 Editions (02/04/2016)
4.04/5   27 notes
Résumé :
Un roman court et intense, conduit en mode "caméra sur l'épaule", vif et direct. Un univers étrange et prenant, une héroïne fragile et attachante.
Un renversement final saisissant !
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Et bien et bien, pour un premier roman je suis scotchée, abasourdie, moite, pantelante, un pantin désarticulé, c'est l'effet du festin du lézard. Quel roman !
J'ai froid, j'ai peur, je tremble, les larmes montent, la nuit n'en finit pas.
Il y a dans ce roman, pour ceux qui connaissent, des remous de « Je voudrais que la nuit me prenne » d'Isabelle Desesquelles. Il y a aussi des vagues qui reviennent de l'enfer de Dante. Un roman dantesque, hugolien, d'une puissance littéraire rarement égalée de nos jours.

On tourne les pages avec prudence comme si on marchait sur des braises. Ça fait mal. Ça brûle.

Isabelle a vingt-six ans, prisonnière dans une maison aux fenêtres barricadées, emprise aux mains d'une mère qu'elle voudrait voir morte, cette Mère, cet animal au sang froid comme un lézard.
C'est noir terriblement noir, on le touche des doigts ce noir, miettes de la peur, de la souffrance, du désespoir, de la souffrance.
Jusqu'à demain. Où le jour éclabousse la laideur de l'ombre sournoise. La lumière éclate comme une bulle de savon. La lumière écrase, entortille, embrase. Les saisons se mélangent. Isabelle se confie à Léo. Puis il y a son Cèdre, l'ami. Autant d'anges pour une jeune fille en proie à l'insoutenable.

La plume de Florence est celle que j'ai tant aimé dans l'appartement du dessous. Vive, animée, habitée, ensorcelée.
C'est un roman hypnotique, enivrant, dérangeant avec la folie en toile de fond, une guerre entre la nuit et le jour, entre l'amour et la haine.
Cette fin que dire, si ce n'est que Hitchcock est parmi nous, ses oiseaux parlent pour lui.

Ayant eu le cadeau incroyable de discuter avec l'auteure, je peux vous dire que ce roman a dépassé ma compréhension de piètre lectrice. L'auteure est une femme humaine, réceptive à ses lecteurs et qui m'a comblée de joie en discutant avec moi de son roman qui m'a bouleversée. Il ne me reste plus qu'à le relire maintenant. Même si cette histoire va me hanter un moment.

Florence, ton roman est un joyau brut, une étoile dans le noir, un flash dans la nuit.
Mes mots me manquent, je suis émue. Merci Florence. C'est pour de tels livres que je sais pourquoi je lis, pourquoi j'en ai tant besoin.
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Le festin du lézard est le premier roman de Florence Herrlemann. Cet opus fait l'objet de nombreuses excellentes chroniques sur la blogosphère. L'écriture est notamment portée aux nues.

Amoureux des belles phrases, cela ne pouvait que m'inciter à me le procurer et le lire rapidement. Je remercie mon ami Denis pour l'envoi de cet ouvrage. Reçu samedi midi, je n'ai pu patienter.

« Rien ne sert de prévoir, d'échafauder, d'imaginer. Je vous l'ai dit maintes et maintes fois, rien, rien ne se passe jamais comme prévu, rien n'est comme on le croit. C'est une loi mathématique. Une loi indiscutable, irrévocable ! Pourquoi l'oublions-nous si souvent ? »

Alors me direz-vous ? Quelques mots sur le fond pour commencer.

La première chose, et non la moindre, est que ce roman n'est pas facile d'accès. A l'inverse, il laissera assurément en dehors de la maison certains lecteurs. le sujet est très compliqué (résumons par les relations mère/fille et l'emprise totale de l'une sur l'autre), l'ambiance oppressante, dérangeante.
En résumé, on est loin du page-turner ou du roman léger. le lecteur est clairement bousculé, souvent mal à l'aise, au bord du précipice. Je pense qu'il est impossible de sortir indemne de cette lecture.

La deuxième remarque est l'utilisation systématique du vouvoiement par Isabelle quand elle s'adresse à Léo. Ainsi que du terme Mère quand elle évoque la sienne. Cela peut entrainer une sensation de gêne, de fraicheur, une difficulté à rendre les personnages attachants et donc à rentrer réellement dans le récit… D'ailleurs, qui est réellement Léo ? Existe-t-il vu qu'il ne répond jamais ? Chacun ressentira selon ses propres émotions et sa propre sensibilité.

« Quant à vous, Léo, votre sens pratique, votre sang-froid, votre célérité vous rendent plus que jamais indispensable. Je suis fière de vous avoir à mes côtés ».

Dernier point à souligner : l'histoire en elle-même est un monologue de Isabelle. Un long monologue amer, onirique, exprimant violence, dureté, souffrance, mais aussi beauté et douceur, mélangeant et alternant réel et irréel… Là encore, cela ne plaira pas à tout le monde.

« Pendant que d'autres se blottissaient mollement dans les bras de Morphée, moi je luttais pour ne pas choir sous le poids des enclumes qui chargeaient mes paupières. J'ai vaincu une à une les ombres de la nuit. J'ai maté mes démons, m'en suis fait une armée. J'ai mis à rude épreuve mon arme absolue : ma matière grise ! Et je dois dire que j'ai idéalement mis à profit le surplus d'intelligence dont la nature m'a gratifiée… Je n'ai rien gaspillé, la machine a tourné à plein régime pendant toute la nuit sans jamais montrer un signe de fatigue : pas une défaillance mécanique, un bijou de technologie humaine ! Pendant huit longues heures – la nuit, les heures sont plus longues – moi, Isabelle de Morry, ai tournée et retourné dans tous les sens le problème épineux – sans jamais me piquer- bref, je nous ai trouvé une solution – j'en ai la chair de poule… - la solution à notre ultime obstacle : l'apposition du point final à l'existence de Mère. Peu m'importe d'être damnée dans l'autre monde, puisque dans celui-ci je vis déjà l'enfer ».

Et pourtant j'ai aimé cet ouvrage, je le défends et vous encourage vraiment à le découvrir. En effet, tous ces « désagréments » que je viens d'énumérer sont merveilleusement contrebalancés par l'envoutement, la douceur, la poésie, la beauté de la merveilleuse écriture de Florence. Quelle maitrise ! Cela en est d'ailleurs impressionnant pour un premier roman.

« Voyez-vous, là-haut, près de la porte, cette araignée tissant sa toile délicate ? Quel travail d'orfèvre, regardez comme elle file et ourdit ! Eh bien vous n'avez qu'à concentrer votre attention sur son ouvrage. Laissez-vous happer. Et si par hasard l'Ennui s'en vient vous faire une petite visite, n'ayez aucun scrupule à prendre un air très occupé, à feindre de compter le nombre d'entrelacs réalisés par l'artiste. Il vous regardera alors comme une proie inaccessible, trois petits tours et s'en ira !"

La tournure de la phrase, l'utilisation des mots, les nombreuses répétitions, l'alternance entre le coup de poignard (phrases courtes et sèches augmentant le mal être) et l'envoutement cajolant (la longue phrase, détaillée à très détaillée, répétitive, explicative, très illustrative) … Rien n'est laissé au hasard, rien n'est écrit par hasard. A l'inverse le choix des mots est pesé, la tournure judicieuse, l'ambition littéraire réelle. On sent un très gros travail de l'auteur sur le style. C'est remarquable !

« Quand le vent se lève et qu'il caresse mon visage, je voudrais qu'il ne s'arrête jamais. Alors je ferme les yeux, et je sens qu'au bout de mes pieds pousse quelque chose d'infiniment fragile, comme de petits filaments, translucides, nerveux, fins, si fins, plus fins que la soie, nerveux, nerveux à s'enfoncer dans la terre, à s'y fondre avec cette drôle de volonté. S'enraciner. Puiser toute cette formidable force cachée tout au fond des entrailles de la terre. Alors la sève remonterait, poussée par cette même volonté d'être, pour me faire grandir, grandir, et dépasser de loin, en hauteur, le Cède mon ami. Peut-être qu'un jour moi aussi je serai un arbre, un arbre qui ne meurt pas ».

Je dis souvent qu'un livre se doit d'être marquant, positivement ou négativement. Il n'y a rien de pire que tourner la dernière page et…

Vous l'avez compris, ce n'est absolument pas le cas du festin du lézard. Jusqu'au dénouement (attendu ou inattendu, je vous laisse découvrir), le lecteur est tenu en haleine et maintenu sous pression. Ce ping-pong de 160 pages entre fond et forme est impressionnant, addictif, presque hypnotique tant il est diaboliquement maitrisé.

C'est une remarquable réussite qui mérite d'être mise en avant. Achetez-le, louez-le, faites-vous le prêter, mais un conseil : ne passez pas à côté !

Je suivrai assurément à l'avenir Florence Herrlemann, auteur à découvrir. J'attends le prochain ouvrage avec impatience.

Bravo Denis pour la trouvaille et merci une nouvelle fois!

COUP DE COEUR 5/5 !


Lien : http://alombredunoyer.com/20..
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Une grande propriété, pourtant close de grilles qui laissent entrevoir un « autre monde ». Une jeune femme qui erre comme une âme en peine et que terrorise une mère autoritaire et effrayante. Un confident omniprésent mais muet. Une atmosphère étouffante et délétère. Quel est ce monde étrange dans lequel nous nous sommes aventurés ?
Que dire de l'histoire ? Rien, car, à proprement parler, il n'y en a pas. le lecteur se sent interpellé par une narratrice unique et intérieure, qui lui parle en « vous ». Mais ce n'est pas à nous que s'adresse Isabelle. Elle se livre à un monologue, puisque Léo, son interlocuteur, ne lui répondra jamais. Il est donc difficile de faire la part des choses. de démêler le vrai du faux, pour autant qu'il existe une vérité.
Commençons par le début. le titre. Il est intrigant et il faudra attendre longtemps (page 151) avant d'avoir une explication.
La couverture. Elle rend parfaitement compte de l'atmosphère étrange du roman. Composée dans une gamme de gris, elle laisse percevoir une route « avec ses bosses, ses crevasses, ses plaies (…) Je marchais, je marchais droit (…) Je priais pour qu'il y ait un bout à cette route, et pour qu'au bout, il y ait quelque chose. » Car ce chemin se noie dans des volutes, des nuages sombres, un paysage flou. Une promeneuse apparaît, de dos, et semble être une très jeune fille, vêtue, comme Isabelle, d'une chemise de nuit et pieds nus. En réalité, elle ne touche pas le sol, entourée de cercles brouillés, elle semble en lévitation dans une autre dimension. C'est exactement ce qu'on ressent à la lecture. Où sommes-nous ? A quelle époque ? On ne saurait le dire. Il y a un parc dont nous ne connaîtrons que le centre : un cèdre qu'Isabelle considère comme une personne. Elle le nomme « Cèdre, mon ami », s'y adosse, se balance à ses branches, y grimpe parfois. Les grilles sont perpétuellement fermées. Pourtant, de temps à autre, une calèche s'arrête pour déposer des visiteurs qu'Isabelle semble redouter, voire détester. Elle les rebaptise : Bérengère devient « Bergère », Simone Bersolle, « Lintruse » et Jeanne-Aimée Marcelline, « la nuisible ». Seule, Éloïse Jarnon trouve grâce à ses yeux, Une frêle petite bonne qui, pas plus que Léo, ne lui répond.
La demeure est imposante, mais les fenêtres garnies de barreaux et la chambre d'Isabelle toujours fermée à clef. Seule, Mère possède le sésame. Malgré cela, on voit la jeune femme errer dans les couloirs, guetter du haut de l'escalier, très dangereux, nous dit-elle, car Mère passe son temps à le cirer, comme si elle voulait qu'on en tombe, à l'instar de la pauvre Tante Émilie. Elle fait de la cave son « palais ».
Étrange personnage. On a peine à se convaincre que c'est une femme, puisqu'elle est âgée de vingt-cinq ans. Mais elle se comporte comme une petite fille : elle se cache (pas toujours bien, puisque ses pieds dépassent), grimpe dans le cèdre, se balance, paraît avoir des amis imaginaires, fouille dans les chambres en l'absence de leurs occupants, et, pour ne pas être prise, se glisse sous les lits. Ce ne sont pas des attitudes d'adulte. Elle semble éternellement affamée. Mère la prive. Mais en cachette, elle avale des tartines. « Je suis prête à dévorer n'importe quoi. Il me faut quelque chose de riche, de très riche, de gras, de très gras. » Boulimique ?
Elle craint plus que tout celle qu'elle ne nomme que « Mère », qu'elle dépeint comme une ogresse, qui enfle et semble occuper tout l'espace, joue du piano de façon assourdissante, crie d'une voix de stentor, « enfonce d'un coup sec la grande fourchette dans l'épaisse langue [le plat de langue de boeuf dont elle se délecte] et, en un coup de poignet, la plaque dans son assiette », image qui traduit la façon dont elle domine ceux qui l'entourent et les empêche de parler. Tandis qu'Avril, le frère séminariste, « prononce à mi-voix le benedicite » et que « Père vient de plonger la tête la première dans son assiette », « Mère soulève par les cheveux la tête de père (…) cynique, elle rajoute : "Avez-vous perdu votre langue ?" » La parfaite castratrice, donc.
Elle invite, tous les mardis, Monsieur l'abbé qui « ne vient que pour se goinfrer de brioches et de chocolat chaud ». « Marcelline boit jusqu'à l'ivresse » et ne peut donc tenir une conversation cohérente. Lorsque Mère sirote du thé dans de fragiles tasses, « elle constate avec terreur que son doigt reste coincé et elle ne parvient pas à le dégager de la petite anse de faïence », ce qui donne lieu à une scène burlesque.
Florence Herrlemann a réussi un tour de force : nous faire pénétrer dans un monde étrange, en même temps fascinant et terrifiant, dont on ne parvient pas à savoir s'il est réel ou pas. Isabelle parle de « l'autre monde ». Pour nous, lecteurs, c'est celui dans lequel elle vit qui est un autre monde. L'atmosphère en est à la fois oppressante, dérangeante et onirique. Des tas de choses s'y passent, qui n'existent que dans les rêves : des gens meurent et ressuscitent, des personnages nous sont présentés, mais ne s'y meuvent que telles des ombres troubles. le père, par exemple. Il semble dominé, écrasé par Mère. Il offre de jolies bottines à Isabelle, qui les admire, mais ne peut les mettre. Trop étroites, elles lui blessent les pieds. Isabelle paraît prisonnière de cet univers, alors qu'on la voit errer dans la demeure, dans le parc, sur la route. Mais elle semble ne pas vouloir s'éloigner de cette prison. Elle est la proie de cauchemars récurrents, dont la figure dominante se nomme Ricardo. Nous ne savons pas si ce qu'elle raconte est du domaine du rêve ou de la réalité.
Il faut se le répéter pour s'en convaincre : il s'agit ici d'un premier roman. J'en ai rarement lu d'aussi étrange, écrit dans un style aussi particulier et aussi abouti. J'en ai ma propre interprétation, mais ne peux la donner pour ne pas révéler les secrets que vous réserve la lecture. Ce qui est certain, c'est que l'auteur fait déjà preuve de toutes les qualités d'un grand écrivain.
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Isabelle, jeune fille de 25 ans, vit dans une grand maison bourgeoise. Toutes les portes sont fermées à clé et seul le cri de la mère se fait retentir. Elle se confie à son seul ami appelé Léo, il ne lui répond pas mais Isabelle ne cesse de lui parler. Elle lui confie sa peur, ses doutes mais ressent inlassablement une douleur; ne pas être aimée par cette mère cruelle, monstrueuse et gargantuesque.
Est-ce un rêve ou la réalité?
Pourquoi ne sort-elle pas de ce lieu maudit, infâme?

" le festin du lézard" est un roman étrange et déstabilisant. Isabelle raconte ses sensations; elle suffoque, s'étouffe dans ce lieu horrifique.

Florence Herrlemann a su dégager et créer une ambiance troublante parfois même dérangeante. Les mots sont percutants et violents à l'égard de cette mère dominatrice et manipulatrice. Pourquoi Isabelle ne peut- elle pas partir de cette propriété?


L'auteure développe également la notion d'enfermement corporel; Isabelle n'a qu'une seule envie sortir de ce lieu car elle étouffe et voudrait respirer une bonne fois pour toute.

" Un jour ou l'autre, vous et moi, Léo, nous quitterons cet enfer. Un jour, un jour où je serai forte, je vous éloignerai de cet endroit maudit. Un jour, je vous le jure, nous partirons."

A la lecture de ce roman, j'ai perdu à plusieurs reprises l'équilibre, un sentiment de vide se fait sentir au fil des pages. Les émotions d' Isabelle sont très intenses.

Quant à l'univers, il est oppressant voire redoutable.

A vous de voir, chers lecteurs, ce que signifie réellement le titre " le festin du lézard".

Je remercie Denis Arnoud du blog " les lectures du hibou" pour son concours et merci aussi pour la découverte du roman qui j'espère récoltera l'éloge d'autres lecteurs et lectrices.
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Au départ trois personnages, la narratrice Isabelle, Mère et Léo. En entrant dans ce livre j'ai eu l'impression d'assister à une corrida et d'être dans l'arène.
Je m'en explique. Comme pour une corrida nous assistons au paseo, le défilé des protagonistes.
Isabelle c'est le taureau, Mère est le matador et les autres personnages réels ou fictifs sont les picadors. Si dans l'arène l'art consiste à affaiblir le taureau par des piques et banderilles, ensuite après des passes avec une muleta, le matador doit porter l'estocade et mettre à mort le taureau.

Oui mais il arrive que le taureau ne se laisse pas faire.
Isabelle de Morry 25 ans vit encore chez ses parents, une belle demeure où elle est le plus souvent seule avec Mère, père affairé, frère séminariste, son prétendant choisi par Mère, n'est pas vraiment séduisant. Une grande batisse, un grand portail, des barreaux aux fenêtres et un grand parc, c'est ça l'arène où tout se joue.

La bouche d'Isabelle est comme les naseaux du taureau, brûlante, fumante, écumante, saignante.
Et dans ce déferlement de morve se dresse le portrait de Mère, omniprésente, puissante, avilissante et qui plante ses banderilles.
Isabelle en un long monologue nous montre toutes les cicatrices laissées par les banderilles et c'est une Isabelle mise à nu dans une course folle qui envahit le lecteur, le retourne, le maltraite, l'interroge et le prend à témoin de sa souffrance.
La muleta rouge sang devant ses yeux, la fascine, l'hypnotise et lui ordonne de foncer, démolir, détruire et retourner cette fatale emprise.
Face à ce chiffon rouge la peur hausse le ton, gronde, hurle, vocifère sans répit. Elle perd le souffle, ses muscles bandés l'affaiblissent, elle a peur, mais elle est ivre de rage, elle veut sa liberté.
Le monde d'Isabelle va vous happer pour ne plus vous lacher.

"Mère joue Bach comme elle respire, gonflée de colère. de cette colère qui fait trembler les murs et empêche les coeurs de battre, les poumons de se remplir d'air."
C'est sous cette emprise que se retrouve coincé le lecteur, arrêtant de respirer, son coeur tapant dans ses oreilles, le ventre noué, suspendu à cette histoire, qu'il a commencé et qu'il lira jusqu'au bout sans s'arrêter et qui le poursuivra bien au-delà du dernier point, ne faites pas confiance au mot FIN car vous n'en aurez pas fini avec cette histoire.

La construction du livre est juste une mécanique de précision qui donne la densité à un vocabulaire riche et travaillé comme le fer chauffé à blanc par le forgeron afin de lui donner la forme voulue.
Un premier roman d'une rare maîtrise qui ferait une formidable pièce de théâtre.
L'histoire ne pouvait trouver meilleure résonnance que dans une photo de Kamil Vojnar, qui illustre à la perfection l'incompréhensible entre la beauté et la douleur mêlé au monde onirique.

@Chantal Lafon de Litteratum Amor 4 septembre 2016
Lien : http://chantal-lafon-12.skyr..
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Je hais le rêve, il n'est que mensonge et imposture. C'est un simulateur, un traître, un lâche, courant comme un toutou derrière la Réalité, sa vieille copine, toujours prêt à lui lécher les pieds. Celle-là, je la hais avec son air arrogant, cette façon brutale qu'elle a de nous ouvrir les yeux avect tant de hargne, en nous regardant de haut. Odieuse et misérable Réalité ! Tu reviens toujours, inexorablement, comme une vaque qui avale tout sur son passage. Je te hais parce que tu me prives, me voles, me dépouilles de tout ce que j'ai de plus précieux. Le Rêve est ton hameçon, et tu nous tiens au bout de ta ligne, la gueule ensanglantée. Je te méprise de toutes mes forces, parce que tu m'ôtes tout espoir. Parce que je n'ai pas le pouvoir de chasser la pluie, parce que je n'ai pas le pouvoir de changer un lundi d'automne en un dimanche de printemps, parce que ma balancelle pourrit quelque part dans la vieille grange, parce que Mère n'a jamais aimé les balancelles, parce que Mère a brûlé les nappes et les serviettes assorties qu'avait brodées tante Émilie, parce que Mère n'est pas de celles qui se réjouissent des préparatifs d'un repas de famille. Parce que quand Mère ouvre les bras, ce n'est pas pour les resserrer autour de moi.
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Dormir ? Je ne peux plus. Je n'ai plus droit au repos. Je n'ai plus le choix de mes rêves. Ricardo. Je sais qu'il se trouve là, tout près, juste de l'autre côté de mes paupières. Je n'ai pas la force.
Je veux voir le jour. Il faut attendre que la nuit passe, elle finit toujours par passer, elle se fait oublier, un temps, le temps du jour.
Puis, sournoise, elle s'abat sur vous, vous recouvre complètement jusqu'à l'étouffement, jusqu'à plus d'air, elle vous enfouit la tête dans ses tréfonds de chairs noires.
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Je suis l’obscurité, je suis la lumière.
Le jour qui se lève, la nuit qui t’enlève, je suis tout autour.
Le vent dans les arbres, la veine dans le marbre, je suis tout, partout.
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Je la hais de m'avoir mise au monde et de m'en faire le reproche. Encore et encore. Je la révulse parce que j'existe. Elle ne supporte pas ma présence, elle l'endure. Elle nous fait, cette haine, des jours visqueux, poisseux, gluants. Le poison coule dans nos veines, nous sommes immunisées. Nous n'avons plus aucune limite, nous excellons en la matière, nous en avons oublié nos coeurs et nos âmes. C'est la guerre, Léo. À chaque guerre son vainqueur ? Laquelle de nous deux sera la vaincue ? Je suis la seule qui tienne encore le coup, père et Avril ont courbé l'échine. Simone Lintruse ne va pas tarder à les suivre. Moi je résiste.
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Je priais pour qu'il y ait un bout à cette route, et pour qu'au bout il y ait quelque chose. Je ne demandais pas grand-chose, mais quelque chose. Un signe, un signe du ciel, ne serait-ce qu'une lumière nouvelle, une lumière particulière qui s'atténuerait doucement, comme celle, si délicate, de cette fragile frontière, de cet entre-deux, de l'inexorable crépuscule. Je rêvais que j'avais traversé une partie du jour, je me sentais encore emplie de cet éclat pour me fondre dans sa part la plus sombre. De toute façon je suis toujours dans l'ombre, Léo. Puis l'épuisement venant, sans que j'aie cessé jamais de marcher, le doute, sournoisement, a fait son implacable apparition. Marcher, à quoi bon ? Pour aller où ?
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