« Voilà ce qui explique pourquoi un peuple qui a perdu ses histoires est lui-même perdu. »
Quatrième parution dans la collection « Voix autochtones » des éditions du Seuil, «
La femme grenouille » est un roman abordant des thématiques très intéressantes mais dont la lecture est assez exigeante.
A la mort de sa grand-mère, Ellé une jeune artiste same en pleine ascension, abandonne subitement la peinture et revient à Ohcejohka le village de son enfance. Elle s'isole alors dans une maison sur les bords de la Deatnu pour y retrouver le mode de vie de ses ancêtres.
Pour son ami Samu, installé depuis quelques mois dans la région, c'est l'incompréhension. Pourquoi Ellé a-t-elle décidée d'abandonner une carrière d'artiste prometteuse ? Et pourquoi, lui avoir confié le carnet de notes contenant les rêves qui hantent ses nuits ?
« La retraite d'Ellé dans la toundra ressemble à un baume appliqué sur des plaies, non seulement celles de la fille, mais aussi celles de la mère, si j'en crois le récit de Marja. Ellé serait donc une jeune pousse arrachée violemment à son milieu, qui essaie de reprendre racine tant bien que mal. »
Une des très belles idées du roman est d'avoir choisi comme narrateur du récit un jeune homme qui n'est pas issu du peuple same. Samu a étudié la langue, il est familiarisé avec la culture same et depuis son installation il travaille dans la bibliothèque du village. Mais il n'a pas été bercé depuis son enfance par les traditions, les croyances et les histoires de ce peuple. Difficile dès lors pour lui d'appréhender les tourments de son amie et de lui venir en aide.
Il va alors chercher les réponses dans ses propres connaissances, notamment dans les essais de
Freud et Jung pour comprendre ce que cachent les rêves d'Ellé. Une grande partie du roman est axée sur ces questions psychologiques, philosophiques et spirituelles au travers d'échanges de Samu avec des membres de la communauté. Des confrontations d'idées qui révèlent les fractures de ces peuples autochtones tiraillés en permanence entre des modes de vie souvent incompatibles.
C'est extrêmement fouillé et érudit, mais parfois trop pointu pour quelqu'un comme moi qui n'a pas des bases solides en philosophie et en psychologie. La complexité de certains échanges m'a laissée à l'écart et j'ai eu l'impression de passer à côté d'une partie du sujet.
Niillas Holmberg est un poète, musicien et activiste same. Son premier roman traduit en français et servi par une belle écriture aborde avec intelligence la difficile réappropriation culturelle des peuples autochtones.