« Dieu s'occupe de nous en réalité il pense à nous à chaque instant, et il nous donne des directives parfois très précises. Ces élans d'amour qui affluent dans nos poitrines jusqu'à nous couper le souffle, ces illuminations, ces extases, inexplicables si l'on considère notre nature biologique, notre statut de simples primates, sont des signes extrêmement clairs. Et je comprends, aujourd'hui, le point de vue du christ, son agacement répété devant l'endurcissement des coeurs: ils ont tous les signes, et ils n'en tiennent pas compte. Est-ce qu'il faut vraiment, en supplément, que je donne ma vie pour ces minables? Est-ce qu'il faut vraiment être à ce point explicite? »
Florent Claude Labrouste a quarante six ans, il ne va pas bien et s'enfonce lentement dans un enfer qu'il a, selon ses propres termes, bâti à sa convenance. Cet enfer, c'est juste le quotidien d'un homme que la dépression ronge depuis des années. Il y a bien le Captorix, cet antidépresseur qui libère de la
sérotonine mais qui a le léger inconvénient de rendre impuissant… Alors, comment en finir avec la vie? Avant de faire le grand saut, le narrateur revisite son passé, ses amours, ses trajectoires professionnelles, il les convoque dans un récit où le burlesque côtoie le tragique. D'une ironie mordante, le texte aborde des sujets contemporains bien connus et maîtrisés par
Houellebecq, les dérives de l'agro-alimentaire, les dégâts causés par les réglementations européennes, le désespoir des agriculteurs. Florent Claude a, comme l'auteur, fait des études d'agronomie. Un temps au service de Monsanto, il a choisi d'entrer à la direction régionale de l'agriculture et de la forêt où il s'occupe de l'exportation des fromages français. C'est là qu'il rencontre Camille, l'amour de sa vie. Mais l'amour est-il assez fort pour survivre? L'amour peut-il sauver le monde? A l'ouverture du roman, c'est de la japonaise Yuzu, adepte des gang bangs que le narrateur se sépare. L'occasion pour
Houellebecq d'évoquer le sexe, l'impuissance, avec une drôlerie rare dans le paysage littéraire. Orchestrant sa propre disparition, il laisse Yuzu à ses élucubrations et se retourne sur son passé. Il retrouve ainsi Aymeric, son ami de l'école d'agronomie, l'aristocrate devenu agriculteur bio, sorte de Don Quichotte auquel il consacre des pages émouvantes. Quant aux retrouvailles avec Camille, sont-elles encore possibles? le nihilisme de l'auteur n'empêche pas certaines envolées lyriques sur le pouvoir de l'amour.
Dans ce roman de la désespérance, les mécanismes du malheur sont les plus forts. En route vers l'anéantissement, notre anti héros , » une lopette,une triste et insignifiante lopette, vieillissante de surcroît, » face à la mort du romantisme, a t'il une chance de survivre? Dieu peut-il sauver l'humanité? L'ironie est là jusqu'au bout.
» Ce qui se passe en ce moment avec l'agriculture en France, c'est un énorme plan social, le plus gros plan social à l'oeuvre à l'heure actuelle, mais c'est un plan social secret, invisible, où les gens disparaissent individuellement, dans leur coin, sans jamais donner matière à un sujet dans BFM. »