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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Bienvenue en Houellebecquie !
Dès les premières pages, tu y es, retrouvant comme un vieil ami un nouvel avatar du héros houellebecquien, un mâle blanc fatigué, dépressif, le phallus en berne. Sans surprise. Juste que cette fois, le narrateur a un prénom absurde ( Florent-Claude ), qu'il est ingénieur agronome ( comme Houellebecq ) et que dès les premières pages, tu ne pressens pas, tu sais que c'est un homme en plein délitement, un homme en chute dont la fin est imminente, ce qui donne tout son sel à la causticité du titre : la sérotonine cette « hormone du bonheur », délivrée par le Captorix, l'antidépresseur dont ne peut se passer le Florent-Claude mais dont les effets sur la libido sont dévastateurs.

On n'a jamais assez dit à quel point la prose de Houellebecq est drôle, et là, c'est clairement son roman le plus drôle. Le livre est parsemé de saillies drolatiques, violentes, provocatrices ( on connait le goût de Houellebecq pour le politiquement incorrect et même si parfois c'est gratuit, cette mauvaise foi hérissante fait du bien même si on n'en partage point les vues ), emplies d'ironie noire, qui font presque systématiquement mouche grâce un style d'une maitrise très efficace : beaucoup de phrases ou de paragraphes changent de registre de langue ou d'échelle en cours de lecture, commençant par exemple dans un lyrisme très travaillé pour s'achever dans du trivial, du grossier, du très humain terre-à-terre.

Tu avances donc comme dans un thriller très addictif ( tu veux savoir comment Florent-Claude ne s'en sort pas ) , brillant de drôlerie mais Houellebecq ne fait pas que dans la radiographie cynique d'un homme qui chute en mode « moi, ma bite, ma dépression, mon Captorix ».

Sans parler d'oracle ou de prophétie comme on l'entend souvent à propos de Houellebecq, la saisie du contemporain est d'une rare acuité. Incroyables cinquante dernières pages qui mettent en scène la révolte des abandonnés, non pas les gilets jaunes, mais leurs frères jumeaux, les agriculteurs, qui affrontent violemment les CRS. Le livre est complètement au diapason du malaise qui saisit la France ( mais écrit bien avant l'explosion Gilets jaunes ), de la désespérance paysanne, un livre politique donc qui tire à boulets rouges sur l'ultra-libéralisme et la complicité de l'Union européenne qui l'accompagne, avec une empathie totale à l'égard des agriculteurs ( magnifique personnage du meilleur ami du narrateur, Aymeric ).

Mais ce qui est le plus nouveau, c'est le romantisme désespéré qui court durant tout le roman. Vrai que le premier personnage féminin évoqué ( Yuzu la dernière compagne japonaise ) est gratiné, grotesque ( très drôle, forcément très drôle ), que le deuxième ( Claire, l'intermittente du spectacle ) est triste à pleurer, mais celui de Camille, le grand amour perdu, est d'une épure superbe, loin de la misogynie souvent affichée par l'auteur. Camille revient dans le récit comme une obsession à laquelle se raccrocher pour peut-être pouvoir vivre ; elle traverse les chapitres comme le souvenir du paradis perdu, un souvenir qui fait du bien mais qui fait tout aussi mal lorsqu'on ne peut le vivre à nouveau.

" J'ai connu le bonheur, je sais ce que c'est, je peux en parler avec compétence, et je connais aussi sa fin, ce qui s'ensuit habituellement. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé comme disait l'autre, ( ... ) la vérité est qu'un seul être vous manque et tout est mort, le monde est mort et l'on est soi-même mort, ou bien transformé en figurine de céramique, et les autres aussi sont des figurines de céramique, isolant parfait des points de vue thermique et électrique, alors plus rien absolument ne peut vous atteindre hormis les souffrances internes, issues du délitement de votre corps indépendant."

J'ai refermé ce livre bouleversée par ce romantisme noir que je n'avais jamais rencontré dans les romans de Michel Houellebecq, uniquement dans ses sublimes poésies. Un grand roman sombre et poignant.

« Lorsqu'il faudra quitter ce monde
Fais que ce soit en ta présence
Fais qu'en mes ultimes secondes
Je te regarde avec confiance
Tendre animal aux seins troublants
Que je tiens au creux de mes paumes ;
Je ferme les yeux : ton corps blanc
Est la limite du royaume. »
Michel Houellebecq, Configuration du dernier rivage, « HMT III ».
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Les effets secondaires du bonheur

Dans une France qui détruit ses campagnes et délaisse ses classes moyennes, le portrait sans concession d'un homme au bord de l'explosion sentimentale et sociale

Florent-Claude Labrouste est « une inconsistante lopette de 46 ans ». C'est ainsi que le héros du nouveau roman de Michel Houellebecq se considère. Un « quadragénaire fourbu », un « loser », un « raté » : les qualificatifs ne manquent pas pour désigner ce cadre moyen déprimé, figure tutélaire des romans de l'auteur.

Repoussant tout acte ou décision conflictuel, incapable de prendre sa vie en main, Florent, comme certains l'appellent, ne trouve refuge que dans l'ingestion d'houmous, et la prise d'un médicament : le Captorix.

« C'est un comprimé blanc, ovale, sécable ». Antidépresseur fictif, ce remède a pour effet de la libérer de la sérotonine – l'hormone du bonheur – dans le corps, plus rapidement et plus efficacement que n'importe quel autre traitement équivalent. Mais celui-ci comporte des effets secondaires dont le principal est d'entraîner la perte de la libido et l'impuissance sexuelle. Seule solution pour lui d'arriver à « maintenir le désespoir à un niveau acceptable » et de tenter d'endurer « l'insupportable vacuité des jours ».

Éviter de se tuer, car ce n'est pas la mort qui l'attire, mais il ne peut plus continuer ainsi. Entre une compagne qu'il méprise, du fait de sa cupidité et qui le trompe éhontément sans des gangs-bangs humains (mais aussi canins), et un poste d'ingénieur agronome au ministère de l'Agriculture dont la vacuité n'a d'égale que la rémunération, son premier réflexe, avant de prendre le médicament, est de disparaître. Il ne veut pas mourir. Il préfère partir.

S'échapper de sa propre condition d'homme blessé, fuir son impuissance morale à affronter la vie en société. Quitter une société impuissante à l'intégrer, mais aussi elle-même incapable de moralité.

La sérotonine est une hormone liée à l'estime de soi, à sa reconnaissance au sein du groupe. Un groupe qui ne reconnaît pas Florent-Claude Labrouste, dans une société qu'il ne reconnaît plus lui-même.

Ainsi, son seul ami Aymeric, éleveur de vaches normandes et laitières, personnage fascinant d'aristocrate-paysan ayant fait le choix d'une agriculture durable et raisonnée, connaît une situation économique affligeante. La paysannerie est finie. le constat est sans appel. L'industrialisation et le productivisme du néo-libéralisme envahit tous les secteurs, au mépris des règles de bon sens ou de santé collectives. Les accords de libre-échange tuent les producteurs locaux, au sens propre comme au figuré. C'était une idée qu'il peinait à concevoir dans son ancien bureau du ministère, qui deviendra évidente dans la réalité. Un constat amer sur notre société.
Toute cette partie sociale est remarquable, car l'auteur adopte ici un autre rythme. Son style bien connu fait de réflexions cyniques et sarcastiques, et parfois de diatribes provocatrices, se fait ici plus épuré et littéraire. Son constat est froid, rude et désincarné, mettant souvent le lecteur à distance comme pour l'en extraire. Il compose alors une sorte de poésie tragique dans « une société globalement inhumaine et merdique ».

Mais ces observations acerbes sur la moralité de la société n'arrangent pas le moral de notre héros déprimé. L'impuissance de la société ne peut faire qu'échos à la sienne, en tant qu'être humain, mais aussi en tant qu'homme sexué.

La décadence du mâle blanc occidental de classe moyenne supérieure, personnage de prédilection de l'univers houellebecquien est donc ici représenté par Florent-Claude Labrouste. Mais si sa déchéance, sa « déréliction », comme l'auteur le précise, c'est-à-dire, son abandon, son désespoir paraît ici sans fond, à quoi pourrait donc servir le Captorix, ce médicament qui diffuse la sérotonine de façon révolutionnaire.

« C'est un comprimé blanc, ovale, sécable », comme nous le décrit l'auteur dès la première phrase de son roman. Une phrase scandée qui reste gravée jusqu'aux derniers mots. Mais si cet antidépresseur est « une drogue simple et dure, qui n'apporte aucune joie, qui se définit entièrement par le manque, et par la cessation du manque », il crée un autre manque. L'absence de désir qu'il entraîne n'arrange pas le désir de vivre de notre héros. Florent voudrait maintenant « bander comme un mammifère » et retrouver son « phallus triomphant ». Jusqu'à en devenir une obsession. Et même si, pour lui, « tous les hommes souhaitent des filles fraîches, écologiques et triolistes », quand il n'y a plus d'espoir et qu‘il s'agit de faire le bilan, les regrets prennent des atours de chagrin d'amour sincère et profond.

Car à quoi peut donc bien servir la sérotonine ? C'est quoi le bonheur, finalement ? Si Florent attend qu'une femme vienne « sauver sa bite, son être et son âme », « les promesses du bonheur » prennent les traits d'un seul visage : Camille, son seul et grand amour, catalyse au fond toutes ses pensées, et le souvenir de ses parents morts ensemble dans l'amour ne cesse de le hanter.
Cynique, vulgaire et drôle tellement il est excessif, Sérotonine explore les limites d'un monde fini d'individus désespérés dans une société qui écrase. Ce roman des « espérances déçues » est aussi un grand roman d'amour.

Lu en janvier 2019.

Ma chronique complète Les conseils des libraires/Fnac.com :
Lien : https://www.fnac.com/Seroton..
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A la veille de la rentrée de janvier, quoi de mieux qu'un petit Houellebecq pour se remplir de joie et de bonne humeur ? Pliée en deux de rire et remontée à bloc, j'achève ce livre avec un immense sentiment d'allégresse et de foi envers l'humanité...Et mes deux chattes (et oui, Michel, j'en ai deux, si c'est pas fantastique !!), sont ravies des hommages constants qui leur sont faits dans le livre et dressent fièrement leurs queues bouffantes (car elles ont les poils longs, ce sont deux main coons ) pour vous adresser une haie d'honneur ( mes chattes ont des queues, Michel, si c'est pas extraordinaire !!)...Bref.
Je voulais laisser reposer un peu car, sous la limpidité apparente de l'eau, la noirceur du propos est toujours complexe, mais bon. le roman présente des similitudes évidentes avec les autres : anti-héros désabusé dans la quarantaine, mâle blanc désespéré et impuissant par quel bout qu'on le prenne, Florent-Claude marche, non vers la mort, mais, l'anéantissement, physique et psychique, qui suit systématiquement la jeunesse dans tous les romans de Houellebecq. Premier accusé, l'Occident et son idéologie libéral et libertaire, poussant à la consommation des objets et des êtres, destructeur de toute valeur morale et de toute spiritualité. On retrouve le Houellebecq moraliste presque rigide de la Possibilité d'une île, La Carte et le Territoire, Les Particules Elémentaires. La possibilité du don et de l'amour, venant de certaines femmes comme toujours (vision un peu idéaliste, mon petit Michel), est piétinée par l'aveuglement et la faiblesse des hommes.
La particularité du roman est d'être une sorte de road movie funèbre entre Paris et la Normandie, où tout semble déjà joué. On est un chouia après la fin des romans précédents, dans le basculement définitif, et notre héros chemine comme un fantôme revenant hanter les lieux et le temps où les choses semblaient encore possibles ( et même si elle ne l'étaient pas, on ne le savait pas). Comme dans "Le temps retrouvé", le narrateur s'octroie un dernier tour de piste et retrouve les visages fatigués de ceux qui ont compté pour lui. Emergent de son passé, en live ou en pensée, Kate, Claire, Camille et Aymeric d'Harcourt, son très noble ami à l'Agro. L'épisode avec Aymeric donne naissance à une charge sociale et politique violente, comme on en trouve assez ordinairement chez l'auteur, ici de l'Europe et de la mondialisation, vécues par les éleveurs normands.
L'ensemble est d'une mélancolie douloureuse, parfois insupportable tant elle sonne juste. Lire Houellebecq est une épreuve de force. Pour nous empêcher de sombrer, il ponctue heureusement les pensées du narrateur d'humour, politesse du désespoir. La prose est d'une beauté lumineuse (si je fais abstraction, en ce qui me concerne, de ces scènes de sexe que notre auteur disperse çà et là, et dont je ne parviens toujours pas, au bout de vingt ans, à comprendre l'intérêt...)
Je ne conclurai pas en disant que c'est un bon livre, car c'est évident, et c'est sans doute plus que ça. Un arrêt sur image d'une civilisation en crise, une pierre en plus dans le mausolée de granit gris que Houellebecq construit peu à peu pour notre époque, l'Occident post-apocalyptique des désastres mondiaux du XXème siècle, où nous avons perdu notre âme.
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Florent-Claude Labrouste est un fumeur invétéré en dépression.
Son traitement, le Claptorix est un antidépresseur qui aide à la production de Sérotonine, l'hormone du bonheur, mais qui inhibe la synthèse de la testostérone, ce qui de fait, le rend progressivement impuissant.

Notre cadre du Ministère de l'agriculture est dépassé par le cynisme et les déviances de sa compagne japonaise. Il décide alors de tout plaquer et se planque, pour se retrouver et faire seul, un retour vers ses amours et ses amis d'autrefois, dont il découvrira que les vies ne sont franchement pas plus brillantes que la sienne.

De relations passées et d'histoires gâchées, en passant par ses retrouvailles avec un ancien camarade d'études, lui-même au coeur d'une révolte paysanne en proie au rouleau compresseur de l'Union Européenne, il devra faire face à ses choix de vie, à ses histoires d'amour ratées, à tout ce temps perdu.

Au fil de cette décadence intellectuelle, physique et romantique il voudra retrouver son seul véritable amour, le plus inaccessible aussi. Mais le temps ne se rattrape jamais.

"Je laissai directement pénétrer dans ma conscience cette évidence pénible, atroce et létale que j'aimais encore Camille".

A mon avis :
Il n'y a pas d'analyse politique dans ce nouveau Houellebecq comme j'ai pu le lire parfois, mais bien une capacité de son auteur à être dans l'air du temps et à percevoir l'humeur populaire. Dans le cas présent, la révolte paysanne qui couve, évoquée en second plan et pendant quelques chapitres, fait écho aux mouvements sociaux actuels en France, bien que les problèmes des paysans français ne datent pas d'hier.

Dans ce cadre et comme toujours, ce roman est à la fois cynique, cruel, féroce, odieux et terriblement drôle. Mais il est aussi romantique.

Et s'il n'y a pas d'analyse politique, il y a néanmoins une vision juste des relations humaines, comme souvent avec cet auteur, qu'elles soient amoureuses ou amicales.

"Les femmes comprennent mal ce qu'est l'amour chez les hommes, elles sont constamment déconcertées par leur attitude et leurs comportements, et en arrivent quelquefois à cette conclusion erronée que les hommes sont incapables d'aimer, elles perçoivent rarement que ce même mot d'amour recouvre, chez l'homme et chez la femme, deux réalités radicalement différentes".

Et on retrouve bien entendu le personnage central des romans de Houellebecq, forcément au bout du rouleau, forcément dépressif, forcément misogyne mais qui, lucide, ne craint pas de dire des vérités crues, au second degré, mais aussi parfois au premier, ce qui a tendance à nous faire oublier qu'il s'agit d'un roman, pas d'un essai.

Un très bon roman donc, que les amateurs du genre doivent se dépêcher de lire, et que les autres découvriront sans oublier qu'un Houellebecq s'apprécie en prenant du recul et du détachement... et alors, il devient aussi particulièrement drôle.

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Je retrouve le Houellebecq que j'aime, celui des premiers romans, celui de l'ironie mordante, du cynisme assumé et de la dépression (presque) jubilatoire. le seul écrivain qui ose, le seul qui n'est pas dans le sens de la marche mais, au contraire, est encore capable de porter un regard lucide et salutaire sur notre époque décadente. Car il s'agit bien de décadence ici; des moeurs et par extension de la relation à l'autre.
C'est un livre qui parle de l'impossibilité d'être lié à autrui, de l'amour impossible entre les êtres, de la seule amitié qui traverse les décennies, celle qui lie le narrateur à un copain de promo, un aristocrate déchu.
Dire que ce roman a anticipé la crise des Gilets Jaunes est faux, on est dans une peinture sociologique, comme toujours avec Houellebecq mais les Gilets Jaunes... Ce n'est pas parce que 2% du roman est consacré à la déconfiture de l'agriculture française et à un soulèvement paysan que le narrateur laisse dans son rétroviseur qu'il faut en tirer de si hâtives et erronées conclusions.
Le narrateur pose un regard sans concession sur sa façon d'être au monde, son incapacité à faire semblant, en cela beaucoup d'entre nous s'y retrouveront, hommes et femmes. Comme toujours, l'auteur s'autorise (et il a raison) quelques formules parfaitement machistes par le biais de son narrateur.
Pour autant, il parle aussi d'amour. Ce roman est la fine analyse de ce qui fait que l'amour s'en va, hante, nourrit nos regrets et nos espoirs, nous gonfle d' une énergie salvatrice puis, lorsque l'hyper conscience de soi et des autres s'en mêle, plus rien n'est possible.
En cela, il s'agit d'un portrait universel de l'Homme d'aujourd'hui.
Peintre minutieux d'une époque, critique acerbe aux saillies jubilatoires, le narrateur m'a emportée avec lui, m'a secouée de rires car seul l'humour permet de survivre au deuil.
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Pas de frein dans la descente, Florent Claude Labrouste descend à tombeau ouvert.

Celui que l'on appelle plus communément Florent dans le roman a cependant trouvé une potion presque magique qui l'empêche de sombrer définitivement dans la dépression: le Captorix. Un médicament efficace qui possède cependant des effets secondaires notoires que le récit ne manque pas de souligner.

Houellebecq est un décomposeur et son Florent est un peu la fleur qui pousse sur un immense tas de fumier. Florent a peut-être eu le chrysanthème comme totem chez les scouts.

En effet tout ce dont il parle se délite inévitablement: les relations avec les femmes, l'agriculture, la SNCF, Christine Angot, les fromages au lait cru, Laurent Baffie, les CSP + et ++ et leurs familles recomposées, Yves Simon, la religion chrétienne,etc. Les bons mots sur ses contemporains sont nombreux et souvent hilarants.
C'est un récit rythmé par les coups. Les coups de reins, les coups de feu et les coups de pub.

Pourtant passées les habituelles provocations, la question essentielle du roman tourne certainement autour du désir: peut-on vivre sans?

Le développement m'a semblé parfaitement maitrisé sauf peut-être la fin que je n'ai pas comprise ou pas voulu comprendre.
Houellebecq est sans doute un dépressif mais un joueur quand même et Serotonine m'a semblé finir sur un coup de bluff.
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J'ai lu ce roman ce week-end, j'ai attendu quelques jours histoire de décanter un peu mes impressions:c'est décanté, et ce roman m'a plu comme tous les autres romans de ce dépressif de Michel. H 
J'y ai retrouvé des accents d'Extension du domaine de la lutte, de Plateforme et de la carte et le territoire. Ce roman a été écrit en 2016-17 .
On retrouve le cadre moyen désespéré, les amours perdus et surtout avec beaucoup d'humour le naufrage de notre société.
Son personnage principal ainsi qu'un de ses rares amis ont fait des études d'Agro, ce qui est le cas de l'auteur, mais études lointaines car beaucoup d'approximations sur les étapes qui ont mené au désastre actuel de l'agriculture, d'où ces paysans révoltés et on les comprend.
Révolte certes mais les Gilets jaunes sont loin encore.
Misogyne, homophobe ? Houellebecq se complait dans la dérision , grossit les traits à souhaits.
Quant aux amours du narrateur , beaucoup de souvenirs sexuels,souvent pornographiques, faut dire que l'âge, l'alcool, la clope et d'autres substances n'aident pas vraiment à des matins glorieux.
Si bien qu'il ne fait que boire et avaler des antidépresseurs pour donner un coup de fouet à la sérotonine qui manque à l'appel d'une vie confortable à traverser.
Cette détresse, cette difficulté à être heureux traversent tous les romans de Houellebecq, mais maintenant qu'il a épousé une charmante chinoise, et a reçu la Légion d'Honneur des mains du Président himself, maintenant qu'il pense être » peut-être « heureux, que donnera le prochain roman ? J'ai hâte.
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J'aime bien Houellebecq. Bon, il est vrai que j'ai un peu/beaucoup de mal à supporter son obsession pour les chattes et les bites dont il est très souvent question ici - je serais même tentée de lui conseiller quelques méthodes douces et sans contre-indication telles que bains froids, sport, spiritualité, tantrisme, groupe d'entraide… (« Bonjour, moi c'est Michel… ») qui pourraient soulager son corps, voire son esprit... J'en dirais autant de la légère homophobie/misogynie qui traverse l'oeuvre, que ce soit d'ailleurs du fait de l'auteur ou de celui de son personnage, dans les deux cas, ça me hérisse. Comme il le dit p 172 au sujet de Camille à qui il n'a pas demandé d'être une femme au foyer : « je n'avais pas été formaté pour une telle proposition, ça ne faisait pas partie de mon logiciel, j'étais un moderne... », eh bien moi aussi, je suis une moderne et des termes comme « pédale » ou « salope » me sont insupportables… C'est dit.
Et pourtant, j'aime bien Houellebecq. le grand névrosé mal dans une époque à bout de souffle m'amuse (oui, j'ai beaucoup ri en lisant ce texte) et, en même temps, m'émeut profondément. En effet, le ton est très mélancolique et j'avoue que j'ai été touchée par la tristesse infinie (et la beauté absolue, oui, vraiment ABSOLUE) qui se dégage de certaines pages évoquant l'amour, la solitude et le désespoir.
J'aime retrouver ce regard lucide et caustique sur un monde qui se cherche sans trop savoir quelle voie prendre et des personnages qui se sentent comme étrangers à la société dans laquelle ils vivent. Je goûte aussi avec plaisir son refus du politiquement correct, sa façon bien à lui de démonter clichés et lieux communs et de montrer l'absurdité d'une société qui rend les hommes malheureux. Comme le disait je ne sais quel critique, Houellebecq « rend compte du monde » : il est effectivement extrêmement doué pour saisir son époque et nous en faire un tableau assez juste.
Sachez aussi que cet opus houellebecquien me parle d'autant plus qu'il se passe… chez MOI, dans ma Basse-Normandie du bout du monde où les hasards des mutations m'ont conduite il y a fort longtemps. Il y a même deux scènes qui se déroulent précisément là où j'ai posé mes valises : la charmante cité thermale de Bagnoles de l'Orne, surnommée « trou du cul du monde » par un artiste de passage il y a quelques années. C'est vous dire que l'on parle peu de nous, nous qui ne sommes même pas à la périphérie de quoi que ce soit ! Il va de soi que l'on se sent d'autant plus touché par ce qui est raconté qu'on connaît par coeur les lieux décrits.
En tout cas, les problèmes économiques des agriculteurs dont il parle à travers des scènes extrêmement touchantes où il évoque son unique ami Aymeric, eh bien, ici, ces problèmes, on en est conscient. On les vit presque au quotidien. Ils font la une des journaux, les gens en discutent sur le marché. Et ils sont incontestablement terribles.
Notre Houellebecq national s'appelle ici Florent-Claude Labrouste. Notre Houellebecq ? Oui, il m'a semblé que ce roman, outre le portrait d'un homme profondément dépressif avait, dans les faits, une dimension quelque peu autobiographique (dans les deux cas, études d'Agro, emploi au ministère de l'Agriculture, installation en Andalousie dans la province d'Alméria, relation amoureuse avec une Asiatique...) le personnage quitte dès le début du roman son amie japonaise Yusu… J'espère que ce n'est pas prémonitoire et que la nouvelle épouse de l'auteur a le sens de l'humour !
Il faut savoir aussi que l'auteur, Michel Thomas de son vrai nom, a été élevé par sa grand-mère paternelle, dont il a repris le nom de jeune fille : Houellebecq, et cette femme était originaire de la Manche. Il y a donc ici incontestablement une forme de retour aux sources qui se sent dans l'attachement qu'il exprime pour les lieux qu'il traverse (Manche, Orne, Calvados).
Donc notre Florent-Claude Labrouste n'aime ni son nom (on le comprend!) ni sa vie qu'il juge ratée. Et ce qu'il va nous raconter est l'histoire d'un effondrement (on pense à Thomas Bernhard).
Installé en Andalousie, il attend son amie asiatique du moment qui semble l'énerver au plus haut point et qu'il souhaite quitter au plus vite (en imaginant, un moment, la jeter par la fenêtre).
C'est ce qu'il va s'empresser de faire (la quitter, pas la jeter par la fenêtre) en rentrant à Paris et en... disparaissant, en s'évaporant ! Après avoir démissionné du ministère de l'Agriculture où il travaille, il va se planquer dans un hôtel parisien où il peut fumer sans avoir besoin de démonter le système d'alarme, puis il va tenter de revoir ses anciennes amies, ce qui lui donne l'occasion de raconter ce qu'il a vécu avec elles par le passé (Claire, Kate, Marie-Hélène - dont il oublie le nom au cours du récit - et Camille). Il essaie aussi de dénicher un médecin pas trop moralisateur qui lui prescrirait six mois de Captorix, un antidépresseur, sans lui faire la morale - ce qu'il trouvera en la personne du docteur Azote (quel personnage!) qui lui fournira en plus quelques idées pour qu'il évite de se suicider car les fêtes de fin d'année approchent et les suicides sont, paraît-il, assez fréquents à cette période…
Il quitte donc Paris, tente de retrouver Camille dont les parents habitent à Bagnoles de l'Orne et reprend contact avec son seul et unique ami qui est agriculteur dans la Manche et qui crève à petit feu, le prix du lait se réduisant chaque jour plus vite qu'une peau de chagrin. (La situation n'est pas meilleure pour les producteurs d'abricots du Roussillon incapables de se défendre contre « le déferlement des abricots argentins » : je précise en passant qu'il y a, chez Houellebecq, du Emmanuel Carrère dans sa capacité à nous rendre passionnants des sujets qui a priori n'auraient pas forcément retenu toute notre attention. Ce sont tous deux d'excellents conteurs!) Son ami va mal, très mal. Victime de la politique libérale de l'Union Européenne et quitté par une femme refusant de s'enterrer dans un trou paumé, il est devenu alcoolique au dernier degré. Il tentera, dans un dernier sursaut, de sauver sa peau et celle de ses collègues…
Le constat est sans appel : l'idéalisme est mort, le capitalisme libéral a créé de faux besoins et ne rend pas les gens heureux. La mondialisation a tué le monde paysan. Tenter d'agir individuellement est quasi impossible : nous ne sommes rien, tout se décide au-dessus et ailleurs : « je compris que le monde ne faisait pas partie des choses que je pouvais changer. » C'est la cata et on ne peut pas y faire grand-chose…
D'ailleurs, il semble que le personnage houellebecquien ne soit pas acteur de sa destinée. Non, il subit plutôt qu'il n'agit, il est victime des circonstances, tout le dépasse dans cette société de plus en plus complexe qu'il maîtrise chaque jour de plus en plus mal.
Face à cela, il faut tenter le tout pour le tout, sauver sa peau, de façon peut-être pas très morale mais, en tout cas, très pragmatique. Terminé l'idéalisme qui ne mène à rien...
De plus, ce monde hygiéniste s'attaque aux libertés individuelles et la société de l'image réduit et falsifie le réel.
Enfin, pour le personnage houellebecquien, la communication est de plus en plus difficile : parler au bon moment, utiliser des mots qui correspondent précisément à ce que l'on pense s'avère compliqué, comme on dit. Donc, l'homme est seul, fondamentalement seul.
Ce monde, il lui faut se le « coltiner », comme il doit se « coltiner » les valises de Yusu dans les hôtels où ils débarquent. le bonheur est tout simplement impossible : « nous devons aujourd'hui considérer le bonheur comme une rêverie ancienne, les conditions historiques n'en sont tout simplement plus réunies. » CQFD
Finalement, seul l'amour pourrait sauver les hommes. Mais ils ne le saisissent pas, ne le voient pas. Ou trop tard...
L'immense mélancolie et l'infinie tristesse qui émanent de certaines pages de ce roman sont d'une grande beauté et touchent à la poésie. Houellebecq a des phrases qui dans l'apparente simplicité de leur formulation nous émeuvent, ainsi lorsque le personnage évoque son amour avec Kate, voici ses mots, ils sont tellement forts : « Nous aurions pu sauver le monde et nous aurions pu sauver le monde en un clin d'oeil… mais nous ne l'avons pas fait, enfin je ne l'ai pas fait, et l'amour n'a pas triomphé, j'ai trahi l'amour et souvent quand je n'arrive plus à dormir c'est-à-dire à peu près toutes les nuits je réentends dans ma pauvre tête le message de son répondeur, « Hello this is Kate leave me a message », et sa voix était si fraîche, c'était comme plonger sous une cascade à la fin d'une poussiéreuse après-midi d'été, on se sentait aussitôt lavé de toute souillure, de toute déréliction et de tout mal. » Magnifique passage, poignant et beau à en pleurer… Il y a du romantisme chez Houellebecq, c'est évident.
Il prend alors conscience qu'il aurait pu être heureux avec Kate et Camille. Or maintenant, c'est trop tard, aucun retour en arrière n'est possible.
Tel Perceval, notre anti-héros n'a pas saisi sa chance. Et maintenant, il est trop tard.
Son mal-être est sans issue, sans illusions, total et a priori définitif. le personnage houellebecquien finit par symboliser l'homme moderne. Il est incontestablement l'héritier du personnage beckettien, un homme perdu dans un monde sans Dieu (?).
Peu de perspectives donc.
Il reste la chimie qui aide à supporter, à tenir le coup, à placer à l'horizon un leurre ayant la forme du bonheur et vers lequel on marcherait comme vers un mirage. « La possibilité du bonheur devait subsister ne fût-ce qu'à titre d'appât. »
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Si je vous annonce que le protagoniste de ce nouveau Houellebecq est un homme désabusé en fin de quarantaine, déprimé par son travail vide de sens, malheureux en amour, et à la sexualité défaillante, je ne devrais pas sous surprendre beaucoup. Si j'ajoute par contre que c'est à mon sens le premier roman résolument positif de l'auteur que j'ai pu lire, ça risque de vous faire lever au moins un sourcil.

Alors, ce n'est pas évident d'écrire ça quand le héros principal est sous dose maximale d'anti-dépresseurs, mais regardons les choses sereinement.

Tout d'abord, il fuit. Certes, à première vue, ça n'a pas l'air bien glorieux comme comportement, mais c'est la première fois que je vois un personnage de Houellebecq tenter d'échapper à son sort : sa vie ne lui plaît, il plaque tout, sans regarder en arrière, et surtout sans solution de confort pour la poursuivre : deux ans d'économie, ça laisse le temps de voir venir, mais la fin des atermoiements est clairement posée.

Ensuite, il assume (plus ou moins) sa responsabilité dans la situation qu'il vit. Notre société ne génère que des valeurs pourries, pas de doutes là-dessus, mais la possibilité de bonheur lui a été distinctement présentée (et par deux fois en plus) ; on ne peut plus incriminer l'inertie d'un monde décadent pour expliquer ce qu'est devenu sa vie : il suffisait de prendre une décision ferme, mais par deux fois il a tergiversé, et par deux fois ce bonheur s'est envolé.

Peut-être qu'on est tous trompé par cette vision d'un monde à explorer, avec ses infinités de possibilité qui s'offrent à nous, mais soyons honnêtes, les possibilités elles sont rares et elles se présentent généralement une à la fois et pas fréquemment, alors on les prend parce qu'on a pas grand-chose de mieux à se mettre sous la dent et on se dit que ça fera l'affaire en attendant, sauf qu'on attend tellement qu'on finit par se fossiliser dedans. Alors quand un vrai choix se pointe, il faut vraiment pas se rater, sous peine, comme Florent-Claude, de passer le restant de ses jours à s'en mordre les doigts.

Est-ce que les personnes qui prennent leur destin en main s'en sortent forcément mieux que les autres ? Après ce livre, je n'en mettrais pas ma main à couper. Mais quitte à voir périr quelqu'un, autant que ce soit les armes à la main sous le feu de l'ennemi, plutôt qu'en tendant gentiment son cou sous la guillotine tout en adressant un mot gentil à son bourreau.

C'est un livre positif, d'accord, mais ça reste du Houellebecq.
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Sérotonine, c'est le monde selon Houellebecq, brutal, inique, désespéré et désespérant. Alors me direz-vous, plutôt que lire l'ouvrage, autant se suicider ! Ah que nenni.
Lisez d'abord et plutôt que la corde ou le poison, vous choisirez le rire.
Un rire grinçant, glaçant certes, un rire sans joie, bien entendu, mais le rire, un rire énorme, dévastateur, gargantuesque, car l'humour sauvage, décapant de l'auteur va tout emporter sur son passage.
C'est le talent, entre autres, de Michel Houellebecq, grâce à sa verve vacharde, de donner une connotation hilarante à des situations qui ne le sont pas du tout et d'emporter le lecteur désorienté dans le sillage de son maelström verbal.

Il pratique l'exécution en règle de la société dans laquelle nous vivons en dénonçant avec vigueur et verdeur, formules à l'emporte-pièce aidant, sa vulgarité, ses excès, sa folie. Détecteur et dénonciateur de saloperies, il se mue en grand pourfendeur de connerie et d'absurdité, et comme Cyrano, de la pointe de sa plume, à la fin de l'envoi, il touche.
Oh oui, il touche et fait mouche !
A travers l'errance sans joie de son héros Florent-Claude, quadragénaire déboussolé, sexe en berne, "dénué de désirs comme de raisons de vivre" ayant abandonné un travail auquel il ne croit plus, (il est ingénieur agronome) nous sommes confrontés de plein fouet à l'actuelle déliquescence de la société française, et du monde paysan en particulier. le héros misanthrope, a perdu toutes ses illusions mais poursuit le rêve d'un amour rédempteur, en évoquant la femme aimée et perdue par sa faute.
Par sa prose puissante, charnelle, parfois crûment évocatrice, par la force de son verbe, la vigueur de ses assertions, il nous entraîne vers ses rivages, jouant parfois la facilité ; mais qu'importe, il rend ici toute sa noblesse au vocable maintenant si déprécié, si galvaudé, d'écrivain ! ce qu'il est indubitablement et de tout premier plan encore !
Alors n'hésitez pas et lisez, venez retrouver le narrateur, Aymeric, Camille et les autres !
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