L'art a eu ses trois âges sous les Grecs. L'âge d'or, c'est-à-dire l'âge de Phidias, ce demi-dieu qui fut toujours grand, terrible ou sublime comme la majesté, un fils de Jupiter qui donnait au marbre la vie héroïque ; l'âge d'argent , c'est-à-dire l'âge de Praxitèle , qui représente la beauté sous la forme des trois Grâces ; il est encore grand, mais il n'est déjà plus terrible, il a perdu son caractère divin , ses dieux se changent en hommes ; l'âge de fer, c'est-à-dire l'âge de Lysippe. Sous la main élégante de ce maître, la grande ligne se brise : voici le contour ondoyant. Ce n'est plus par l'œil de l'idéal que regarde le sculpteur : il voit la nature face à face , il ne veut lutter qu'avec elle , il ne se souvient même pas que l'homme est un dieu tombé. L'heure de la décadence a déjà sonné; heureusement que Phidias couché dans le tombeau se relève avec ses œuvres pour appeler encore à son école austère tous ceux qui sont dignes de toucher au marbre.
Watteau fut par excellence le peintre de l'esprit et de l'amour , le peintre des fêtes galantes. Il a peint la nature à ses jours de fête. Le cadre est toujours éclatant comme le tableau. Il faut avouer que le paysage de Watteau rappelle autant l'Opéra que la nature ; mais il répand une magie douce et vaporeuse qui est tout à la fois la magie de l'art et celle de la vérité. Il lui faut toute sa merveilleuse adresse pour ne pas offenser par ses invraisemblances. Comment ne pardonnerait-on pas à cet enchanteur , qui , tout en confondant les idées théâtrales et champêtres , arrive à créer un poëme qui nous séduit et nous fait croire au mensonge? Mais qu'est-ce donc que la vérité ? L'art , c'est la nature vue par la poésie , dira Watteau ; ce qui ne l'empêchera pas de saisir tous les secrets de là vérité , sauf à la faire voir par un prisme.