Un trio vraiment très swing

Livre lu dans le cadre de Masse Critique Littérature.
Je remercie Babelio et les Editions du Petit Pavé.

Qu'est-ce qui fait un bon roman, ou plutôt un roman que j'apprécie ? le style ? L'histoire ? Les personnages ? Ou bien encore tout ce qu'il nous permet de découvrir en dehors de lui-même ?
Je m'explique.
Concernant le roman de Rémi Huppert et son style particulier, je n'ai pas forcément accroché.
Les dialogues sont difficiles à suivre, imprévisibles. On pourrait croire que les personnages sont, comme des musiciens de jazz en pleine impro, complètement connectés, malheureusement le lecteur ne l'est pas forcément, contrairement à ce qui se produit pendant un concert où l'auditoire est transporté par la musique.
Le reste du texte est quant à lui plus accessible, même s'il est parfois, haché, syncopé, décousu, avec des phrases qui semblent ne pas avoir de fin, des mots seuls, des expressions incongrues, comme si, à l'instar de Debussy, auquel il est souvent fait référence, l'auteur souhaitait nous faire ressentir, imaginer, l'atmosphère, les ambiances, les scènes,plutôt que de nous décrire systématiquement et précisément les situations. (ce qu'il réussit parfois, il faut l'avouer, mais pas à tous les coups )
L'histoire est plutôt commune, la rencontre de 3 artistes au passé douloureux, notamment dans leurs relations familiales ou l'histoire de leurs communautés respectives. Rencontre, fuite, retour à l'origine, reconnaissance...
Reste tout ce que ce livre nous permet de découvrir hors de lui-même comme une extension, volontairement ou non. Est-ce destiné à un certain type de lecteur, inconditionnels de Debussy et férus de jazz , plus à même d'apprécier ce livre ? Je ne sais pas.
Alors Debussy ? Debussy ! Tout le monde aime Debussy ! Fais péter Debussy !
A part que... ma culture musicale limitée ne disposait pas de connaissance particulière sur Debussy.
Ainsi, au fil du roman dans lequel l'auteur égraine les noms d'oeuvres de Debussy, ou de jaszzmen, je me suis amusé à écouter ce qui était proposé, alternant quelques pages avec une ou deux interprétations de morceaux choisis innocemment(?) par l'écrivain.

Au-delà de l'oeuvre écrite qui ne m'a pas forcément déplu mais pas non plus emballé outre-mesure, j'ai fortement apprécié le fait qu'il m'ait incité à plonger dans l'oeuvre de Debussy , et de quelques monuments du jazz (un peu plus familiers pour moi).

Avant de lire ce roman, si comme moi vous ne connaissez ni l'oeuvre ni la vie de Debussy, je vous propose de vous laisser bercer par une « Serenade for the dolls », et de vous laisser charmer par « Les fées sont d'exquises danseuses ». Les interprétations sont multiples.

Lecture éprouvante, j'aime la musique, le jazz particulièrement et pourtant …
3 musiciens se retrouvent à Paris, partagent une passion commune le jazz, ils sont issus de différents pays, brimés, ont parcouru de dures épreuves pour se faire accepter.
Syncopes, mélodies, dissonances, alternances des notes, des mots. Une suite d'épreuves, d'accords, de gammes et d'arpèges de va et vient de vie … Trop compliquée et alambiquée la structure de l'histoire, ce récit est écrit comme une partition, de notes aigües et de personnages graves. Cette quête des origines, cette engouement à comprendre tout le génie de Debussy.
Je pense que ce livre sera très apprécié des musiciens…

Merci aux éditions du Petit Pavé pour ce livre, reçu dans le cadre le la masse critique Babelio.

Jeune pianiste coréenne ayant subi une formation classique drastique, O. rencontre dans la maison de Claude Debussy, un musicien qui la fascine, Bukka, un vieux jazzman qui a fui la ségrégation raciale de l'Alabama et vivote en jouant dans les clubs parisiens. À ses côtés elle apprend à délaisser le corset du classique pour s'exprimer dans le jazz, jusqu'au jour où Ben, un saxophoniste, vient les rejoindre sur scène.

Hommage au jazz autant qu'à la musique de Debussy, ce roman peut déconcerter par son écriture, syncopée, qui semble faire corps avec la musique et alterne très longs paragraphes, successions de mots, de verbes, phrases nominales séparés par des virgules, de petites phrases qui s'enchaînent sans répit :
" Penser en trombe, sentir en trombe, la pâtisserie tombe pile. Visage blafard, tête renversée, la fugitives coince contre les planches-mangeoires, les tabourets, les murs de brique. Vite, non, plus vite, choisir n'importe quel article, pointer une friandise. Au hasard. Problème, la friandise poisse les doigts, colle aux dents, desséchées le palais. Boire, vite, d'une traite, boire un gobelet d'eau"
Puis de brusques petites phrases isolées très courtes, qui rompent le rythme, comme la respiration d'un interprète à bout de souffle après un morceau de bravoure. de nombreuses phrases en anglais aussi, non traduites.

O. et Bukka sont tous deux touchants, cherchant et trouvant à la fois dans la musique une consolation et un exutoire aux souffrances endurées dans leur jeunesse. Pour Bukka elle a été une révélation, le moyen d'échapper à son milieu. O. a grandi avec la musique comme discipline, mais c'est devenu sa respiration ; elle ne peut s'exprimer autrement. J'ai bien aimé l'entrelacement de leurs histoires et de leur perception de la musique dans la première partie du roman. Avec l'arrivée de Ben, j'ai ressenti une rupture dans la construction. La temporalité est plus longue, comme si après avoir observé les personnages au microscope on les regardait à travers une longue-vue, et j'ai eu l'impression de me détacher des personnages. Dommage, j'espère qu'il n'en sera pas de même pour les autres lecteurs.