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3,62

sur 90 notes
L'un de mes coups de coeur de cette rentrée!

C'est un roman intimiste, une sorte de huis clos entre la narratrice, une femme de soixante-ans et elle-même qu'elle convoque à la faveur des pages de son journal tenu lorsqu'elle avait une vingtaine d'années.

La jeune fille qui doit son surnom à ses origines, Minesotta , connaît les bonheurs et les écueils d'une vie d'étudiante à New-York : amitiés, amours, émulation, mais aussi pauvreté, faim, violences urbaines. Tout cela est conté avec beaucoup de sincérité, mais pourrait rester un simple récit de souvenirs.

Or Siri Hustvedt va beaucoup plus loin, et s'interroge sur les méandres de la mémoire, qui déforme, trie, occulte, même devant un écrit dont l'authenticité est difficile à contester. Et cet étrange fonctionnement renvoie en miroir les difficultés de sa mère âgée, dont les lacunes sont beaucoup plus considérables.

On a donc plusieurs niveaux de récit, entre le journal de la jeune femme, les réflexions actuelles (Trump en prend pour son grade) et les feuillets d'un roman ébauché à l'adolescence. C'est clairement différencié et les allers-retours entre les différentes périodes de vie ne sont pas un obstacle à une lecture fluide.

Un personnage important apporte un étayage à la narration : la voisine dont les soliloques sont à l'origine de bien des hypothèses : folie, complot, théâtre? Lucy B saura préserver une part de son mystère.

On se pose bien sûr la question de identité de la narratrice, qui se cache derrière des initiales troublantes S.H. et vient du Minnesota, Même si son mari se nomme Walter, bien des analogies existent entre l'auteure et la narratrice.


Lorsque la littérature new-yorkaise est portée par la plume d'une femme, et qu'en plus il s'agit de Siri Hustvedt, mes désirs de lectrice sont comblés.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Ce livre conte l'histoire d'une jeune femme en quête d'aventures, qui s'installe à New-York en 1978 à l'âge de vingt- trois ans : pour lire, ECRIRE son premier roman et l'envie de dévorer de la poésie...( la ville dont elle rêve depuis ses huit ans vue à travers films, livres et imaginaire ....)

Elle rêve d'être une « Géante ».

C'est surtout un huit- clos entre la femme de soixante -deux ans ——l'artiste qu'elle est devenue——S.H , et elle même convoquée par hasard à le faire, alors qu'elle visite sa mère âgée de 94 ans, qui perd la mémoire , à la faveur d'un journal retrouvé lors d'un déménagement, tenu lorsqu'elle avait 23 ans —-de l'été 1978 à l'été 1979—— intitulé «  Ma nouvelle vie » , « Ma page ».

Elle y redécouvre l'étudiante brillante qu'elle était : ses bonheurs , ses lectures, ses peurs, ses amours, son émulation, la violence des hommes , la perte de sa candeur de jeune fille , la quête passionnée pour les dadaïstes de New - York, Dickens , sa connaissance de Freud, Marx et Wittgenstein , la récitation des poésies de Whitman, ses amis, artistes et intellectuels , Manhattan festif et/ ou dangereux, l'acclimatation à une nouvelle vie, sa soif de «  Penser » et une étrange voisine : Lucy et ses particularités qui font s'interroger S. H dite « Minnesota »car elle vient de là.

C'est un récit intimiste, qui confie au lecteur le rôle de confident , foisonnant d'anecdotes littéraires, à travers philosophie, poésie et immense amour de la littérature .
Expérience passionnante , cette autobiographie fait se rencontrer des temporalités narratives très variées, celles d'une sexagénaire et celle d'une prime jeunesse , ardues, qu'il faut prendre le temps de décrypter ....

Cette oeuvre ne se lit pas d'une traite .....



S. H s'interroge sur les «  Méandres » de la mémoire qui trie, occulte, révèle , cache, instruit, dévalorise, déforme....

C'est l'histoire complète de son identité littéraire, elle juxtapose des ébauches du roman qu'elle écrivait, les commentaires que ces textes lui inspirent aujourd'hui et ses souvenirs traumatiques de l'enfance.
Mais la mémoire serait - elle une identité « précaire »fugace , réinventée , déambulatoire ?
Peut - on se révéler à soi - même ?
Jeu de mémoire vertigineux , l'auteur bâtit une saine réflexion sur le devenir d'une femme créatrice , qui réfléchit , se retourne sur elle même à partir de diverses versions.
Une danse allègre, virtuose, incisive et courageuse sur ce que veut dire et être une femme qui crée et pense, déambulation littéraire osée à travers les dimensions distendues d'une ère ou d'une époque riche, réelle , réinventée.

Roman d'éducation enthousiaste sur les circuits temporels , les identités et la construction féminine , portrait d'artiste en devenir ....
JEU de miroirs subtil, par delà les décennies .
Mais ce n'est que mon avis , une deuxième lecture serait nécessaire , afin d' apprécier pleinement cette juxtaposition de récits ...
«  Notre vie réelle est plus qu'aux trois quarts composée d'imagination et de fiction » .
Simone Weil.
«  le soleil stimule l'âme alors qu'une succession de journées pluvieuses l'investit de pensées découragées . Dés qu'il s'agit de musique , les humains sont sans défense, et se voient balancés, soulevés , écrasés et retournés dans une confusion vertigineuse . Tout dépend de la Mélodie .
En cela , la musique est semblable au temps qu'il fait »..

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Siri Hustvedt, à l'instar d'Annie Ernaux dans Mémoire de fille, s'attache à une année (1979), celle qu'elle s'est donnée pour écrire son premier roman, dans la ville de tous les dangers et de tous les possibles, New York City. On se penche par-dessus son épaule lorsqu'elle crée ses personnages, on la suit dans ses relations avec les hommes et les femmes qu'elle rencontre au gré de ses déambulations et la voisine de son appartement lui apporte à elle seule matière à réflexion et nourrit son imaginaire.
L'auteure retourne sur son passé, renoue avec ses souvenirs d'enfant et, à travers les « vérités précaires de la mémoire », s'attarde à comprendre certains de ses comportements qu'elle réprouve aujourd'hui mais qui, avec le recul, s'expliquent par l'éducation familiale et sociétale.
Le style de Siri Hustvedt m'a longtemps rebutée et j'ignorais délibérément ses ouvrages jusqu'à ce que je prenne le temps de relire Tout ce que j'aimais. Elle fait partie de ces écrivains qui s'apprivoisent et qui, cela fait, comptent dans la littérature contemporaine.
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Intéressant de voir Siri Hustvedt publier, peu de temps après son mari Paul Auster (avec " 4 3 2 1"), sa propre version de la "fausse-vraie" autobiographie, instruite par le temps qui a passé et le besoin de l'introspection rétrospective qui nous vient à "a certain age"...
Auster a choisi d'écrire sur quatre déclinaisons d'un personnage qui aurait pu être lui, dont les destins sont déterminés par sa fameuse "musique du hasard", mais dont aucun n'est vraiment lui. Dans le cas de Hustvedt, dont le personnage porte les initiales "SH", on sait également qu'il ne s'agit pas d'autobiographie au sens strict car un certain nombre de détails de sa véritable vie ne correspondent pas à ceux de sa narratrice (son père n'était pas médecin mais professeur de littérature, son mari, on le sait, n'est pas un physicien, on devine que certaines scènes, comme celle du dîner où son personnage cloue le bec à un insupportable macho condescendant ordinaire, sont de celles où l'on refait sa propre histoire en s'inventant la réaction que l'on aurait tant voulu avoir mais que l'on n'a pas eue sur le moment) mais, néanmoins, comme SH, Siri Hustvedt a vécu cette jeunesse désargentée de l'apprentie écrivaine dans le fascinant New York de la fin des années 70.
Son livre, qui est une sorte de jeu de mémoires, la narratrice dans la soixantaine dialoguant par souvenirs interposés avec la jeune fille des années 70 dont elle a retrouvé un journal intime de l'époque, est aussi un hommage à Elsa von Freytag -Loringhoven, cette artiste dada proto punk dont l'histoire de l'art officielle s'est jusqu'il y a récemment attachée à effacer le nom. Et pour cause : Marcel Duchamp, cette "institution" de l'art officiel lui a sans doute volé son oeuvre considérée aujourd'hui comme la plus essentielle de l'art conceptuel : le fameux urinoir ou "Fontaine". Mais Siri Hustvedt ne s'arrête pas à cette révélation, toujours largement ignorée du grand public, elle fait aussi observer que si l'oeuvre avait été attribuée à la baronne Elsa dès le départ, elle n'aurait sans doute pas eu le retentissement qu'elle a eue sous le nom de Marcel Duchamp.
Siri Hustvedt a raison bien sûr. Nous vivons toujours dans un monde d'insupportable condescendance vis-à-vis de tout ce qui a une origine féminine. Les femmes ne peuvent jamais y gagner, même lorsqu'elles ont de l'assurance qui, aux yeux des hommes, se transforme en arrogance. Il faut être "douce", "gentille" etc. pour espérer une quelconque écoute et encore celle-ci sera "bienveillante". On attend de la "petite dame" qu'elle s'inscrive dans le discours admis, la rébellion et la transgression ne sont pas pour elles. Or Elsa von Freytag-Loringhoven était rébellion et transgression. Il faudra attendre un siècle pour qu'elle soit redécouverte, et encore...
L'histoire d'Hustvedt elle-même n'est pas exempte de paradoxe. Il s'agit d'une femme dotée d'une intelligence vraiment exceptionnelle qui a épousé, au début des années 80, un jeune écrivain alors encore largement inconnu. Auster est devenu immensément célèbre par la suite, Hustvedt moins mais est tout de même une auteure très respectée et lue. Les livres d'Auster se lisent plus facilement, sont davantage axés sur l'idée de raconter une bonne histoire avec ce ressort du hasard qui l'a rendu célèbre. Les livres d'Hustvedt sont plus difficiles à lire : la narration est généralement plus chaotique, les analyses esthétiques, psychologiques y abondent, l'histoire est (justement) ré-écrite d'un point de vue féminin ou féministe. On sort repu d'une bonne histoire racontée avec finesse par un Auster, on sort quelque peu épuisé de la lecture d'un bouquin d'Hustvedt mais avec la sensation d'être plus intelligent(e)/savant(e) qu'auparavant. le paradoxe de Siri Hustvedt est que l'on se demandera toujours, qu'elle le veuille ou non, quelle aurait été sa renommée si elle n'avait pas été "l'épouse de", un petit peu à l'instar de Elsa von F. dont on parle aujourd'hui du fait du vol de son oeuvre par l'illustre Marcel D. Pour ma part je l'ai découverte via Paul Auster dont j'étais totalement fan dans l'adolescence et je pense ne pas être la seule à avoir abordé ses oeuvres de cette façon. D'un autre côté sa carrière a probablement également souffert de cette mise en proximité car nombre de lecteurs d'Auster ne goûtent probablement pas son côté (plus) complexe et surtout féministe. Personnellement je trouve vraiment admirable que le couple Auster-Hustvedt ait tenu contre vents et marées dans un tel contexte.
Donc, comme d'habitude avec Hustvedt, j'ai lu ce livre-ci avec une admiration parfois teintée d'irritation face à ce côté que je trouve un poil trop intello. Mais j'espère que mon conditionnement éducatif ne lie pas cette légère irritation au fait que Siri Hustvedt soit une femme. A cet égard l'un des grand mérites de Siri Hustvedt est de nous rendres attentifs-ves à cette possibilité. J'ai trouvé en ce livre-ci une qualité de tendresse et de bienveillance qui ne sont pas toujours aussi présents dans l'oeuvre d'Hustvedt. Bref, comme d'habitude avec elle : un peu sur les rotules en fin de lecture mais contente de l'avoir lue...
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Quelle lecture...!

Je ne m'en remets pas.
J'ai rarement autant pris de notes et corné un livre que ce roman mi auto biographie mi roman de la brillante Siri Hustvedt.

Je crois que je vais avoir du mal à écrire un suffisamment bon billet de lecture, tant ce livre m'a transporté.
Siri Hustvedt navigue avec le temps et joue et réfléchit sur les souvenirs et ce qu'en fait la mémoire et c'est passionnant.

Je ne voulais pas que le livre se termine, je voulais continuer à parler toute seule avec elle et ses réflexions, c'était tellement intéressant !

Siri Hustvedt utilise ici le journal de la jeune S.H. apprentie écrivaine qui débarque à New-York, de son Minnesota natal. Convoquer à 68 ans ses souvenirs, elle est lucide, ce n'est pas si limpide, les souvenirs sont toujours transformés et c'est un des sujets qui l'occupent.

J'ai absolument adoré ce livre !
Outre la construction, qui valse du journal de jeunesse de S.H. à des réflexions de Siri actuellement, bien que, malicieusement, elle ne soit pas mariée à un auteur, mais à un physicien, nous naviguons aussi avec le roman qu'elle a tenté jeune d'écrire.
( Il me plaît bien d'ailleurs !)

J'ai beaucoup aimé à travers ce livre, découvrir un peu de l'humanité de l'autrice, ses angoisses de jeunesse, ses origines sociales, ses révoltes.

J'ai vibré avec elle lorsqu'elle parle du sort réservé aux artistes femmes, du traitement qu'elle a connu en tant que jeune femme, de sa passion pour une poétesse longtemps oubliée et à qui Duchamp a piqué sans honte l'idée de l'urinoir, sans vergogne aucune.


J'ai adoré découvrir sa voisine de jeunesse, Lucy, dont elle écoute les monologues et qui va se révéler être une personne importante dans sa vie de jeune femme pouvant être en danger.

J'ai énormément aimé lire ses réflexions, toutes, sa pensée sur la société New Yorkaise, sur l'art, sur les rapports homme - femme, mais aussi de tendres pages sur les ciels vastes du Minnesota, sur sa sexualité de jeune femme, sa soif de liberté et de connaissances, la liste est impossible à terminer.

C'est un livre qui donne du courage, du plaisir intellectuel, un livre qui est très généreux et pudique sans aucune pudibonderie, un livre d'une femme artiste qui ouvre la porte et passe le relai à ses lectrices, pour que les souvenirs soient ceux de l'avenir, un avenir loin des Trump, merci.

C'est un livre vibrant de vie et d'intelligence à lire absolument, j'ai trouvé que si les jeunes filles l'avaient entre les mains, cela leur ferait du bien, mais je peux me tromper, un livre doit être une rencontre.

Ce fut le cas, pour moi, une rencontre marquante.


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« Souvenirs de l'avenir » m'a tapé dans l'oeil par son titre, sans trop savoir à quoi m'attendre. le début de l'aventure a été compliqué, au point d'envisager l'abandon. le livre est un mille-feuille : un récit « contemporain » d'une femme de la soixantaine ; qui commente sa vie à travers son journal intime de jeune adulte, en train d'écrire son premier roman ; et des extraits, conservés ou non dans la version finale, dudit roman. Une fois ces bases intégrées, la suite du roman devient plus captivante.

Tout le propos du livre tourne autour de la question « Qu'est-ce que c'est que d'être une femme ? » La jeune fille détaille avec désarroi tous ces hommes qui lui coupent la parole, qui la dévalorisent après deux paroles échangées, qui la prennent de haut malgré des amitiés de longue date, ou qui ne comprennent pas qu'elle puisse refuser de coucher avec eux alors qu'ils lui ont tout de même offert un verre. La femme d'aujourd'hui décrit ce qu'elle aurait pu faire à la place ; des passages du roman viennent remettre les choses à leur place, car c'est parfois plus facile d'intervenir en littérature que dans la rue.

Seules alliées dans sa vie : La baronne Elsa von Freytag, pionnière du dadaïsme, qui n'avait pas sa langue dans sa poche et prenait des positions tranchées ; et la voisine de la jeune écrivaine, qu'elle entendait psalmodier à travers le mur, et avec laquelle va se nouer une relation inattendue.

Le roman prend des accents intimistes et presque autobiographiques au fur et à mesure de la lecture. Il décrit une quête si souvent entamée mais pas toujours réussie : parvenir à déterminer qui l'on est, sans se soucier de l'avis des autres sur la question.
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J'avoue que j'avais un peu peur de m'attaquer à ce livre ; sur la couverture, il est écrit "roman" mais il s'agit aussi essentiellement d'une autobiographie.
La narratrice est Siri Hustvedt elle-même, mais il y a plusieurs niveaux de narration. On a SH aujourd'hui, une femme de 62 ans qui s'occupe de sa mère âgée en maison de retraite et retrouve son journal intime rédigé quand elle était étudiante. On a donc aussi SH qui a 24 ans et vient s'installer à New York pour suivre des études et devenir écrivaine. Et enfin, on a le texte du roman qu'elle commence. L'ensemble est donc très dense.
J'ai un peu survolé le roman dans le roman car cela ne m'a pas intéressée, je me suis concentrée sur le journal intime et le récit de la première année de vie à New York de la jeune SH.
SH loue un petit appartement dans un immeuble à New York et les parois sont minces, si bien qu'elle entend beaucoup sa voisine Lucy crier, parler et pleurer ; elle va même retranscrire ce qu'elle entend dans son journal intime et inventer son histoire. Cela se passe en 1978-1979, SH va apprendre à connaître la ville, elle va beaucoup lire, réfléchir, écrire, faire des rencontres. Cette année sera celle de son émancipation, loin de son Minnesota natal.
Elle décrit très bien les milieux littéraire et artistique de cette époque. La narratrice d'aujourd'hui, SH 62 ans, analyse aussi celle qu'elle était à 24 ans, avec de la distance.
Elle s'interroge sur la différence entre la mémoire et l'imagination, ce qui reste vraiment des choses que l'on a vécues, sans qu'elles soient modifiées par le travail de l'imagination.
C'est un roman riche et intéressant.
Cependant, ce n'est pas un coup de coeur car la narration est complexe et on sent que l'auteure est une intellectuelle, j'ai donc un peu peiné dans ma lecture. C'est un roman ambitieux avec des réflexions quasi philosophiques. Je préfère ses premiers romans, je crois, enfin, c'est juste mon avis !
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Ce qui m'a plu avant tout, notamment dans le passage publié par Lire, c'est cette écriture très intimiste, cette façon de déléguer à son lecteur ce rôle de confident, à la façon diariste, puisque SH s'appuie sur un journal qu'elle a retrouvé à l'occasion du déménagement de sa mère, pour faire appel à ses souvenirs de façon plus précise. Cette année est charnière pour l'américaine puisque c'est pour elle, à travers son exil dans la métropole, une occasion unique de se consacrer entièrement à son art. C'est ainsi qu'elle va faire ressortir l'importance de cette césure, en entremêlant récit à différentes étapes de sa vie passée ainsi que de nombreux rappels au présent, rappelant à quel point les différents événements de cette année, ont contribué à transformer l'embryon d'écrivain qu'elle était en femme de lettre accomplie.

Car, du fait de cette particularité à centrer un récit sur une seule année de sa vie, le choix de SH de revivre ces quelques mois en les mettant en corrélation avec sa vie d'aujourd'hui est significatif de l'importance qu'elle a eue sur la vie de femme qu'elle est devenue. Cette fin de décennie qu'elle passe à New-York marque la perte de sa naïveté, de sa candeur de jeune fille fraîchement débarquée de son Minnesota natal qui arrive en ville, essayant de s'acclimater peu à peu à son mode de vie, son brouhaha, ses turpitudes et qui rencontre là des personnes qu'elle n'aurait pas connues sans son exil. Récit de son émancipation existentielle, d'une certaine forme d'apprentissage de la vie, qui se fera à travers la littérature, de la poésie, de la philosophie, omniprésentes dans ce récit.

Jai eu plaisir à passer cette année avec cette jeune étudiante qui se raconte sous l'oeil bienveillant de son moi sexagénaire, où l'amour de la littérature, de la lecture, la soif de penser, est le véritable fil conducteur de ces trois cents pages. Tout lecteur que l'on soit, cette passion du mot juste, qui l'anime, mais aussi son intérêt pour l'être humain, tout se recoupe dans cet amour du livre, et les pages qu'elle y consacre, sont d'ailleurs celles que j'ai préférées. C'est une femme à la culture littéraire remarquable, qui brille par cette intelligence particulièrement fine de la vie et du monde qui l'entoure. C'est aussi ce qui donne au texte tout son caractère et sa force tant par son contenu, ce livre c'est aussi l'histoire de son identité littéraire, en tant que lectrice mais surtout en tant qu'auteure en devenir, que par le contenant, un style très travaillé, soigneux, aiguisé. de fait son récit foisonne d'anecdotes littéraires, où le plaisir qu'elle prend à évoquer ses lectures, les auteurs qu'elle affectionne, est particulièrement plaisant, en tout cas, ce sont ceux des passages que j'ai particulièrement appréciés.


En revanche, au-delà de toutes ses qualités, le récit m'a semblé très chaotique et confus, notamment à cause de cette flopée de va-et-vient entre trois temporalités narratives, celui de SH, sexagénaire, écrivant, et celui de SH, jeune New-yorkaise, écrite, et encore celui de sa prime jeunesse. Ce besoin de marquer de nombreux retours en arrière dans son récit même semble vouloir parachever de raconter un élément narratif, or il me semble que cela rajoute encore plus de cacophonie dans cet assemblage de récits, dont j'ai bien eu du mal à trouver une cohérence, si ce n'est le fait qu'ils datent de la même année. Mon attention a quelquefois eu du mal à rester constamment en éveil, il y a eu bien des fois ou elle s'est relâchée lorsque je commençais à m'ennuyer. En un mot, c'est un texte beaucoup trop fragmenté, entre souvenirs de différentes temporalités qui se chevauchent, cette vie de jeune étudiante elle-même fragmentée entre plusieurs réalités, la jeune femme de la bande d'amis, la jeune étudiante qui lit, écrit, ou encore la jeune voisine qui espionne la locataire d'à côté au moyen du stéthoscope de son père.

Voilà encore un roman qui emploie à son tour le mode de l'autofiction, subterfuge romanesque très à la mode ces dernières années, et j'avoue que je suis un peu lasse de voir et revoir ce genre de procédés réapparaître régulièrement, la corde commence à s'user. Et finalement, dans le cas de notre roman, il me semble que cela rajoute encore plus de confusion à ce récit déjà bien décousu, qui s'éparpille entre le récit à proprement parler, des morceaux du journal intime que SH tenait à cette époque-là, des extraits de ses premiers essais littéraires, et des illustrations. À force de lire ces textes dans lequel le principal protagoniste entretient de grands points communs avec son créateur, je préfère finalement en ce moment lire ces récits dans lequel l'auteur se détache suffisamment de sa création pour en faire une entité entièrement indépendante de son créateur, et non pas un vague double de ce dernier.

À noter que le Nouveau Magazine Littéraire a publié dans son numéro de novembre 2019 un portrait consacré à l'artiste intitulé très sobrement Queen of New York si le coeur vous en dit.
Lien : https://wordpress.com/post/t..
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Roman d'éducation enthousiaste, très fine réflexion sur les circularités temporelles et les identités autres qu'elles nous inventent, sur la conscience de l'autre et les altérations de soi et, donc, prose sur la construction de l'identité féminine. Souvenirs de l'avenir revient dans une très belle construction narrative (le roman en train de s'écrire se coupe de passage de journal, d'enregistrements de conversation de sa voisine et d'extraits d'un roman inachevé) sur la formation intellectuelle, amoureuse, interrogative et introspectrice. À travers la possibilité de cet autre histoire, Siri Husvedt délivre la possibilité d'un intranquille apaisement.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Malheureusement, je n'ai pas du tout accroché sur ce livre...
Je l'ai trouvé brouillon, étrangement écrit et me suis perdue dans ses retours et son présent...
Du coup, ma critique va rester très courte car peu de choses intéressantes à dire...
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