Sous Sarkozy, les pouvoirs publics ne sont plus des régulateurs de paix sociale. Le criminopopulisme des années Laetitia trahit la recherche de la division, l'instillation de la méfiance et de la haine dans le corps social - un président de la République blessant la République.
Regretter que la prison soit l'"école du crime" est un lieu commun depuis le début du XIXème siècle : Non seulement elle échoue à améliorer le détenu, mais elle le corrompt davantage. Deux siècles plus tard, c'est toujours le même constat: la misère, la violence, la promiscuité, l'ennui, le sentiment d'abandon aggravent l'exclusion du détenu, si bien que la prison n'est plus qu'un lieu de relégation qui entretient la délinquance.
Une série de faits divers succédant à une rafale de lois, la surenchère de Nicolas Sarkozy donne l'impression qu'il "parle" bien plus qu'il n'"agit". Le verbe présidentiel finit par s'autodétruire, dans un perpétuel aveu de faiblesse.
De nos jours, les gens meurent à l’hôpital ; parfois chez eux, dans leur lit. Qu’ils soient seuls ou entourés de leurs proches, leur décès est un drame privé, un malheur qui appartient à l’intimité des familles. Laetitia, elle, est morte publiquement.
Quelles que soient leurs motivations - calculs électoralistes, convictions anticorporatistes, rhétorique anti-élites, parcours personnel -, les charges de Sarkozy relèvent du populisme. Elles désignent à la vindicte publique des professionnels qui, tout bien pesé, sont plutôt des victimes. Leur mise en accusation fera naître chez eux le sentiment d'une double injustice : non seulement ils n'ont pas les moyens de travailler correctement, mais en plus on leur impute un crime.
Au lieu d'analyser le problème à froid, le président a choisi la politique du bouc émissaire, qui consiste à désigner des coupables au sein de la société et à annoncer des « sanctions » en réponse à des «fautes» individuelles et collectives. L'affaire Laetitia révèle tout un art de gouverner: dresser la majorité Contre une minorité, non seulement pour faire oublier ses propres erreurs, mais pour souder le peuple contre un ennemi supposé (le juge, le jeune de cité, le sans-papiers, etc.).
Là est la vraie rupture de Nicolas Sarkozy avec ses prédécesseurs : par-delà leurs différences, de Gaulle et Mitterrand avaient la volonté de rassembler, c'est-à-dire de mettre en valeur ce qui unit les Français. C'est désormais le contraire. Sous Sarkozy, les pouvoirs publics ne sont plus des régulateurs de paix sociale. Le criminopopulisme des années Laetitia trahit la recherche de la division, l'instillation de la méfiance et de la haine dans le corps social - un président de la République blessant la République.
Je voudrais montrer qu'un fait divers peut être analysé comme un objet d'histoire. Un fait divers n'est jamais un simple «fait», et il n'a rien de «divers». Au contraire, l'affaire Laetitia dissimule une profondeur humaine et un certain état de la société : des familles disloquées, des souffrances d'enfant muettes, des jeunes entrés tôt dans la vie active, mais aussi le pays au début du xxie siècle, la France de la pauvreté, des zones périurbaines, des inégalités sociales. On découvre les rouages de l'enquête, les transformations de l'institution judiciaire, le rôle des médias, le fonctionnement de l'exécutif, sa logique accusatoire comme sa rhétorique compassionnelle. Dans une société en mouvement, le fait divers est un épicentre.
Elle aurait déménagé. Elle aurait passé son permis. Elle serait devenue vendeuse ou assistante maternelle. Avec Jessica, elle aurait ouvert un restaurant; l'une aurait travaillé à la cuisine, l'autre en salle. Elle aurait été une femme active. Elle aurait voyagé. Ses enfants auraient eu une maman aimante. Son mari ne l'aurait pas battue.
Le fait divers est l'opium du peuple dominé et trahi, une manipulation politico-médiatique qu'il est urgent de démonter.
Quand on a rencontré la violence pendant l’enfance, c’est comme une langue maternelle qu’on vous a apprise.
C'est très tardivement – au début des années 1990 en France (…) - que la loi a autorisé les femmes à poursuivre leur conjoint pour violences sexuelles.