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4,09

sur 796 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'étais encore bambin quand cette affaire éclata, je ne l'ai connue qu'avec le livre de Jean-Luc Seigle : "Je vous écris dans le noir". J'avais besoin d'avoir un autre aperçu, beaucoup plus documenté sur cette affaire qui m'avait troublé.
Et j'avoue que le livre de Philippe Jaenada est allé au delà de mes espérances. On en sort sonné, indigné, admiratif et interrogatif.
Sonné, indigné et admiratif, car Philippe Jaenada a lu tous les documents et procès verbaux du procès de Pauline Dubuisson, les comptes rendus d'interrogatoire, les articles de presse, tout écouté. Et a comparé ces documents avec les attendus de l'acte d'accusation et les questions du procès. Il démonte pièce par pièce le travail de la "machine à déformer", des interprétations des déclarations de Pauline. 6 ans après le fin de la guerre, cette jeune femme allait au procès avec un très lourd handicap : elle avait couché avec des officiers de l'armée allemande, et avait été tondue à la Libération. Un passé qui faisait d'elle, par principe une dépravée, un vicieuse. Elle n'avait que treize ans quand son père, chef d'entreprise, la proposa afin de faciliter ses affaires, comme interprète aux officiers allemands de Dunkerque.....un père qui lui enseignait également les vertus du suicide et lui fait lire Nietzsche à dix ans !
Aucun des instructeurs du procès ou des juges ne prit en compte "la tristesse de son enfance, la solitude et le manque d'affection, l'indifférence de sa mère et la froideur de son pére." Devant cet acharnement elle n'avait aucune chance d'être entendue et de s'en sortir. le rapport d'expertise psychiatrique précisait : "Elle a dans l'ensemble un passé déplorable. [....] On constate son déséquilibre à la lecture de son curriculum-vitae". Elle avait couché avec les nazis...un point c'est tout. Philippe Jaenada nous prouve qu'elle n'était pas aussi déséquilibrée qu'on le disait, ni aussi dépravée. C'était aussi une époque machiste, au cours de laquelle les "humeurs des femmes" étaient prises en compte et il le démontre.
Il réalise le travail que l'avocat de Pauline Dubuisson aurait du faire et n'a malheureusement pas fait.
Oui elle avait tué Félix son amant qui voulait la quitter. Désespérée, elle voulait se suicider devant lui. En tentant de l'en empêcher, Félix reçut trois balles mortelles et elle tenta de se suicider à ses côtés. Elle expliqua cet accident, les policiers, les juges transformèrent ses propos et firent tout pour prouver la préméditation, préméditation qui entraînait le risque d'une condamnation à mort devant les tribunaux. le jury heureusement, à une voix près, n'a pas retenu cette préméditation. Elle sera condamnée aux travaux forcés à perpétuité et en fit 7 années de prison
Non content de démonter le travail d'interprétation et de déduction foireuses des juges et policiers, l'auteur rapprocha cette affaire d'autres affaires criminelles comparables dans lesquelles les meurtrières n'eurent pas à affronter un tel acharnement.
Juges et policiers, et avocat de la partie civile avaient un allié de choix dans leur acharnement : la presse unanime présentait Pauline comme "l'infâme", "l'orgueilleuse sanguinaire" ou "la Messaline des hôpitaux"...Elle était étudiante en médecine et avait du batailler ferme pour s'inscrire en faculté et faire oublier son passé de collabo rasée à la Libération.
On ne peut dans ces conditions que s'interroger sur le travail de la justice, le rôle de la presse et frémir devant le risque que courait cette jeune femme, celui d'être guillotinée, "coupée en deux" au petit matin. La loi était claire : un condamné à mort ne pouvait faire appel de la décision qui devenait exécutoire. Il n'avait que la possibilité d'un pourvoi en cassation basé sur le droit, le condamné et son avocat devaient alors prouver que le droit n'avait pas été respecté. Ils ne pouvaient aucunement contester des faits évoqués et devaient seulement espérer que le Président de la République ne signerait pas au bas de la phrase : "Que la justice suive son cours" et ainsi le gracie.
Oui je suis né à une époque au cours de laquelle, un condamné à mort ne pouvait faire appel. Et je me souviens de matins peu glorieux pour la France, où les journaux titraient sur l'exécution d'un condamné...Abject.
J'avais 27 ans quand le dernier condamné à mort Hamida Djandoubi a été exécuté. J'avais été, il y a bien longtemps, horrifié par le livre "Le Pull-over rouge" et l'affaire Christian Ranucci.
Un travail remarquable de la part de Philippe Jaenada, pas toujours facile à suivre, très documenté. Ses digressions feront sourire ou agaceront. On peut toutefois regretter les pages dans lesquelles les co-détenues de Pauline Dubuisson, les affaires et conditions de leur incarcération. Elles n'apportent rien au dossier de Pauline Dubuisson et auraient pu alléger les 700 pages du livre
Fragilisée à jamais, Pauline Dubuisson se suicida en 1963. le seul suicide qu'elle ne rata pas....Son passé sous l'Occupation l'a poursuivi et en partie tuée.

Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Gros coup de coeur pour ce récit, lu d'une traite malgré ses 720 pages, qui relate l'histoire tragique de Pauline Dubuisson, étudiante en médecine, qui, au début des années 50, tua son amant avant de tenter de se suicider en ouvrant le gaz.

Célèbre procès du siècle dernier qui passionna les foules autant que les journalistes avides de sensationnel, on aura tout dit sur Pauline Dubuisson. Tout et (surtout) n'importe quoi.
De quoi mettre Philippe Jaenada en colère, et lui donner envie d'enfiler le costume d'avocat et rendre (enfin) justice à celle qu'on surnomma "la ravageuse".

Dans un style personnel bien particulier : il relate les faits comme on raconte une histoire à ses potes de bistrot, avec des digressions rocambolesques dans sa propre vie ou des commentaires acides sur les protagonistes de l'affaire ; mais sans jamais se départir de la rigueur attendue dans une enquête de ce genre.
Car Philippe Jaenada a bossé son sujet. Il a patiemment collecté les articles de journaux, lu les livres publiés sur l'affaire, épluché les archives, retrouvé les procès verbaux, recherché les personnes encore vivantes ayant vécu les bombardements sur Dunkerque et celles ayant connu Pauline,... Etc. Afin de retracer (ce qu'aucun avocats de la défense n'a eu l'idée de faire a l'époque !) l'enfance de Pauline, dans un climat familial étrange et malsain : la mère est dépressive, neurasthénique, le père déscolarise la petite Pauline pour la "modeler" lui même, avec rigidité et dans une absence totale d'émotions. (il ne la touche jamais, lui parle comme à une adulte, interdit jeux et camarades) Les décès de deux de ses frères viendront achever ce décors déjà sinistre.

Le récit se poursuit sur son adolescence sous l'occupation et ses premières expériences amoureuses, avec des allemands, son père la poussant pratiquement dans la gueule du loup, à 13 ans;
Les bombardements et les horreurs de la guerre, puis les représailles à la libération pour celle qui collabora à "l'horizontale".
Enfin, la rencontre avec Félix, la fac de médecine, leur histoire d'amour et ce jour tragique ou, dépitée par son rejet, voulant se tuer devant lui, Pauline frappe à la porte de Félix muni d'un pistolet.
La suite et fin du livre sera consacré au procès, aux années de prison et à sa vie d' « après ».

L'auteur nous offre ici une magnifique plaidoirie en faveur de Pauline Dubuisson, mais aussi et surtout, contre ses détracteurs :
La justice d'abord avec ses pantins grandiloquents, matadors dans une arène, prêts à tous les coups bas : gros mensonges ou petits arrangements avec la vérité, copinages, oublis de témoignages…etc.
Les médias, ensuite, qui n'auront de cesse d'enfoncer Pauline, déformant son portrait jusqu'à en faire cette petite femelle, méprisable, fille à soldats, meurtrière de sang-froid cynique, glaciale et orgueilleuse.
La société enfin, qui trouvera dans ce fait divers, un parfait exutoire aux malheurs de la guerre et en Pauline une parfaite tête de turc.

Prison à perpétuité !
Ils scelleront ainsi le sort de Pauline Dubuisson, malgré la grossièreté d'une instruction vérolée par les mensonges et les déductions illogiques, que Philippe Jaenada démonte une à une, sous nos yeux incrédules.

Mais au-delà du fait divers, c'est également le récit d'une époque, déchirée entre les souvenirs traumatiques de la guerre tout juste terminée, et l'espoir, l'envie de jeunesse et de modernité qui souffle sur la France. La place des femmes et leur rôle dans la société devient ambigüe (elles ont, par exemple, accès aux études mais exercer ensuite est soumis à décision du mari)
Il faudra attendre 20 ans et les évènements de mai 68 (75 même, pour les droits des femmes), pour trouver cette liberté.
Pauline est en avance d'une génération et c'est cela finalement qui lui est reproché : Son envie de vivre pleinement sa féminité, son rejet des carcans imposés par la morale bien-pensante de l'époque, et cette liberté de ton, de parole.
Lors du procès, elle ne baissera jamais les yeux face aux ténors du barreau et c'est ce qu'on a envie de retenir d'elle, en refermant ce livre.

Challenge pavés – 2016 / 2017.
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C est l histoire, étayée par des documents d époque, de Pauline Dubuisson, celebre au siècle dernier pour avoir tué l homme qu elle aimait qui allait en epouser une autre.
Le talent de l auteur a consisté, entre autres, à faire une interprétation des faits et pensées des personnalités très plausible Plusieurs thèmes sont abordés:
-l importance de l enfance dans la construction d une personnalité.
-la défaillance du système judiciaire, l'inadaptation du système carcéral, l'influence négative des médias.
_la quasi impossibilité de pouvoir profiter d'une deuxième chance après avoir payé sa dette à la société.
J'ai aimé le regard de l'auteur sur cette héroïne qui rêvait d'un destin hors de la portée des femmes de son époque.
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Ce roman de 700 pages m'a permis de découvrir l'histoire de Pauline Dubuisson que je ne connaissais pas. Moins de dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle est accusée d'un meurtre de sang-froid, celui de son amant. Belle, libre, elle catalyse toutes les rancoeurs et frustrations de ceux qui ont subi les privations et les pertes dues à la guerre. On ne voit pas en elle, une jeune femme émancipée, intelligente, qui souhaite vivre comme elle l'entend sans calcul mais bien comme une traitre, une arriviste. D'ailleurs n'a-t-elle pas couché avec des Allemands et été tondue ? Cela suffit à la condamner d'avance sans même écouter ce qu'elle a à dire.

Philippe Jaenada, dans une enquête méticuleuse, retrace l'histoire de Pauline et tente de lui rendre justice. Richement documenté, ce récit éclaire la personnalité et le caractère de Pauline Dubuisson d'un jour nouveau, décrivant une jeune femme instruite, moderne, bilingue et précoce qui, à 14 ans, tombe seulement amoureuse d'un beau jeune homme sans se soucier qu'il soit Allemand. Elle sera aussi une des premières étudiantes en médecine après la Libération.

J'ai aimé découvrir cette histoire et la plume de Philippe Jaenada. Ce récit se lit facilement comme une enquête et une histoire à suspens. La lecture est intense, haletante. Et après le meurtre, c'est le procès qu'il décrit avec minutie ; un procès perdu d'avance car elle n'a pas le profil d'une repentie, cette jeune femme trop belle et trop indépendante. Que de hargne et de jalousie derrière les mots des uns et des autres, autant parmi les acteurs de la Justice que chez les journalistes.

Si, comme moi vous découvrez l'auteur, sachez qu'il aime les digressions, les remarques, les anecdotes… et que cela peut parfois agacer. Mais j'ai trouvé tout cela très intéressant.

Une belle découverte.
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Quelle claque que ce livre ! Au départ d'un fait divers l'auteur fait (re)vivre devant nos yeux non seulement la vie de Pauline mais également toute une époque en mêlant adroitement le pathos à l'humour et on éprouve réellement de l'empathie pour cette femme qui certes a tué mais qui avait pas mal de circonstances atténuantes .
Plus qu'un fait divers Jaenada analyse surtout le fonctionnement de la justice et de la « société » de l'époque très peu favorable à l'émancipation de la femme. On est surpris et révolté devant le comportement proprement scandaleux de la justice et de la police qui déforment , oublient et même à l'occasion modifient les procès verbaux et les témoignages. Sans oublier la presse qui inventera littéralement la vie de Pauline.L'auteur réalise ici une véritable contre- enquête et ne laissant rien de côté ses propos sont toujours étayés et confirmés par des déclarations complètes des intervenants.
Enorme travail d'historien également réalisé par l'auteur qui nous décrit avec émotion l'occupation de Dunkerque et de sa région
Les écrits de Jaenada n'ont pas pour but de nous faire croire que Pauline est innoncente mais bien de nous fait comprendre le cheminement de cette femme dans la vie et ce qui l'a conduit un jour de 1953 devant les assises .
Un livre fort , poignant qui m'a fait découvrir une Pauline Dubuisson , trop libre , trop fière et indépendante aux yeux de patriarcat dominant de son époque.
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Je ne sais plus trop quand j'ai commencé à lire La petite femelle mais je n'ai pas été une reine de la vitesse avec ce roman (en même temps je ne me suis pas inscrite à un concours de rapidité de lecture )). Je l'ai aimé de la première à la dernière page (700 pages quand même) malgré ma lenteur (ou peut être est ce justement pour cela que je n'étais pas pressée de le finir pour retarder le moment de le refermer).

J'avais vu Philippe Jaenada dans une émission de télévision et outre les éloges concernant son roman, j'avais été séduite par l'auteur lui même, par l'humour qui perçait sous ses interventions, par la personnalité qu'il laissait entrevoir. Sur le plateau, il défendait avec sincérité et conviction mais sans angélisme Pauline Dubuisson. C'est d'ailleurs le point de départ du livre : le portrait sans nuance, accablant de la jeune femme dessiné au moment du fait divers la concernant (le meurtre de son ancien petit ami en 1950).

Face aux mensonges de la presse (les journalistes à l'époque se contentent de relayer les infos transmises par la police), aux mensonges des inspecteurs qui ont enquêté sur l'affaire, aux mensonges des magistrats et des avocats qui l'ont jugé, Philippe Jaenada a décidé de mener sa propre enquête pour réhabiliter la jeune femme. Si son livre est un roman, ce n'est pas parce qu'il a romancé une partie des faits (au contraire il les reprend un à un, relisant tous les témoignages, tous les rapports, toutes les archives, rejouant la scène du meurtre avec sa femme pour visualiser la trajectoire des balles).

Il cite Paul Valéry

Il y a plus faux que le faux, c'est le mélange du vrai et du faux.
et souligne que tous ceux, cinéaste ou écrivains, qui ont repris l'affaire Dubuisson avant lui, ont mêlé fiction et réalité.

Avant d'arriver au fait divers en lui-même, Philippe Jaenada revient sur les ancêtres de Pauline Dubuisson, sur l'éducation qu'elle a reçue exclusivement de son père (qui lui a aussi appris à ne jamais montrer ses faiblesses et plus généralement ce qu'elle ressent), sur la perte de son frère à 9 ans qui l'a beaucoup affecté et au contexte dans lequel elle grandit à Malo les Bains pendant la seconde guerre mondiale, autant d'éléments constitutifs de la personnalité de Pauline Dubuisson. Dans cette première partie, j'ai lu avec plus qu'intérêt les détails concernant l'opération Dynamo, la destruction de Dunkerque, l'occupation par les allemands car l'écrivain a une façon de raconter l'histoire que j'ai vraiment trouvé passionnante.

Au delà de son souci des détails (pas une seconde d'ennui pourtant), de sa rigueur, de sa pugnacité, de son entêtement à toujours interroger ce qui a fini par s'établir comme des évidences, j'ai aimé son style, son humour, son sens de la dérision.

Philippe Jaenada cultive avec brio l'art de la digression en commentant entre parenthèses ce qu'il écrit soit pour approfondir un point soit pour faire un lien avec sa vie et nous en raconter un épisode. Jamais il ne nous perd dans ces parenthèses pourtant nombreuses. Au contraire c'est souvent très jubilatoire à lire.

Et puis La petite femelle se lit comme une enquête policière même si on connait déjà la victime, la coupable et l'issue, l'auteur distille dans son récit un suspense des scènes précédant le meurtre aux derniers moments de la vie de Pauline Dubuisson en passant par le procès, qui m'a tenu en haleine.
Parce que La petite femelle est le portrait d'une femme haïe et seule face à son époque, parce que Philippe Jaenada a une voix d'écrivain unique, singulière, un regard à la fois drôle et sensible, je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans ce roman.
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Les coups de coeur se font rares pour moi en cette rentrée littéraire alors lorsque je tombe sur un roman comme La petite femelle je ne peux que saluer bien bas son auteur !

La petite femelle représente la biographie qu'on rêve de lire sur chaque personnage historique, le roman qu'on aime plus que tout sur chaque événement vrai et marquant : un mélange subtil et harmonieux entre la neutralité nécessaire à la vérité et la subjectivité obligatoire pour éveiller l'intérêt du lecteur, le faisant dévorer un pavé de plus de 700 pages. Philippe Jaenada se lance un défi : mener l'enquête sur cette figure féminine qu'est Pauline Dubuisson : une croqueuse d'hommes, une jeune femme en quête d'indépendance ou une personne perdue au milieu de l'horreur de la Seconde guerre mondiale ? Les trois à la fois ?

Vous allez donc voir le portrait le plus sincère de cette personnalité en même temps que la description fascinante d'une terrible époque. A côté de cette investigation il y a aussi ce personnage central qu'est Philippe Jaenada lui-même. Vous souvenez-vous de la célèbre citation de L'Attrape-Coeurs (Salinger) ?

« Mon rêve, c'est un livre qu'on arrive pas à lâcher et quand on l'a fini on voudrait que l'auteur soit un copain, un super-copain et on lui téléphonerait chaque fois qu'on en aurait envie. » [L'Attrape-Coeurs - J.D. Salinger]

C'est exactement ce que j'ai ressenti pour ce livre, je n'ai pas pu m'empêcher de faire défiler les pages, et lorsque qu'il me restait "encore" la moitié du livre en fait je pensais "il ne me reste plus que la moitié du livre", que vais-je lire à présent (d'ailleurs je suis en petite panne de lecture depuis) ? Philippe Jaenada est un auteur que j'aimerais vraiment rencontrer, il est drôle, il a le sens de l'autodérision, se livre à son lecteur comme s'il était son ami.

Ainsi au-delà de l'aspect impressionnant de ses recherches et connaissances, La petite femelle permet aussi à l'auteur de s'exprimer sans pour autant prendre le pas sur le sujet central de son livre, sans pour autant chercher à se mettre sur le devant de la scène. Il apporte une touche d'humour et de lumière dans une histoire tragique.

En définitive, j'ai eu le coup de coeur pour ce livre : il est passionnant du début à la fin, et je lirai avec joie les autres romans de cet auteur !
Lien : http://leatouchbook.blogspot..
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« Les défenseurs de la Loi, les chevaliers intègres de la Justice, je crois qu'ils ont menti sciemment, en toute connaissance de cause puisqu'ils ont lu le dossier (espérons) : ils ont triché dans l'enceinte du plus grand tribunal de France, pour écraser une jeune femme de vingt-six ans comme une punaise. »
Philippe Jaenada est clair dès le début de ce livre passionnant tellement il foisonne de détails, de précisions recherchées et trouvées grâce à un énorme travail, d'humour aussi ce qui détend bien le lecteur découvrant l'engrenage infernal de la vie de celle qui fut « une éclaireuse » qui a vaincu finalement car « les rues sont pleines de paulines. »
Le cinéma et d'autres auteurs se sont déjà emparé de l'histoire de Pauline Dubuisson et Philippe Jaenada n'hésite pas à se confronter à ceux qui l'ont précédé, sans complaisance et avec un souci constant de la vérité, écartant tout ce qui a été romancé, même si cela était fait avec talent, comme par Jean-Luc Seigle dans "Je vous écris dans le noir", livre « volontairement faux », récréant Pauline.
Au cours de son récit, l'auteur n'hésite pas à citer des événements, à raconter d'autres histoires, à détailler d'autres vies inspirées par son enquête qui commence dans la villa Les Tamaris, à Malo-les-Bains, commune détachée de Rosendaël puis rattachée à Dunkerque en 1969.
Pauline qui est née le 11 mars 1927, « dix mois après Marylin Monroe, quatre avant Simone Veil… », aura bientôt 14 ans. Il décrit minutieusement sa famille, détaille ses ascendants. André Dubuisson, son père, l'a élevée. Cet ingénieur revenu de la Première guerre mondiale comme colonel et officier de la Légion d'honneur a déjà eu trois garçons avec Hélène Hutter, son épouse, membre d'une famille où « il y a plus de pasteurs que de saucisses à Francfort » et aussi de la consanguinité.
Il est indispensable d'insister sur ce que fut l'enfance de Pauline avec une mère qui ne sort pratiquement pas de chez elle et un père « intelligent et cultivé, rude, exigeant et directif… par conséquent autoritaire… le colonel Dubuisson est austère, il est à l'austérité ce que l'eau est à l'humidité… Dès les premiers jours, il l'aime comme la mère juive de légende aime son fils. Il va en faire son double féminin, en l'améliorant. »
Elle ne va pas à l'école. C'est une préceptrice qui s'occupe d'elle avant que son père prenne le relais. Il lui inculque que la vie est un combat et qu'il faut être fort parmi les forts, contrôler ses réactions spontanées, réprimer ses élans. Il « en fait à la fois sa prisonnière et la reine de la maison. » Elle n'a que 7 ans et sera inscrite au collège l'année suivante avec deux ans d'avance mais « elle choque élèves et profs, on la trouve anormale, sèche, brutale, déjà cynique… » Précisons que sa mère l'appelle Paulette car Pauline, elle n'aime pas ce prénom. Les temps ont bien changé…
L'histoire de Pauline Dubuisson est lancée et elle se poursuit, très détaillée. Les Allemands occupent Dunkerque, une ville qui sera la dernière libérée, en France, le 9 mai 1945 et Pauline a le tort de vouloir vivre sa vie…
Une vie comme la sienne est très difficile à résumer car les drames qui la jalonnent méritent des explications fouillées, ce que Philippe Jaenada réussit parfaitement. Il faut lire "La petite femelle" pour enfin connaître la vérité sur une histoire qui a défrayé la chronique, en France, pendant plus de dix ans.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Extraordinaire biographie d'une personne dont je n'avais jamais entendu parler, Pauline Dubuisson, une jeune Française accusée d'avoir tué son ancien amoureux, au début des années 50.

Le livre de Philippe Jaenada est extraordinaire parce qu'il fait le portrait non seulement du personnage principal, mais aussi de la France d'après-guerre, une France qui se remet de la guerre et qui change tranquillement, surtout en ce qui concerne la place laissée aux femmes.

C'est écrit dans un style extrêmement vivant, les pages défilent et on arrive au bout, à la page 720, sans avoir perdu un brin d'enthousiasme.
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Le destin tragique d'une jeune femme au caractère trop fort et indépendant pour son époque.
Je ne connaissais rien de l'affaire Dubuisson lorsque j'ai entamé la lecture de ce roman. Qui était Pauline, ce qu'elle avait fait, ce qui lui avait valu un procès retentissant dans les années 1950. Je me suis laissée porter par l'enthousiasme de l'auteur qui aborde son histoire « avec un mélange de bienveillance et de détachement (il me semble que c'est ce qu'on doit s'efforcer de faire avec tout le monde) », s'évertuant à réhabiliter cette femme « tondue, meurtrie, humiliée, honnie, exilée ». A travers l'enquête minutieuse qu'il a menée durant des années, on navigue entre le Dunkerque de la Seconde Guerre mondiale pour la partie historique et la condition féminine bien avant l'obtention de son émancipation.

Adolescente pendant l'occupation nazie, Pauline a intimement fréquenté les Allemands, c'est sûr. On saura bien le lui reprocher et ce, toute sa vie. Ce que l'on oublie, c'est le rôle de son père. L'éducation qu'il lui a donnée (« Bravo papa, bon boulot, la petite écrase tout le monde et tout le monde la déteste »), le fait qu'il lui demande de traduire les échanges commerciaux avec ses « clients », qu'il invite des Allemands chez eux. Même pendant les attaques alliées en 44, alors que tout le monde fuit la ville, André Dubuisson reste à Dunkerque (« comme si une fille de dix-sept ans pouvait être tenue pour responsable des actes de sa famille »). La petite est précoce, intellectuellement et physiquement, « ne vit qu'avec de grandes personnes » et « son corps va lui servir d'outil de pouvoir ». On oublie aussi un peu vite le contexte de la guerre : à 13 ans, Pauline est « perturbée, choquée par la mort et la souffrance qui l'entourent ». Si elle travaille à l'hôpital allemand, c'est qu'elle a décidé « de passer sa vie à soigner les gens » (d'ailleurs elle entamera plus tard des études de médecine). Enfin, loin de se livrer au libertinage, elle a réellement aimé les hommes qu'elle a fréquentées. Bref « on a transformé et alourdi tout ce qu'elle a fait » alors que son père, « puissant et respecté avant-guerre, n'a jamais été bousculé ni même critiqué directement au sujet de ses relations ». Clairement on est dans un monde où pour l'instant la grande majorité des femmes n'a guère de liberté.

Au moment de la Libération, Pauline est tondue et lynchée. Aucun viol collectif n'a été officiellement signalé mais des éléments tendent à penser que la jeune femme en a été victime. Victime, elle le restera toute sa courte vie : elle ne se défera jamais de son passé. Pourtant elle quitte la région, part à Lyon puis étudie à la faculté de médecine de Lille. C'est là qu'elle rencontre Félix Bailly, étudiant comme elle. Ils se retrouveront au coeur d'un fait divers sordide. Au cours du procès, on ressort à charge le brûlant dossier allemand. C'est là que l'énorme travail de recherche de l'auteur prend toute son ampleur. Philippe Jaenada a tout décortiqué. Les témoignages orientés, les remontrances déguisées et sans preuve, la déformation du rapport policier par les médias, la fragilité des témoignages indirects, les inventions et les contradictions, l'indécence souvent grossière des trois inquisiteurs de l'accusation, le roman de Serge Jacquemard et ses « améliorations romanesques » : tout ce que l'opinion publique a retenu, ce sont les versions fausses de la réalité, une véritable « réécriture de la vie de Pauline Dubuisson »… le procès est une imposture, un immonde travail de sape : « Plus je m'enfonce dans l'histoire de Pauline, plus je suis consterné par tout ce qu'on a prétendu ou affirmé sur son compte ».

On sent beaucoup de passion chez Jaeneda qui est littéralement parti sur les traces de Pauline, retournant dans les lieux qu'elle a fréquentés, lisant les mêmes livres qu'elle, rejouant la scène fatale avec son épouse, afin de se mettre dans l'état d'esprit de la jeune femme tandis qu'il avance consciencieusement l'écriture du texte. Celui-ci est truffé de commentaires et d'apartés, souvent drôles, parfois pénibles, ce qui rend le récit particulièrement vivant. Il fait littéralement renaître Pauline, la vraie Pauline, tout en nuances, pas ce monstre sans coeur que la presse à scandale nous a vendu. Si Pauline a servi de bouc émissaire, c'est qu'elle « ne ressemblait pas à toutes ces jeunes filles sages de bonne famille ». Dans sa dernière partie, le roman regorge de portraits (à la Bellemare!) d'autres femmes qui ont croisé son chemin, condamnées « parce que trop faibles ou trop fortes, intelligentes ou stupides, indomptables ou matées mais en tout cas écartées comme elle ». L'auteur les évoque avec la même affection. C'est ce qui a certainement le plus manqué à Pauline dans sa vie, une tendresse durable, au lieu de cet acharnement qui l'a poursuivie bien après les faits (« Je crois bien que ma famille est maudite et moi aussi. »). Chaque fois qu'elle a cherché à partir, à recommencer, à se faire oublier, on lui a rebalancé des faits anciens. Mais grâce à ce roman, elle est, d'une certaine manière, toujours vivante et surtout, réhabilitée.
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