AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,69

sur 1113 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Pour ce qui est du sujet de la Serpe, la première partie de la quatrième de couverture est parfaite dans le genre informatif : dates, lieu, personnages, faits. Je vous y renvoie. J'ai appris récemment qu'une bonne chronique littéraire devait parler du livre, pas de son sujet. L'excuse est bonne pour ne pas tenter un (énième) résumé de l'histoire (merci, Philippe Annocque).

Malgré ses nombreuses références clin d'oeil aux méthodes de détectives littéraires populaires (Poirot, Columbo, la petite bande du Club des cinq,...) Philippe Jaenada ne fait pas que de la littérature dans La Serpe.
On comprend et on croit très vite à la force de son engagement, à sa volonté de ne rien rater de ce que les autres ont vu, dit et écrit sur l'affaire, mais surtout d'aller encore plus loin en quête de ce qui leur aurait échappé, ou qu'ils auraient volontairement déformé.
Il ne s'en vante pas, c'est pas son genre, mais il suffit de lire La Serpe pour comprendre combien il a payé de sa personne pour mener son "enquête" : avant d'écrire, il a sans doute passé des jours et des nuits à consulter des montagnes de comptes rendus judiciaires, de correspondances, de témoignages, à lire la presse de l'époque, à prendre des notes, à compiler, à comparer.
Ensuite, se rendre sur le lieu du drame, s'isoler, s'imprégner, au risque ou à la chance de perdre ses propres repères.
On sent qu'il a même parfois pensé à l'échec de son entreprise (bizarrement un seul des 21 chapitres, le douzième porte un titre, "Tunnel", tiens pourquoi ?).

C'est cette démarche d'immersion en décor naturel - un repérage à posteriori - qui sert de structure au roman.
Parti de Paris au mois d'octobre 2016, le romancier-narrateur va passer une dizaine de jours tout seul à Périgueux, tourner autour du château d'Escoire où a eu lieu le massacre à la serpe soixante quinze ans plus tôt, et du tribunal où le procès s'est déroulé en mai 1943.
Il raconte le voyage, sa voiture de location mal réglée, l'hôtel Mercure de Périgueux où il n'y a pas de mini bar ; les (nombreuses) sculptures rouillées de Jean-Pierre Rives l'ancien rugbyman qui décorent la ville ; les œufs frais que des enfants lancent sur lui depuis un balcon (sorte de lynchage rural qui postfigure en moins tragique les relations difficiles de la famille Girard, propriétaires parisiens fortunés, avec leurs métayers durant l'Occupation).
Et à chaque chapitre, il interrompt son journal de bord périgourdin et remonte le temps pour nous plonger dans une bonne tranche de l'affaire Girard : comment tout a commencé, l'entre deux guerres, la personnalité étrange du jeune Henri, son mariage précoce en 38, sa captivité, son évasion, son kidnapping contre rançon dans Paris occupé.
Puis on abandonne la chronologie, avec la transformation d'Henri après son emprisonnement : acquittement, nouvelle femme, enfants, dilapidation de son héritage, vie aventureuse en Amérique du Sud, retour et écriture sous le pseudo de Georges Arnaud, le Salaire de la Peur, succès, remariage, engagement contre la torture en Algérie avec Vergès, et pour finir, installation en Espagne.
Puis retour arrière avec le procès à Périgueux en mai 43 (mais toujours rien sur les meurtres sanglants de 41... patience) : la formidable figure de Maître Maurice Garçon, ses méthodes, les trois jours d'audiences, la délibération express du jury, le verdict.

Je conseille de ne pas lire certaines pages de La Serpe avant d'aller dormir, surtout ni c'est, comme moi, dans les étages d'un vieux château (cette nuit-là j'ai entendu les boiseries grincer, et j'ai dû me retenir de me lever pour aller vérifier la fermeture des portes). Une scène de crime effroyable, pas d'empreintes malgré le sang répandu, des accès apparemment inviolés, des toiles d'araignée qui font office de scellés, une panne d'électricité opportune, des indices trop bien placés : tous les éléments d'un mystère criminel qu'on croirait tirés grand classique de la littérature policière...
Là, je commence à dériver sur le sujet, revenons au livre...

Jaenada est réputé pour ses digressions familières (et/ou familiales) souvent cocasses, on les attend, on les savoure, on n'est pas déçu.
Il y a celle sur Houellebecq s'enfuyant à la cloche de bois de l'abbaye périgourdine où il était venu travailler sur Huysmans et Soumission ; infiniment touchante, une postface à La Petite Femelle avec des nouvelles d'Essaouira où a été inhumée Pauline Dubuisson, pour des compléments d'information ; des voix du passé : la triste destinée d'adulte de Bébé Cadum, celle beaucoup moins triste et plus longue de la fameuse Pompe funèbre responsable du décès scabreux de Félix Faure, etc.

Je n'ai pas sous la main ses précédents romans (que j'ai lus et beaucoup aimés) sur Bruno Sulak et Pauline Dubuisson, mais j'ai l'impression qu'avec Henri Girard, Jaenada est allé encore plus loin dans l'implication personnelle. Et au départ ce n'était pas gagné car contrairement à Sulak et Pauline, Henri Girard (alias Georges Arnaud) n'est pas beau du tout et pas très attachant. C'est plus facile quand les personnages malmenés par la vie ont des physiques angéliques et qu'ils irradient une lumière séductrice qui fait contraste avec leur part d'ombre. Si Jaenada s'est vraiment forcé pour Henri (mais c'est peut-être juste une habile manipulation d'écrivain pour emballer le lecteur, auquel cas je me suis fait avoir avec plaisir !), l'effort valait la peine, et le résultat est d'autant plus réussi.

Georges Arnaud a dit un jour qu'il voulait faire un livre sur la rencontre d'un père et de son fils. Il ne l'a jamais écrit (on comprend pourquoi en lisant La Serpe). Avec La Serpe, Jaenada le fait à sa place, in memoriam. L'amour de Georges Girard pour son fils Henri est au cœur du drame, et celui de Philippe pour son fils Ernest, quotidien et vrai, offre un contrepoint consolateur, léger et souriant, à une apocalypse familiale qui fend le cœur.
Lien : http://tillybayardrichard.ty..
Commenter  J’apprécie          234
En parcourant les sélections du prix des lectrices de Elle , j'ai relevé que le livre « La Serpe » de Philippe Jaenada sous la plume de A de M, a été dégriffé au motif d'y trouver un assemblage de toutes les anecdotes imaginables autour de Henri Girard.
C'est justement pour ce motif et parce que j'apprécie les fleuves foisonnants, les digressions intempestives, que j'ai lu « la Serpe ». 

Je me suis servi et resservi à ce menu g'astronomique. Nous sommes de déconcertants lecteurs, à travers nos avis clairsemés et contradictoires, on relève de si profanes divergences.

Je soulignerai le plaisir de soupeser 640 pages et d'en souper, ça fait du bien de lire des romans ultra longue distance, des livres pour combler un vide dans l' estomac et assouvir notre faim. Et quel estomac faut-il, pour s'enhardir d'un dossier plié d'avance, et un non-lieu qui avait scandalisé à juste titre la France de Vichy.

Quel mouche a piqué Philippe Jaenada de se lancer dans cette enquête ? Lecteur, je suis impatient de lire et de goûter, et avide de découvrir pourquoi l'auteur s'est mis à table, et pour quelles idées. A ressasser le passé de Pierre Girard, j'avais le sentiment de lire un récit sans queue ni tête, je baissais les bras. Puis multipliant les vat-et-vient mon obstination a payé, car j'ai relevé la tête et entrevu le défi .


L'indice oublié s'il existe, ne peut se cacher que dans les sous bois d'un château hanté, perdu dans le menu détail d'une affaire judiciaire hors norme, où l'on dissèque trois cadavres horriblement décapités à la serpe ( une première sans nul doute) la propre famille de Henri Girard, dans le Château d'Escoire .


Un défi, inutile, mais quel émotion pour l'écrivain, faut-il ne jamais baisser les bras. Défi d'autant plus périlleux que les charges sont trop pesantes, pour fragiliser la culpabilité de Henri Girard. L'enquête est au point mort depuis 42, Philippe Jaenada, et sa Meriva la sort de sa tombe.


Avec l'art de maintenir notre attention, Philippe Jaenada multipliera les fausses pistes se délectant par exemple de ce cabinet de toilettes condamné. Gendarmes et policiers dépités en feront le constat , "page 187 on aurait donc pas pu l'ouvrir de l'extérieur".

Les témoignages, les plaidoiries des avocats, les PV de l'instruction, se sont brisées sur une multitude de faits mal coordonnées, dans les méandres de pièces à charge bien trop volumineuses.. Au final Me Maurice Garçon retourne le tribunal à sa cause, Henri Girard sauve sa tête.

Analyser le fonctionnement de la justice dans ce contexte éveillait chez Philippe Jaenada une gourmandise de choix , qu'il a su exhausser.
Pour gagner un procès il faut connaître le droit ou connaître le Président du tribunal. L'instruction sera dispersée et certains se feront abuser comme le Juge Joseph Marigny par des confidences fantaisistes de Henri Girard à la prison de Beleyme à périgueux.
La partie la plus saillante est la correspondance citée page 275 " Mon chère maître et cher ami" entre l'avocat Maurice Garçon et le président du tribunal Henri Hurlaux, (qui sera révoqué par le garde des sceaux suite à l'affaire Stavisky) . Cette complicité met une touche sulfureuse à ces investigations, et Me Garçon passera en dernier, les délibérations n'ont jamais été aussi courtes pour un triple meurtre.


Le troisième sujet du livre est le parcours désordonné d'un personnage de cinéma, d'un saltimbanque des nuits parisiennes ( avec son ami Calaferte), et le cerner ou le décrire peut rapidement vous griser.
Car dans cette trajectoire, la réalité viendra très vite faire un pied de nez à la fiction, le personnage clé, Henri Girard, ou Georges Arnaud est une énigme à lui tout seul, prêtre ou bandit selon les circonstances, moraliste ou dépravé selon ses fréquentations, courageux ou lâche avec sa propre famille, honnête ou voleur selon son humeur, écrivain ou pamphlétaire selon ses colères.

Parallèlement les relations entre le père et fils sont parfois très émouvantes. On découvre entre le père d'Henri et son fils des liens d'affection sincères. Lui soutirer de l'argent était devenu un jeu de plus en plus subtil, il ne pouvait s'en passer.
Allant jusqu'à imaginer une fausse arrestation, puis une demande de rançon par la police allemande.

L'histoire du film "le Salaire de la Peur", se trouve propulsé sur l'avant scène, c'est peut être le sujet initial du livre tant il suscite l'intérêt de Manu le petit fils de Pierre Girard et l'ami de Phlippe Jaenada. Sa rancœur à l'égard de H G Clouzot, est l'un des passages les plus savoureux de l'évocation du 7ème art. Tout cinéphile ne peut se passer de lire ces récits, ces digressions sur le cinéma d'après guerre. le titre a lui seul est rentré dans le langage courant, la formule inspire avec le sale air du rappeur page 119 .
Le livre et le flm vont modifier sa trajectoire, c'est plus qu'un triomphe,

Avec le salaire de la peur, Georges Arnaud est rentré dans notre paysage culturel et littéraire. Malgré ce succès il gardera à l'égard de Clouzot une féroce iniquité déclarant : " le film est bâtard, truqué, à trop vouloir nuancer, adoucir, il a caricaturé. Il a voulu faire de la philosophie. Il a eu tort. P114."


Le style de Jeanada, est celui de l'urgence, de la turbulence, c'est un pilote de rallye, pas un promeneur solitaire en rase campagne, il mène son écriture à fond la caisse, sur verglas, sur chaussée défoncée comme sur la glace. Ainsi on peut rester embourbé sur un détail, ou filer à vive allure, sans rien voir, c'est là que commencent les digressions. Il refait le parcours, sans lâcher l'accélérateur. 640 pages comme 640 km avant d'atteindre le Château d'Escoire.


Ce château il le découvre dans les dernières pages, ce n'est pas un château très luxueux, plutôt une masure féodale, l'eau courante n'existe pas. Ce sont les gardiens Monsieur et Madame Doulet qui tous les jours transportent l'eau. Des gardiens corvéables à merci, résignés. On fera la connaissance du fils dont on ne sait pas grand-chose.
La famille Gérard et la tante Amélie, veillaient à économiser sur chaque ardoise.

J'avoue, avoir joué au chat et à la souris avec le récit. Abandonnant la meriva, à Périgueux, chapitre cinq, pour filer chapitre 15 voir Monique Lacombe, son père figure parmi ceux qui n'ont jamais douté de son innocence. Puis je suis retourné lire le destin de celui qui a failli mourir sans laisser de traces.
C'est ainsi que je reviens sur certains détails oubliés, certaines phrases insolites. Je ne partage pas tout ce qui se dit , mais lire est un voyage, Philippe Jaenada, sait nous faire voir du pays.


Commenter  J’apprécie          223
24 octobre 1941, le Château d'un petit village du Périgord est le théâtre sanglant de ce qui restera une énigme jamais élucidée : le triple meutre du château d'Escoire.
Un fait divers sanglant, une riche famille de châtelains, une arme du crime pour le moins originale (une serpe !), un suspect numéro 1 marginal, colérique et dépensier, unique héritier des victimes... il n'en fallait pas tant pour donner envie à Philippe Jaenada de mener l'enquête.
Sur un peu plus de six cent pages, il revient sur la vie tumultueuse d'Henri Girard, le principal suspect (qui deviendra George Arnaud, l'auteur du « salaire de la peur »), il fouille, se rend sur le lieu du crime, interroge les archives, déniche des preuves... le tout sur le ton cocasse du journaliste amateur loufoque. C'est le style Jaenada :
très « typé », bourré de digressions plus ou moins intéressantes, qui amusent ou qui agacent. J'avais adoré dans « La petite femelle », j'avoue m'être un petit peu lassée ici...
Trop d'anecdotes personnelles sans intérêt et surtout trop de Parisianisme (il l'avoue lui-même p304 « Les gens d'ici sont chaleureux, il faut que je me débarrasse de mes préjugés »).
Du coup, toute la première partie du livre je me disais, agacée, que si, à l'instar de son « héros » ethno-égocentrique, monsieur Jaenada se sentait un peu persécuté par la population périgourdine, il l'aurait bien cherché !!
Sauf que...
Arrivé à la moitié du livre, Jaenada s'emploie soudain, tel un avocat, à casser un par un les arguments de l'accusation ... pour nous donner sa théorie sur ce qui c'est réellement passé au château d'Escoire cette nuit là et éclairer l'affaire d'un jour nouveau. Un revirement pour le moins étonnant, et peut-être la fin d'une énigme vieille de 75 ans... mais je n'en dit pas plus pour ne rien spoiler !
Vous l'aurez compris, passé les quelques longueurs et autres bla-bla inutiles de notre parigot en goguette, cette histoire pleine de mystère, racontée avec passion et dans un humour décapant, a finit par me convaincre. Un livre qui mérite assurément le détour... au delà du periph.
Commenter  J’apprécie          220
Je me rends compte que j'ai oublié de chroniquer La serpe, prix fémina 2017, découvert grâce à net galley et les éditions Julliard.
Ayant beaucoup aimé Sulak de Philippe Jaenada, c'est avec plaisir que je me suis plongée dans La serpe.
Philippe Jaenada fait d'un fait divers parmi tant d'autres un très bon roman. Inspiré par un fait réel : Un matin d'octobre 1941, dans un château sinistre au fin fond du Périgord, Henri Girard appelle au secours : dans la nuit, son père, sa tante et la bonne ont été massacrés à coups de serpe. Il est le seul survivant. Toutes les portes étaient fermées, aucune effraction n'est constatée. Dépensier, arrogant, violent, le jeune homme est l'unique héritier des victimes. Deux jours plus tôt, il a emprunté l'arme du crime aux voisins.
Mais il est acquitté au terme de son procès, s'exile au Venezuela...
Des années plus tard personne ne sait ce qui s'est passé, jusqu'à ce que l'auteur revienne dessus et mène l'enquête...
J'ai beaucoup aimé cet ouvrage, très bien écrit, qui m'a captivé de la première à la dernière page.
Je n'ai pas accroché avec Henri, évidemment, car on ne peut pas dire que le bonhomme soit très intéressant ! Mais il intrigue...
Et malgré la personnalité d'Henri, tout m'a plu dans ce livre, qui selon moi mérite bien son prix Fémina.
Deuxième roman que je lis de cet auteur, mais pas le dernier car j'aime beaucoup sa façon d'écrire.
C'est avec plaisir que je mets cinq étoiles.
Commenter  J’apprécie          210
Philippe Jaenada me fait penser par son physique et son comportement à un patou (Montagne des Pyrénées).... vous savez, ces chiens de bergers débonnaires et câlins, patients et courageux, rongeant méticuleusement leurs os, et terriblement efficaces pour lutter contre les loups et protéger les brebis. J'espère qu'il ne m'en voudra pas
Emmanuel, qu'il rencontre par hasard lui parle de son grand-père, dont tout le monde a entendu parler : Georges Arnaud, vous savez….c'est l'auteur qui a inspiré le film "Le salaire de la peur"…oui, le film est plus connu que le roman. Georges Arnaud - nom de plume d' Henri Girard - a été accusé d'un triple meurtre, celui de son père, de sa tante et de la bonne, un meurtre commis avec une serpe qu'il avait emprunté et dont il s'était servi pour élaguer des jeunes sapins.
Acquitté il a échappé de peu à la peine de mort…Oui c'est une vieille histoire qui remonte aux années d'occupation entre 1941 et 1943. Il avait 24 ans.
Il n'en faut pas plus pour Jaenada, pour sortir du périphérique parisien, prendre l'autoroute au volant de sa Mériva capricieuse et se rendre en Périgord, sur les lieux du crime, afin de comprendre…et de partager. J'avais déjà apprécié l'auteur et le texte "La petite femelle", dont le nombre de pages ne m'avait pas découragé.
Et je n'ai pas été déçu par "La Serpe".
Jaenada va s'imprégner des lieux du crime, un vieux château familial qui a depuis été racheté, transformé en colonie de vacances, puis en gentilhommière, rencontrer les gens du crû, dépouiller tout ce qui a été écrit sur cette affaire, journaux et comptes rendu du procès, correspondances entre Henri, et son père assassiné… nous prendre par la main tel Maigret, ne négligeant aucun indice, aucune petite phrase, aucune rencontre…jusqu'au dénouement final.
Surprise!
Quand Henri Girard est emmené vers le tribunal, il a entendu "le surveillant en chef, a dit devant lui à l'un des matons : « Vous ferez préparer la cellule des condamnés à mort. »"
Jaenada va jongler avec plusieurs histoires, plusieurs périodes, qui vont toutes s'entremêler.
L'histoire tout d'abord d'Henri Girard l'accusé, et de sa famille. Henri Girard fantasque, faisant les 400 coups, dilapidant la fortune familiale, escroquant sa tante, paraissant peu sympathique. Devenu plus sage et moins fantasque après ce procès, Henri, Georges Arnaud, partira pour l'Amérique du Sud et mettra sa plume au service de justes causes, écrira plusieurs livres, travaillera avec Clouzot qui réalisera le film "Le salaire de la peur"….Avec lui j'ai agrandi ma liste de livres à lire.
Puis le contexte historique du procès, la grande et la petite histoire de la période 1941-1943, celle de personnages de l'époque, Pétain, etc.
Jaenada nous parlera aussi de lui, de ses indignations, de ses amours, de son voyage vers le Périgord, de son séjour sur les lieux du crime, de ses soirées seul devant ses verres de whisky, ou dans les restaurants chinois... Il nous fera sourire, évoquera ses textes, reviendra à plusieurs reprises sur son précédent coup de gueule "La petite femelle" et partagera ses indignations diverses.
Il va jongler avec les périodes en passant de l'occupation à 2016, faire des allers-retours entre ces histoires et ses textes. Roi des digressions et des redites il en découragera peut-être certains.
Mais surtout il va implacablement chercher le coupable.
Philippe Jaenada a effectué un impressionnant travail de recherche, de croisement d'indices et de déclarations, un travail que la police et la justice n'ont pas fait entre 1941 et 1943, des lacunes qui auraient pu coûter la tête d'un homme, sans le talent de Maître Maurice avocat d'Henri.
On en tremble d'indignation… Un condamné ne pouvait pas faire appel de sa condamnation à la peine capitale. Combien d'innocents en sont morts ?

Lien : https://mesbelleslectures.co..
Commenter  J’apprécie          202
En 1943, Henri Girard est accusé d'avoir assassiné à coups de serpe son père, sa tante et la vieille bonne au château d'Escoire près de Périgueux
Défendu par Me Maurice Garçon, il est acquitté contre toute attente. Il quitte alors la France pour l'Amérique du Sud
. Ruiné, il rentre en France et devient écrivain à succès sous le nom de Georges Arnaud, auteur notamment de "Le salaire de la peur" qui sera adapté au cinéma.
Jaenada refait l'enquête soixante dix ans plus tard. Il passe quelques semaines à Périgueux
Et il se met en scène reconstituant le crime et le procès. Il décrit ses déambulations entre l'hôtel Mercure et la collection de purs malts du Garden Ice Café, et Escoire (le château ne se visite toujours pas  ; lil relate ses conversations avec les uns et les autres (il n'existe évidemment plus de témoins de l'époque,. Il reconstitue l'affaire, nous donnant entre autres un plan du château qui fleure bon les romans d'Agatha Christie. Après en avoir terminé avec Henri Girard, il reprend l'enquête et trouve le « vrai » coupable (selon lui, bien sûr). Et on y croit, parce Jaenada a beaucoup de talent.
Le livre est émaillé de considérations sur sa vie privée et sur sa femme. En les lisant, on se dit que cette dernière a une sacrée patience. Il est vrai qu'elle doit être habituée, étant mise en scène dans pratiquement tous les livres de son mari (il s'est calmé dans les derniers)
A ce sujet, j'ai remarqué que ceux qui n'ont pas aimé le livre reprochent essentiellement à l'auteur ses parenthèses et ses digressions. Mais les parenthèses et les digressions, c'est l'essence même de Jaenada! Et c'est précisément pour ça qu'on l'aime (quand on l'aime, bien sûr)
Pour ceux qui l'aiment, le livre, curieux objet littéraire non identifié mêlant enquête policière et autofiction, est passionnant et très drôle
Son cadre est un attrait de plus pour les Périgourdins dont je fais partie, qui peuvent s'essayer à retrouver le Périgueux de l'époque.
Le château d'Escoire existe toujours. Il ne se visite pas (en tant que monument, il n'a pas d'intérêt)
Un autre livre a été consacré à cette affaire « La serpe rouge » de Nan Aurousseau, Editions Moissons Noires, 2021. Je ne conseille pas de le lire ; il est écrit dans un style épouvantable et en définitive parle fort peu de l'affaire mais se perdant dans des considérations historico-politiques hors de propos et qui ne démontrent que son ignorance presque totale de la période

Dans Mon journal dans la grande pagaïe, volume du Journal de Jean Galtier-Boissière pour les années 1945 et 1946 (Editions La Jeune parque, Paris, 1947, réédition numérique FeniXX 2019) , l'affaire est mentionnée comme suit :
 « Quant à Garçon, il nous retrace l'enquête personnelle qu'il entreprit pour confondre le juge d'instruction et prouver l'innocence du fils de notre ami, l'historien Georges Girard, accusé d'avoir assassiné en série son père, sa tante et la bonne ! Lorsqu'il débarqua à Périgueux, Garçon fut hué par la foule ; après l'acquittement de son client qui avait passé dix-huit mois en prison préventive, l'avocat fut porté en triomphe !Bizarre personnage, très balzacien, que ce Georges Girard, avec sa trogne de grognard aux grosses moustaches rousses, mal fringué, négligé, rarement lavé, couchant avec un vieux chandail crasseux et occupant trois pièces sommairement meublées au milieu d'un château de quatre-vingt mètres de façade »
Quelle fut la stupéfaction de Garçon lorsqu'à la liquidation des biens de la victime, qu'il avait toujours considérée comme besogneuse, l'avocat apprit que la succession était de l'ordre de 12 millions ! » Pour information, cette somme de douze millions de francs (anciens) représente une somme de trois millions six cent mille euros

Le Journal de Galtier-Boissière en quatre volumes représente un document passionnant sur l'Occupation, la Libération et les dernières années quarante ; on le trouve facilement dans l'édition numérique,

Sur l'affaire Girard, voir aussi « Journal 1939-1945 » de Maurice Garçon, Les belles lettres, 2015
Commenter  J’apprécie          170
Quel livre !!!
Tout d'abord, il y a une histoire vraie, tragique, celle d'un triple meurtre commis quelque part dans le Périgord, en 1941, dans un château. Par qui ???
Le coupable est tout désigné, Henri Girard que l'on connaitra par la suite sous le pseudonyme de Georges Arnaud. Tout l'accuse rapidement, c'est un homme que j'ai trouvé parfaitement antipathique dès le début, il est arriviste, intéressé, parfois violent et toutes les preuves sont contre lui. Bien sûr que cela ne peut être que lui.
Mais grâce au talent de son Avocat, il est finalement acquitté!
Philippe Jaenada a décidé de reprendre cette histoire et de mener l'enquête pour trouver le coupable. La tâche est compliquée, tous les protagonistes de l'époque étant morts. Un travail de fourmi commence pour l'auteur, il reprend les faits, lit tous les compte-rendus, articles, témoignages de l'époque. C'est un travail titanesque qu'a accompli Philippe Jaenada, et il arrive à nous raconter tout çà comme un polar et avec une pointe d' humour que j'ai adorée. Vraiment je ne m'attendais pas à rire autant en lisant une telle histoire, ce monsieur a un talent unique.
S'il fallait y trouver un défaut, je dirais juste que les 150 premières pages où l'on nous déroule la biographie intégrale d'Henri Girard sont un peu longues, mais on oublie vite lorsqu'on entre dans le vif du sujet.
Moi qui n'adhère pas toujours aux prix, cette fois je ne peux que dire que ce prix Femina est largement mérité.
Commenter  J’apprécie          150
Quelle jubilation ce livre!!!
Tout d'abord, il y a une histoire, tragique, terrible et morbide. Un triple meurtre, dans un château, avec un coupable tout désigné mais finalement acquitté! Mais cet accusé n'est pas n'importe qui.... C'est l'auteur du Salaire de la peur, George Arnaud, de son vrai nom Henri Girard. Histoire complètement incroyable et digne d'Agatha Christie!
Mais avant tout, il y a un écrivain génial, qui a décidé de reprendre cette histoire et d'en dérouler le fil pour trouver le coupable, le vrai....ou pas! Et c'est génial, drôle, cynique et surtout très très bien ficelé et écrit!!!
Je me suis vraiment amusée à cette lecture, qui mêle enquête très rigoureuse et humour très décalé! Prix Femina mérité!
Commenter  J’apprécie          150
Je ne vous ferai pas l'offense d'un nouveau post commençant par *tudum tudum*. Quand bien même celui-ci est en miroir du précédent. Pourtant, je viens de lire le maître ès faits divers. Et sûrement LE livre qu'il faut avoir lu quand, comme moi, on est amateur de crimes horribles racontés avec une voix profonde et mystérieuse (Pradel, Bellemare, Hondelatte, Drouelle, poke les gars !) Là encore, pas de chroniques à base de parenthèses pourtant chères à l'auteur (et à mon coeur, j'aime tellement les conversations parallèles et les digressions en tout genre). Mais un post on ne peut plus conventionnel qui n'aura pour seul objectif que celui de vous convaincre, si vous ne l'êtes pas déjà, qu'il faut lire Jaenada (et je n'ai même pas été soudoyée par @thaelh . Elle vous en a déjà parlé ? Je ne suis pas sûre.)

La serpe, c'est l'arme du crime. le château d'Escoire, le lieu du drame. Les victimes ? Georges, Amélie et Louise. le coupable idéal ? Henri Girard. Qui sera finalement acquitté de ce triple meurtre grâce au célèbre avocat Maurice Garçon. Et qui deviendra Georges Arnaud, auteur du Salaire de la peur. Il portera toute sa vie durant, le deuil de sa seule famille et l'infamie de cette enquête.
Un ami, parent d'élève et descendant du principal intéressé, doté d'une grande force de persuasion, va lancer Philippe Jaeanada sur la piste d'Henri Girard. C'est en Meriva que ce périple de plus de 600 pages commence. Une enquête fleuve où Philippe Jaenada va reprendre chaque élément, rouvrir chaque dossier, passant des heures aux archives (big up aux deux supers archivistes qui prouvent à elles seules toute la force du service public !), remontant le cours du procès, le cours de l'histoire (cette ténébreuse affaire datant de 1941, période bien ténébreuse elle aussi.) (Ah, voilà, que je commence moi aussi à me perdre dans les parenthèses.)

Jaenada est tour à tour drôle, tendre, pugnace. Il nous entraîne avec lui en ami, comme s'il nous invitait dans sa bande (à lui tout seul) et que nous devenions membre du Club des Cinq (je pourrais être Claude ? C'était un peu ma préférée.) Nous tentons de comprendre pourquoi Maurice Garçon a tenu à défendre Henri Girard.

Comprendre aussi les premières heures de l'enquête, les témoignages à charge, mais aussi et peut-être surtout Henri Girard. Un personnage en or pour un orfèvre comme Jaenada. Tout est ciselé, le moindre détail est sculpté. Tout est intelligent. Et dieu que ça fait du bien de lire un livre comme celui-là. Alors, c'est en Watson admiratif de ce Sherlock et content d'avoir participé à tout ça, même de très loin, que nous refermons le livre. En ayant la satisfaction d'une affaire résolue.
Commenter  J’apprécie          140
Si l'on voulait faire dans la provocation, on pourrait dire que Philippe Jaenada fait montre dans ses romans d'un comportement proche de la monomaniaquerie.
Mais comme on éprouve pour lui un attachement mâtiné d'admiration, on se contentera de dire que c'est un écrivain doué d'une application peu commune.

Depuis 2013 et son roman Sulak que je n'ai pas encore pu découvrir mais que je me consume de lire enfin, Jaenada investit à sa façon et avec une minutie rare ce que l'on appelle dans le monde anglo-saxon des "cold cases", ces affaires mystérieuses refermées sans réponse satisfaisante ni coupable définitif. Après Sulak, ce fut au tour du merveilleux La Petite Femelle de paraître, puis enfin à La Serpe, lauréat du prix Femina (au grand ravissement de son auteur, qui désespérait de voir un jour sa prose à nouveau récompensée, des années après le Flore qui avait couronné son premier roman).

La Serpe, c'est donc la plongée de l'auteur lui-même dans une obscure histoire de triple meurtre. Un château perdu en plein Périgord. le châtelain, sa soeur, sa bonne. Tous les trois retrouvés baignant dans leur propre sang, massacrés à coups de serpe - on a connu mort plus paisible. Mais l'impensable, le plus horrifiant est encore à venir : le fils du propriétaire désormais décédé est toujours là, bien vivant, fringant même, alors qu'il a lui aussi passé la nuit au château.

Pour ne rien arranger, il s'avère que ledit rejeton a lui-même emprunté la serpe à ses voisins deux jours plus tôt, et qu'il patauge dans de terribles problèmes d'argent qui pourraient tout à fait bénéficier de l'éventuel héritage de son bien-aimé géniteur.

A partir de là, pas besoin d'avoir passé un doctorat en criminologie pour comprendre ce qu'il a bien pu se produire au château d'Escoire par cette froide nuit d'octobre 1941.
Fiston fauché, kaput papa, et les deux autres aussi, tant qu'à faire.

Sauf que par miracle, par absurdité, par erreur, par un de ces événements aussi inattendus qu'improbables, le fils, Henri Girard, s'est trouvé acquitté. Blanchi, disculpé, relaxé, dites-le comme vous le voulez. Relâché dans la nature, sans que le moindre coupable ne soit jamais désigné au cours des décennies qui s'ensuivent.

L'affaire a un terrible goût d'inachevé. Et ce n'est pas du coup de Jaenada.

Pour les néophytes du style jaenadien, voici un petit bréviaire de ce à quoi vous pouvez vous attendre : des digressions, des détails, des parenthèses, des péripéties, un soupçon d'autothérapie psychologique, des considérations urbanistiques et immobilières, de l'autopromotion, une ironie succulente en tous points, des portraits furieusement réjouissants de cynisme, une minutie retournante et une dévolution pure et entière à une seule et même affaire, celle de ce triple meurtre.

La plume de Jaenada est reconnaissable entre mille : amusée, distanciée elle-même de ses propres lubies, furieusement tendre, hilarante comme pas deux, virtuose de la parenthèse enchâssée dans une parenthèse elle-même ouverte au sein d'une autre parenthèse, experte en transitions impossibles, aussi excessive qu'inexplicablement addictive. L'auteur s'assume entièrement en narrateur incarné, lancé sur les routes périgourdines à la poursuite d'un mystère que seules quelques âmes isolées ont tenté de rouvrir en soixante-dix ans. Son périple aussi cocasse que prenant est rythmé de digressions savamment dosées, de détails techniques répétés et ressassés, de dissections soigneuses des moindres hypothèses envisageables. C'est long, répétitif, il prévient, mais par une réaction littéraro-chimique que je ne saurais moi-même analyser, ça passe comme une lettre à la poste - à l'exception peut-être de ces douze pages sur la fenêtre des toilettes, là, monsieur Jaenada, j'avoue que j'ai peut-être un peu décroché.

L'auteur-enquêteur excelle surtout dans la description de ses héros au summum de l'antihéroïsme, voire de la sociopathie : il l'avait déjà prouvé avec Pauline Dubuisson - qu'il invoque d'ailleurs régulièrement dans ces pages-ci, dans un sursaut d'autopromo qui m'a paru aussi délicieux que judicieux -, il le démontre à nouveau avec cette ordure d'Henri Girard, un irresponsable de première, les dents si longues qu'elles doivent lui parvenir au niveau du menton (au bas mot), provocateur comme pas deux, mais dans le même temps loin d'être dénué d'un certain panache, bref, un brave protagoniste comme on les aime. C'est dans son attachement à moitié inavoué à Henri que Jaenada brille le plus, dans cette relation improbable et à rebours dont on comprend très vite qu'elle constitue le coeur du roman. Tout tourne autour de l'insaisissable Henri, de ses malversations, de ses secrets, de ses marottes. C'est lui que Jaenada poursuit à travers ses analyses ergonomiques du maniement de la serpe ou ses dissertations sociologiques sur le peuplement du Nord de la France, c'est son visage polymorphe dont il cherche à retrouver les contours, c'est ses blessures qu'il voudrait panser.

Et c'est fascinant.

C'est sérieux et réjouissant, méticuleux et complètement réjouissant, délirant dans tous les sens du terme et pourtant si appliqué.
On aime, on adore, on se prend de passion, plus tellement pour trouver le fin mot de l'histoire mais plutôt pour le formidable itinéraire qui y mène.

La dernière page se tourne, le mystère s'imbibe de romanesque, l'épopée fantastique trouve son terme, la narration démesurément entraînante trouve son terme. Et on en redemande.

Lien : https://mademoisellebouquine..
Commenter  J’apprécie          133




Lecteurs (2475) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2901 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}