La villa San Michele (Saint-Michel) construite au sommet de l'île de Capri par le médecin suédois
Axel Munthe (1857-1949) est la demeure la plus jolie que personnellement j'ai jamais vue. Lors d'une visite avec mes soeurs et ma mère, il y a longtemps (en 1962), j'avais dit à ma mère en rigolant, voilà le genre de maison dans laquelle j'aimerais vivre plus tard, ce à quoi ma génitrice m'a gentiment répondu : mon pauvre ami, commence par faire un peu plus d'efforts à l'école, car pour acquérir une villa pareille il te faudra beaucoup de sous.
Ce fascinant toubib a écrit un ouvrage autobiographique "
Le livre de San Michele" en Anglais en 1929, qui a été un best-seller mondial, traduit en 45 langues et qui m'a cependant un peu déçu dans la mesure où son auteur s'est montré un peu trop modeste. Cette biographie par le professeur de littérature
Bengt Jangfeldt, né à Stockholm en 1948, approfondie et complète merveilleusement la riche et remarquable existence d'Axel Munthe. Cet historien expert en biographies a également écrit celles de tolstoï, Pasternak, Maïakovski,
Mandelstam et dans un tout autre registre, du héros de Budapest, le légendaire sauveur des Juifs, liquidé par Staline, Raoul Wallenberg (1912-1952 ?).
J'ignorais que les Munthe sont de lointaine ascendence flamande. En effet, le premier à se diriger vers le nord remonte à l'occupation espagnole des provinces réunies des Pays-Bas et de la Flandre par le roi Philippe II et son gouverneur dans nos contrées le duc d'Albe (1507-1582) et son Conseil des troubles, surnommé Conseil de
Sang.
Axel est né en 1857 comme 3e enfant du pharmacien Fredrik et Aurora Munthe dans le sud-est de la Suède. Avec 2 ans d'avance, à 16 ans, il termina son enseignement secondaire et alla étudier médecine à l'université d'Uppsala. Trois ans après, atteint de TBC (au point de cracher du
sang), il partait en 1876 pour le sud. Il ne rentrera que 67 ans plus tard.
C'est en France qu'il continua ses études de médecine. D'abord, quelques siècles après
Rabelais, à Montpellier et ensuite à Paris chez entre autres le renommé
Jean-Martin Charcot (de la Salpêtrière). En 1880, il défendait sa thèse et devint, à 23 ans, le plus jeune docteur de France. Son diplôme fut signé par
Jules Ferry.
Et c'était une période d'or pour la médecine : première opération d'un ulcère gastrique (1881), d'un calcul biliaire (1882), invention du vaccin antirabique par Louis Pasteur (1885), première opération d'une appendicite (1886) et premier électrocardiogramme (1887).
C'est la même année de sa promotion qu'Axel se maria pour la première fois avec une jeune Suédoise, étudiante d'art à Paris, Ultima Hornberg, 19 ans. Dans son autobiographie Munthe ne dit bizarrement que très peu sur les femmes de son entourage. Des années plus tard, en 1907, il s'est remarié avec l'aristocratique britannique Hilda Pennington-Mellor (1882-1967) de qui il a eu 2 fils, Peter (1908-1976) et Malcolm (1910-1995), qui a été officier dans le SOE ("Special Operations Executive" ou Direction des opérations spéciales de
Churchill) ce qui lui a valu d'être sérieusement blessé à Anzio et de recevoir
la croix militaire britannique (MC, Military Cross).
Axel, lui, a reçu, dès 1882, le titre de chevalier dans l'Ordre de la Couronne italienne ("Ordine della Corona d'Italia") pour ses efforts comme médecin volontaire lors de l'abominable épidémie de typhus à Naples, Ischia et Capri, l'année précédente.
Dans une lettre à l'écrivaine
Anne-Charlotte Leffler, Axel a expliqué qu'il s'était porté volontaire pour repayer sa dette à l'Italie qui l'avait guéri de sa tuberculose. "Je dois le peu de bonheur que j'ai eu à l'Italie et j'y suis allé cette fois pour dire merci" (page 34).
En novembre 1884, Axel se précipita à Paris après avoir appris que le choléra s'y était manifesté, quoique la situation n'était guère comparable. Mais Munthe avait la bougeotte et a donc beaucoup voyâgé (entre autres au sommet du Mont-Blanc où il a failli perdre une jambe et en Laponie) Il a laissé de nombreuses
lettres et une multitude d'articles pour des journaux suédois (Stockholms Dagblad, Aftonbladet...). La liste de ses correspondants laisse rêveur : Lady Margot Asquith, Edith Balfour,
Sven Hedin,
Rebecca West,
Stefan Zweig... sans oublier les rois, Gustav V, et Oscar II, les reines Sophie (de Nassau) et Victoria (de Bade), les princes Philippe de Hesse-Cassel et Max de Bade (chancelier allemand fin 1918). de la reine Victoria de Suède, Munthe a été le médecin personnel pendant toute une époque (1892-1930).
C'est à 327 mètres d'altitude, à l'emplacement d'un antique complexe de l'empereur romain Tibère, qu'
Axel Munthe est tombé sur une maison de paysan en ruine à côté d'une chapelle dédiée à Saint-Michel également en ruine, et qu'il a construit sa Villa San Michele, sans architecte, "all'occhio" (à vue de nez). Celles et ceux qui n'auraient pas encore eu la chance de visiter cette splendeur, j'invite à aller jeter un coup d'oeil sur les nombreuses photos d'Internet.
Pas surprenant que des célébrités comme
Curzio Malaparte,
Rainer Maria Rilke,
Henry James,
Oscar Wilde, Greta Garbo ... y aient logé et qu'en 1937 Hermann Goering a proposé à notre médecin de l'acheter.
Axel Munthe est décédé à Stockholm à l'âge de 91 ans, le 11 février 1947, et a légué la Villa de San Michele à l'État suédois. Une fondation très active gère actuellement cette propriété de rêve.
Le grand spécialiste de l'oeuvre de
George Bernard Shaw, Sir
Michael Holroyd, n'a eu besoin que de 2 mots pour évaluer cette biographie d'Axel Munthe : "Wonderfully good". Je suis d'accord !