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4,27

sur 157 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Patrice Jean, auteur que je viens de rencontrer grâce au billet de Christophe, entre d'emblée avec le personnage de Serge le Chenadec propriétaire d'une agence immobilière, dans le vif d'une autopsie de nos sociétés contemporaines.
Ce monsieur Tout le monde au physique médiocre, arrivé à l'âge adulte se noie dans des questions existentielles superficielles. Il va vite retrouver ses repères dans une rencontre fortuite avec une femme « qui lui est supérieure », la rencontre se finalisant avec un mariage et deux enfants , « Vraiment, le mariage arrangeait tout : plus de solitude, fornication à volonté, respectabilité, approbation maternelle , sentiment d'être un homme. » Sauf que cette finalité qui rassure , s'avère très vite n'en être pas une. D'un père de famille, il est vite réduit à un simple domestique oeuvrant à la satisfaction matérielle des membres de cette même famille, qui le méprisent, pour son aspect physique, son manque d'intérêts culturels,....bref symbol de la difformité. « Serge le Chenadec, agent immobilier,quarante-cinq ans, marié, deux enfants : l'homme surnuméraire “, traduction : le loser qui n'a plus sa place dans nos sociétés contemporaines, un personnage en trop et superfétatoire. Alors qu'on se demande ce qui va s'en suivre car nous sommes qu'au tout début du roman, Patrice Jean change de perspective et nous introduit un second personnage « surnuméraire », Clément Artois, la trentaine, beau garçon, grand lecteur au chômage......mais qui va pourtant bientôt se lester d'un boulot éditorial assez particulier. Ce dernier consistant à faire subir des cures d'amaigrissement assez drastiques aux grands classiques littéraires, coupant dans l'oeuvre « les morceaux qui heurtent trop la dignité de l'homme, le sens du progrès, la cause des femmes..... pour les rendre humaniste». L'écrivain en profite pour se lancer dans une critique sans pitié des milieux éditoriaux, avec quelques piques aux lecteurs et lectrices, surtout à ceux ou celles qui ne se contentent pas de lire mais qui profèrent aussi ses opinions, comme nous par exemple 😁 ! Perso j'ai trouvé cette partie très divertissante, vu que c'est juste et lucide.

Ces deux personnages surnuméraires, qui n'ont strictement aucun terrain de rencontre, vont se croiser par le biais de la littérature. L'histoire de le Chenadec est un roman dans un roman, une mise en abyme. À travers l'analyse des relations sociales et privées des deux protagonistes,on débouche sur une satire brillante de nos sociétés actuelles . le snobisme des classes privilégiées envers tout ceux ou celles qu'elles ne voient pas dans leur rang (argent, milieu, capital culturel, salaire et même aspect physique et habillement ) ; le pédantisme des intellos des milieux universitaires dont les borborygmes deleuziens ou foucaldiens résultent dans des discours sans queue ni tête (« ...en gros il ne disait rien... »), mais qui face au désir charnel se réduisent à l'état de primate 😁 (revanche époustouflante de l'auteur et de son alter-ego fictif Patrice Horlaville).

Un livre intéressant qui touche à de nombreux thèmes.Doté d'une excellente prose et d'une structure particulière, sans tomber dans de profondes réflexions pédantes , l'auteur s'emploie à nous donner une piètre image de l'humain et de ses occupations existentielles , le couple, le sexe ( quand on emploie le mot copuler pour faire l'amour, c'est déjà autre chose ), l'amour, l'amitié, et les rapports sociaux. L'image d'une société scindée en deux, les gagnants et les perdants, achève ce tableau pessimiste, où l'on a d'yeux que pour les premiers, et qu'on méprise royalement les seconds , le « on » étant un très large public. Personnellement , j'ai aimé nos deux perdants, nos deux hommes surnuméraires qui restent fidèles à eux-mêmes quitte à rester "losers" !

Merci Christophe, ton billet ne m'avait pas donnée envie de le lire d'emblée, mais finalement la curiosité l'emportant , c'est toi qui me l'a fait lire 😁!

«  J'avais toujours été frappé par le dogmatisme bébêtes des philosophes, du moins des professeurs de philosophie que j'avais rencontrés.Même quand il citait le sceptique Montaigne, c'était pour fabriquer une théorie du scepticisme, où il ferait bon vivre, à l'abri de l'existence. »
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Cher Patrice Jean,
je vous écris par l'intermédiaire de Babélio pour vous parler de votre livre, « L'homme surnuméraire ».
Ici, comme un peu partout de nos jours, le simple lecteur / utilisateur peut donner son avis, une note, distribuer bons et mauvais points, de manière relativement détendue et unilatérale, car possiblement anonyme... internet, quoi. Un système basé sur la popularité et l'assiduité hiérarchise avec plus ou moins de bonheur les interventions de chacun, créant une myriade de micro-sociétés plus ou moins spécialisées, s'égayant sur un site ayant érigé comme vertu totémique la Bienveillance. Elle a du bon, quand il s'agît de pacifier, voir de nettoyer les trolls en bandes organisées, protégeant les échanges des dérives obligatoires, omniprésentes sur toute plateforme proposant un espace d'expression… Et comme il faut bien faire tourner un bazar pareille, la politique éditoriale n'a d'autres opinions que celles financées et commandées par les éditeurs, cela va de soit… comment leur en vouloir…?
Tout ceci implique forcément un découpage par genres littéraires bien identifiés, sans aucune « hiérarchie », chacun ses goûts, et tout ira bien… Voyez-vous où je veux en venir…? Oui, ça glisse… et je risque d'écraser un ou deux chats mignons au passage (pas les miens, ils m'auront vidé de mon sang avant que je n'ai le temps de lever la main…), mais j'ai la faiblesse de penser que toute chose n'équivaut pas une autre, subissant le concert de problèmes « moraux » engendrés par cette assertion…
Je vous parle d'abord de ce lieux, car il est aussi peuplé d'un grand nombre d'amoureux de la littérature ou de la bande-dessinée, celle qui marque, appelle ou fait débat. Avec un peu de patience et d'application, on peut en faire un outil merveilleux.
A l'heure où certains auteurs annoncent, spécialistes, n'écrire que des « cosy-mystery avec animaux », rappelant par là les chapelles bien délimitées de la pornographie « kink-specialized » (abyssal…) : il y en a pour tous les goûts, et c'est bien ça le problème… car on oublie que notre richesse, notre profusion, nos choix, ne sont que le produit d'une société qui vit bien au dessus de ses moyens, énergétique en premier… Il y en a juste beaucoup trop, on verra bien où cela nous mènera…
Votre livre de « lettré » nous parle de tout cela, avec un profond cynisme, qui vous place d'emblée dans la case-express, telle une laverie-automatique, d'héritier de Michel Houellebecq
Phénomène troublant du mauvais bord, celui de la presse brune ricanante, qui aime à citer ou placer, comme vous, le nom de De Montherlant, balançant des seaux d'eau bénite sur le progressiste effarouché, mais qui au final nous parle peut-être des livres dont on se souviendra… Preuve en est avec l'oeuvre de jeunesse de Nikolaï Leskov, « A couteaux tirés », dont seuls Valeurs Actuels et Causeur en ont salué la sortie tardive (sic)…
Car selon moi, et d'où ma lettre, le problème se situe bien là… ce cloisonnement idéologique car moral, entre deux mondes qui auraient tout à gagner à se regarder… Votre roman ne devrait faire changer d'avis, malgré sa richesse conceptuelle, à ceux qui vous identifient comme réactionnaire, hélas !
Il faudra peut-être attendre de la grande Lionel Shriver qu'elle arrête de courir plusieurs lièvres à la fois, et qu'elle nous sorte le grand roman contre-intersectionnel qu'elle a dans les tripes, pour ouvrir ces discussions qui restent chacune dans leur boite bien étiquetée, rangée bien séparée, chacun ses…
J'ai donc pas mal aimé votre roman, son habile construction, sa langue avec juste ce qu'il faut de manières et d'érudition, ses clichés fédérateurs, tout cela… Mais l'impression pénible d'un propos qui s'arrêtera sur les frontières du cynisme et de l'ironie.
C'est le premier livre que je lis de vous, pas le dernier sûrement… Petite suggestion : un livre sous pseudonyme (Jenny Patricia ?) édité dans la collection « Sorcières » de chez Cambourakis (on en reparlera à l'occasion : un cas d'école du capitalisme triomphant que cette maison d'édition…), s'emparant jusqu'à la nausée des codes en vigueur, tel le magnifique canular académique d'Helen Pluckrose et de James Lindsay envers les études de genre… Allez-voir, c'est vraiment très drôle et légèrement rassurant…
Inconvenablement vôtre.
Paul

P.S: Et parmi les autres critiques de ce livre, il y en a une que vous trouverez, sûrement, particulièrement savoureuse...
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Procédé, artifice ? Pour raconter la vie ordinaire de Serge, déprimante et déprimée, banale à s'ennuyer pendant les cinquante premières pages, y juxtaposer le brillant factice, de surface, du milieu universitaire.
La lucidité impitoyable de Serge, sur lui-même et son entourage, face à la suffisance prétentieuse, snob, de ceux qui ont conquis le statut d'intellectuels.

Avec ce détour, bien dans l'air du temps, par la description d'un nouveau type d'édition qui, reprenant les livres déjà publiés, classiques et contemporains, les expurge de tout ce qui peut choquer notre époque excessive dans ses goûts et ses dégoûts. Tout ce qui est vaguement coloré de machisme, de sexisme, de libertinage, de mépris social, de pessimisme, d'immoralité, est « réparé ». Ce qui donne lieu à des pages réjouissantes (celles de Patrice Jean, pas celles expurgées). « Ainsi naquit le verbe « céliner ». Lorsque Beaussant m'informait qu'il avait « céliné » une oeuvre, c'est qu'il n'en restait, dans le volume et dans l'esprit, presque rien. le verbe, on l'aura compris, se référait à Céline : « Voyage au bout de la nuit », gros roman de plus de six cents pages, avait subi une cure d'amaigrissement, de sorte qu'il se présentait, dans notre collection, sous la forme d'une petite plaquette d'à peine vingt pages, dont le contenu guilleret, printanier et fleuri, n'aurait pas choqué les séides les plus soumis au politiquement correct. »

Au côté des personnages principaux, une galerie de figures typées, mais tellement vraies, dont un homme de lettres absolument séduisant, observateur impitoyable et plein d'humour de toute cette comédie que se jouent les acteurs de l'édition et les universitaires.

La construction du livre – roman dans le roman – est brillante, et si l'esprit en est très souvent cynique, les pages consacrées aux modestes, aux incolores, aux petits sans grade et sans réussite, sont à la fois réalistes et pleines de tendresse.

Ce sont eux, finalement, dont Patrice Jean démontre que la vie sonne le plus juste, le plus authentique.
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Le roman commence par raconter les déboires de Serge, agent immobilier, marié à Claire, professeure de lycée. Pendant des vacances en famille, Claire rencontre un couple d'universitaires gallois qui représente tout ce qu'elle aimerait être et lui fait encore mieux prendre conscience de la médiocrité de son mari. Puis Clément, un autre narrateur, intervient ; il semble lui aussi une autre forme d' "homme surnuméraire". Il vit aux crochets de sa jolie compagne Lise, dont les amis sont professeurs d'université, philosophe, écrivain, éditeur, ce qui le fait encore plus passer pour un parasite. Voilà pour le fond, en dire plus serait gâcher. L'intérêt de cette lecture, est, je trouve, le plaisir malin que prend l'auteur à jouer avec ses personnages, comme un chat avec une souris vivante. Rien ne leur est épargné, aucune bassesse, et j'avoue, c'est ce qui m'a plu. Les parodies stylistiques font aussi sourire, et on se demande jusqu'au bout comment tout cela va finir.
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Tout d'abord merci à une Babelienne, Agnès, qui m'a conseillé ce livre fort intéressant que ce soit tant par la forme que par le fond.
Je l'ai dévoré en deux jours, tant il fut agréable de lire cet ouvrage.
Roman à tiroirs, très bien construit, avec une prose savoureuse et jubilatoire. On sent bien que l'auteur s'est beaucoup amusé en l'écrivant.
Satire de l'antihéros, des milieux universitaires avec leurs snobismes littéraires, et en cela, Patrice Jean se moque également de lui-même.
Roman à tiroirs car nous avons droit à un roman pur et dur, celui où évoluent Serge et Claire, et parallèlement, des littéraires empesés et prétentieux, qui décortiquent ce livre.
Cela m'a réjouis, l'auteur est très habile et nous suivons le cours du livre, emporté comme sur un bateau, en ne sachant pas toujours où il veut en venir.
J'ai beaucoup aimé les vacances de Serge et Chantal, vieille fille de 45 ans qui connaît pour la première fois les affres de l'amour, et surtout de l'amour physique.
L'auteur écrit remarquablement bien, avec des mots peu usités, il m'a fallu mon dictionnaire mais c'est avec joie que j'ai pu apprendre un nouveau vocabulaire.
Par contre, je me suis un peu ennuyée pendant les joutes oratoires des intellectuels et des universitaires. J'ai préféré de loin le roman dont il est question dans ce roman. Question de goûts !
Un livre fort intéressant, Mr Jean a bien du talent, j'en suis toute admirative !
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J'ai beaucoup aimé ce livre dans lequel l'auteur passe en revue les défauts les plus évidents de nos sociétés du paraître qui ont supplanté les sociétés de l'être, des valeurs : pensée unique, intellectuels auto-proclamés thuriféraires d'eux-mêmes, droit de l'hommisme foulant aux pieds le respect de l'intégrité d'une oeuvre ou L Histoire, etc...
Je citerai l'auteur pour m'excuser de n'en pas dire plus, mais lisez-le ! "Chaque roman, qu'il soit d'un inconnu ou d'un génie, passait devant le tribunal des lecteurs, tous flattés d'évaluer la chose, sans jamais douter de leur compétence. L'évidence critique, comme le bon sens, était la chose du monde la mieux partagée. Personne n'estimait manquer de goût. Personne"
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Belle plongée dans l'immonde médiocrité de notre époque, par la voie de la parodie. Ce qui est drôle, c'est que même ses contempteurs ont quelque chose de ridicule. Hélas, le problème avec ce genre d'entreprise, c'est que l'auteur finit nécessairement par être éclaboussé ; on ne peut pas plonger dans la merde sans en garder un petit fumet. Parmi les pastiches du style moderne, j'ai particulièrement ri au passage où l'on suit l'aventure de Claire sous la plume de Léa Lili ; ouvrez n'importe quel ouvrage de X... c'est exactement pareil. le personnage de Chantal, image de la pureté dans ce monde décadent, sorte de figure d'ange triste, rehausse un peu l'histoire. Tous les autres sont des médiocres et des ratés, Gérard de Boissieu, Alexis Corvec, certes dans le côté plus mondain, mais aussi Clément, le narrateur de certains passages, qui est, d'après moi, une sorte de petit roquet boudeur et immature (mais là encore, c'est voulu). La narration est assez labyrinthique, quand on y pense, mais pour autant pas difficile à suivre ; il y a parfois des paradoxes, mais ça souligne le côté satyrique, ça permet de mettre de la distance et un ton ironique dans les propos. C'est quand même beaucoup mieux que Houellebecq.
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Savez-vous ce que c'est que "céliner" ? Ce néologisme à l'avenir encore incertain apparaît sous la plume de Patrice Jean (professeur de lettres modernes, né à Nantes et vivant à Guérande). Céliner, c'est expurger une oeuvre littéraire de tout ce qui pourrait choquer les moralisateurs dominants, c'est réduire "Voyage au bout de la nuit" à une vingtaine de pages. Si le passage du roman qui traite de cette opération est désopilant, il laisse cependant au lecteur un goût amer : les auteurs contemporains ne se censurent-ils pas eux-mêmes ? Ne sont-ils pas obligés de soumettre leurs ouvrages à une "dialyse littéraire" ? En tout cas, Patrice Jean ne s'y résout pas.

Serge, personnage central du roman, est un agent immobilier faiblement motivé par son travail, peu considéré par sa femme et père de deux enfants qui l'ignorent ouvertement. Dans sa famille, il n'est donc "rien", ce qui le conduit à envisager "déserter la scène". Cependant, en s'appuyant sur un aphorisme à la Raymond Devos, il réalise que "n'être plus rien, quand on est moins que rien, c'est une authentique promotion"...

Vous découvrirez au cours de votre lecture (parsemée de clins d'oeil et d'éclats de rire) des portraits féroces d'universitaires pontifiant du haut de leurs diplômes devant des étudiants qui ne lisent que le premier chapitre de l'ouvrage à étudier ; vous y verrez un éditeur (totalement imaginaire bien sûr) plus attiré par le chiffre que par le contenu de ses collections.

Par l'entrelacs habile de deux récits (celui de Serge, l'agent immobilier, et celui de Clément l'oisif littéraire), celui d'un livre écrit et celui du regard porté sur ce livre ; par le côtoiement de deux mondes, celui du savoir et celui du senti, celui de l'activité ostentatoire et celui de l'oisiveté contrainte ; par la découverte d'un coeur simple et provincial à l'écart des turbulences et le l'hypocrisie de la vie parisienne ; par le partage de considérations désabusées sur la condition humaine et par le regard ironique et gravement accusateur qu'il porte sur les auteurs bien-pensants, l'auteur arrive à la fois à nous faire rire, à nous questionner sur l'évolution de notre société et à nous faire partager ses convictions sur la littérature.

Patrice Jean nous offre là une oeuvre littéraire dans les tons gris, mais rehaussée d'éclats vifs et brillants. "La littérature est cet art qui unit l'être et le connaître. Elle est la connaissance par l'humour, par l'émotion, par la sensibilité". CQFD.
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Il était une fois…
Serge le Chenadec, un homme d'une désolante banalité, l'antihéros par excellence.
Sa femme Claire, sorte d'Emma Bovary, sous la coupe de Bérengère, une amie féministe qui s'ingénie à ne lui faire voir que la médiocrité de son mari et l'entraîne dans les milieux intello-gauchisants. Fréquentant ses nouveaux amis, ça menait Claire à une rigidité vertueuse, à accuser ceux qui ne pensaient pas comme elle d'être des racistes et des fachos.
Serge avait connu Claire lors d'une soirée arrosée.
La meilleure amie en avait tiré argument : « On n'embrasse pas une femme qui a bu ! C'est dégueulasse ! » Bérengère avait même conseillé de le dénoncer aux flics.

Puis, bardaf, on entre dans la vie d'une autre famille.
Lise, riche héritière, et son amant Clément, un autre loser, oisif celui-ci. Mais grand lecteur. À son tour, Lise tombe sous l'influence de Corvec, brillant universitaire qui la lorgne sexuellement.
À cette fin, il dévalorise Clément, le dévalorisant en « Alceste de Prisunic », ce qui commence à atteindre Lise dans son amour.

Le rapport entre les deux récits nous apparaît alors, où l'on voit que «L'homme surnuméraire » est un roman, oeuvre d'Horlaville, un ami de Claire, roman que Corvec descend en flammes.
À ce moment, tout est posé.
Chaque récit reprend son cours.

Retour à L'homme surnuméraire.
Serge est de plus en plus dévalorisé par les siens, épouse et enfants.
Ils hébergent un temps une jeune amie, Véronika, quand Serge entre par inadvertance dans la salle de bain où elle est mi-nue.
C'est la curée. Sa femme l'accuse de pédophilie. Elle s'éloigne et le trompe.
Tandis que Serge retrouve Chantal, une innocente femme de ménage, touchante de naïveté et de candeur, pour une brève aventure sans lendemain.

Entre Lise et Clément, plus rien n'est comme avant depuis les critiques de Corvec. Clément a eu beau se défendre avec une brillante parabole de la mammographie, le sein vu selon l'amant ou le gynécologue. Ils se séparent.

Clément est alors engagé par un éditeur pour un travail singulier : réviser, adapter toute la littérature classique, du Don Juan de Molière au bloc note de Mauriac et au Céline de Mort à crédit, réduit, lui, à une vingtaine de pages.

Il y a là la prémisse d'un 1984, le début d'une réécriture universelle de l'histoire, l'expurgation de ce que dénonce aujourd'hui le "Woke" dans les arts.

Son collègue, Étienne Weil, juif homo désabusé, lui fait voir l'inanité de critiquer le projet de l'éditeur opportuniste.
« On veut bien de la littérature si elle baisse la tête pour rendre hommage à son suzerain : l'esprit du temps. Rappelle-toi Caligula intronisant son cheval sénateur, eh bien, un rappeur conférencier à Normale Sup, ça ne te fait pas le même effet ? »
La meute des journalistes pisseurs d'encre s'en mêle. Ainsi que tribunal des lecteurs, critiques absolus qui ne doutent jamais de leur compétence.
Tiens, un clin d'oeil ici !
Mais l'épilogue est jouissif, où l'auteur du roman primitif écrit une fin où il réunit tout le monde dans une orgie purificatrice autant que destructrice.

Le roman de Patrice Jean est un éblouissement, une merveille d'analyse sociétale traitée avec un humour corrosif.

Mais quand un livre m'a plu, j'ai souvent un léger problème : je crains d'être déçu par le suivant de l'auteur, relire la même chose sous une autre forme, ou autre chose sous la même forme.
C'est mon dilemme de lecteur !
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J'ai vraiment bien aimé ce roman, pour l'histoire, pour le style de narration qui m'a semblé original et pour le style tout court que j'ai fort apprécié.

Ce style m'a parfois fait penser à Jean-Paul Dubois, avec un vocabulaire assez recherché (abouli, exciper, enté, rogue, abouté, fors, bistre, appendu, précellence, commensal, faquin, factotum, cossard, adamique, syntagme, sélène, votive, sfumatos, séide, rabouter, camarilla, stances, élégies, madrigaux, phtisique, viatique, badauder, comminatoire, baguenauder, festonner, rouscailler, raout, sonie, étique, contempteurs, fat, accroire, noria, antienne, rebuffade, impéritie, narthex, compassé, gamahucher, mitan, alacrité, kilim, oukase, pistrouille, sycophante, godelureau, guipure, rogomme, etc.).
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