Les débuts dans le monde de Béatrice

Grâce à son sens inné des affaires et à une gestion irréprochable de son patrimoine, il avait acquis une fortune considérable et possédait le pouvoir d’anéantir quiconque se dressait sur son chemin. Voilà pourquoi la bonne société buvait ses paroles… D’autant plus qu’il s’exprimait rarement pour ne rien dire.

Malgré sa compassion pour le chagrin de sa tante, la jeune femme espérait que Grey, le fils aîné, ne se montrerait pas. Les arrogants de son espèce l’exaspéraient, même si elle n’en croisait pas souvent dans sa province. Mais les gentlemen qu’elle avait rencontrés par l’intermédiaire de son oncle Armie ne lui avaient pas fait bonne impression.

En réalité, il n’avait pas les yeux verts, mais changeants. Dame Nature semblait avoir mélangé le bleu des yeux de sa mère et le vert de ceux de son demi-frère pour créer cette couleur unique, aussi troublante que son sourire était désarmant. Ses traits acérés s’adoucirent.

Le duc esquissa un sourire sardonique. Avait-il deviné ses pensées ? Flûte ! Elle ne s’attendait pas à une telle réaction de sa part. Mieux valait éviter de le regarder, d’autant qu’il avait le don de faire naître en elle un trouble étrange… Elle ressentait alors la même ivresse que lorsqu’elle dévalait la colline avec les chiens, un mélange de crainte et de jubilation. Elle refusait d’être déstabilisée par sa présence. Pourvu qu’il s’en aille le lendemain des funérailles de son beau-père ! Ensuite, elle ne le reverrait plus jamais…

Une femme n’avait pas le droit de prendre la moindre décision par elle-même. Toute sa vie, elle restait à la merci d’un frère, d’un père ou d’un mari. C’était injuste !

De nombreuses règles en vigueur dans la bonne société londonienne semblent absurdes. Si tu veux réussir tes débuts dans le monde, tu devras respecter certaines de ces règles, du moins le temps de mettre le grappin sur un mari. Ce conseil est aussi valable pour vous, mademoiselle Wolfe, ajouta-t-il avec un sourire.