Le 7 août 1948 s'achevaient les jeux olympiques de Londres, le Finlandais Viljo Heino favori de l'épreuve avait laissé la médaille d'Or filer à Émile Zatopec suivi par Alain Mimoun. La Finlande perdait son statu inviolé, celui des rois du 10 000m
Les Finlandais avaient Jusque-là dominé toutes les épreuves des JO précédents sur le 10 000 m, avec les fameux doubles médaillés d'or, Pavo Nurmi et Laase Viren.
Mais qu'est-ce qui fait courir ces Finlandais ? Les Russes ou les Suédois, les uns voulant les annexer, les autres les soumettre à la couronne. de son pays
Arja Kajermo la narratrice devenue écrivaine parle peu et pourtant.
La Finlande est riche d'une mythologie particulière et féconde par les Samis, population autochtone très ancienne. Une minorité souvent malmenée en Suède et en Norvège, du fait de leurs coutumes et notamment celui de l'élevage des Rennes ( Cf les ouvrages de
Olivier Truc ).
Nous sommes en 1950 et nous suivrons une famille d'agriculteurs, une histoire racontée par Arja la petite fille, dont "la grand-mère était une femme en colère. La plupart du temps c'était contre son papa qu'elle était en colère avoua t-elle page 30."
Avec vigueur son autorité règne à la suite du décès de son mari sur l'ensemble de la famille. Elle puise son énergie, peut être sur les droits des femmes, le droit de vote fut accordé aux femmes avant tous les autres pays démocratiques.
Elle va se heurter à son propre fils, un fils aîné qui finira par baisser les bras. Elle règne aussi par sa force de caractère refusant toute dépense inutile ne croyant qu'en la vertu du travail.
Arja Kajermo la narratrice se souvient page 13 : "grand-mère remontait la colline en suivant le chemin de terre avec l'allure constante d'un char russe. C'était difficile de garder le rythme. "
La famille finit par partir en Suède, poussée par cette irritable patronne mais la vie ne sera pas aussi florissante que le papa pouvait l'imaginer.
"Les éclats d'obus que papa avaient toujours dans les jambes depuis 1944, chacun d'entre nous les portaient dans son coeur écrit-elle page 84."
Le jour où son papa lui a demandé de lui montrer qu'elle était sa main droite, puis sa main gauche, tout l'univers de la petite fille a basculé. Arja ne savait pas qu'il y avait une main plus importante que l'autre.
C'est à ce moment-là que j'ai complètement arrêté de parler, et préféré passer pour une idiote incapable de faire la différence entre la gauche et la droite incapable d'apprendre le Suédois.
Puis plus tard elle ajouta, "je veux rentrer à la maison je ne veux pas rester ici je veux retourner vivre avec grand-mère et Tapio. Je vais habiter là où je peux parler. J'ai regretté d'avoir ouvert la bouche et d'avoir parlé ce jour-là page 122."
Cependant l'épisode qui apparaît à la fois comme le plus fantasque et le plus drôle est celui où la jeune écrivaine raconte comment son frère a un jour accroché un caleçon long pour remplacer le drapeau de la Suède. Un caleçon long bien bleu de la couleur de la Finlande
Tout y est résumé, le besoin de parler sa propre langue le besoin de se parler en famille avec sa propre langue, le besoin de se retrouver sur son propre territoire là où on a commencé à vivre.
Est-ce un livre sur l'apprentissage de la vie d'adulte, le passage de la vie d'une petite fille vers la maturité ou plus simplement un livre sur l'épreuve de l'exil.
Cette épreuve, les enfants l'ont vécu dans leurs mots, dans leurs jeux, dans le plaisir d'être en famille parler ou pas le finnois. Cette épreuve de l'exil, ils l'ont vécu à travers le jeune Tapio qui venait les rejoindre chaque été et chaque été était devenu une épreuve de séparation. Un abandon de plus qui les éloignait de leurs terres natales. L'auteure Arja écrit pour digérer cette expérience, l'exprimer en anecdotes, en mots, et en événements subtils et délicats qui peu à peu dessinent une fissure entre la mère et le père.
La mère continue à parler le finnois alors que le père ne souhaite entendre de la part de sa famille que le Suédois avec l'obsession qu'il a de s'implanter et de passer inaperçu sans faire de vagues.
L'ensemble est comme une broderie qui peu à peu révèle un climat à la fois tendre et sombre quand la petite fille sent que ses racines se diluent, s'estompent, le langage du coeur, sa langue natale ne passe plus alors elle préféra se taire.
Toutes les émotions passent à travers ses silences qu'elle efface peu à peu par les livres de contes qu'elle va dévorer un par un de Grimm à Andersen.