Voici de la littérature "roumaine" contemporaine: l'auteur fait partie de la minorité sicule de Transylvanie, dont les membres aujourd'hui, peu nombreux du reste, disent à une large majorité se sentir magyars. Kanyadi vit à Cluj-Napoca ( Kolozsvár en hongrois) depuis des années et sur sa qualité de Sicule il écrit qu'il préférerait souvent faire partie d'une espèce en voie de disparition. Ce qui en dit long, c'est qu'il ne soit pas traduit en français et que je doive passer par l'anglais pour connaître son oeuvre; voilà pour l'exception culturelle…
Quant à la poésie, je dois dire qu'elle est assez convaincante. Certes, c'est une traduction et il est donc assez difficile d'évaluer le style, en dehors des considérations assez généralistes: vers libres, asyndète, parfois des rimes. Les formats sont variés: des poèmes courts, longs, des
ballades, des rondeaux, même des épigrammes, le tout maîtrisé. Les thèmes eux aussi sont variés: il y a notamment une partie dédiée aux poèmes sur la littérature. Les plus récents arborent quelques thèmes politiques (la Tchétchénie entre autres) et ne me demandez pas plus que pour
Paul Schuster comment le poème où il est question du Conducător a passé la censure: les censeurs ne lisaient peut-être ni le roumain ni le hongrois? Les références me ramènent à l'exception culturelle: certes des poètes hongrois ou roumains (Ioan Alexandru ou
Anatol Baconsky) mais aussi
François Villon… Sur le fond une réflexion souvent intéressante qui frise parfois la sociologie, avec par exemple des considérations sur la prédominance du salariat dans les sociétés modernes, des poèmes qui rappellent par la clarté du propos
Irving Layton ou
Philip Larkin (en France
Michel Houellebecq ?) d'autres
poésies sont plus hermétiques, mais peu et jamais complètement. Usage fréquent de l'ironie voire du sarcasme : j'ai en mémoire le poème sur son père, qualifié de profiteur de guerre parce que mutilé, il touche une pension. Enfin, pas oublier que l'auteur est bien en vie, contrairement à bien d'autres que je critique et qu'il peut toujours surprendre…